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26/10/2010 | FRANCE | N°10LY00392

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2010, 10LY00392


Vu la requête, enregistrée le 18 février 2010, présentée pour M. Moussa A élisant domicile au cabinet de son conseil ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions prises à son encontre par le préfet du Rhône, le 4 juin 2009, et portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation de pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions du 4 juin 2009 ;

3°) d'enjoind

re au préfet du Rhône de lui délivrer, dans le mois suivant l'arrêt à intervenir, une carte...

Vu la requête, enregistrée le 18 février 2010, présentée pour M. Moussa A élisant domicile au cabinet de son conseil ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions prises à son encontre par le préfet du Rhône, le 4 juin 2009, et portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation de pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions du 4 juin 2009 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer, dans le mois suivant l'arrêt à intervenir, une carte de séjour temporaire assortie d'un droit au travail, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail durant le réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à charge pour Me Matari de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de son état de santé établi par les certificats médicaux qu'il produit ; qu'elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le principe constitutionnel du respect de la dignité humaine ; qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français viole les dispositions de l'article L. 511-4-10°, dès lors qu'il n'est pas en mesure de bénéficier dans son pays d'un traitement approprié ; qu'elle est en outre entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- que la décision fixant la Guinée pour pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la CEDH ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 mai 2010, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les certificats médicaux produits, au demeurant postérieurs à la décision attaquée, ne permettent pas d'établir que M. A entrerait dans le champ des prévisions des articles L. 313-11-11° et L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour ; que ses attaches familiales et sociales sont essentiellement en Guinée, de sorte que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu, et que la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'enfin, aucun risque personnel, au sens de l'article 3 de la même convention, n'est établi ;

Vu l'ordonnance en date du 20 juillet 2010 fixant la clôture d'instruction au 20 août 2010 à 16h 30, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 15 décembre 2009 accordant à M. Moussa A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 octobre 2010 :

- le rapport de M. Lévy-Ben Cheton, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant que M. Moussa A, de nationalité guinéenne, serait, selon ses dires, entré sur le territoire français le 24 octobre 2004 ; qu'il a sollicité le bénéfice du statut de réfugié ; qu'à deux reprises, tant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que la commission des recours, devenue ensuite la Cour Nationale du droit d'asile, ont rejeté ses demandes et recours ; que M. A a alors demandé un titre de séjour en qualité d'étranger malade le 8 avril 2009 ; que, par décision du 4 juin 2009, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, assortissant sa décision d'une mesure d'éloignement ;

Sur le refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) : qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis du 17 avril 2009 émis par le médecin inspecteur de santé publique, que si l'état de santé de M. A, qui souffre de douleurs abdominales et se trouve dans un état dépressif issu d'un syndrome post-traumatique, nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé peut, en outre, effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Guinée, son pays d'origine ; que les certificats médicaux produits par le requérant, émanant de médecins généralistes, n'apportent aucune précision de nature à remettre en cause cet avis, alors qu'au surplus il ne ressort des pièces du dossier ni que les douleurs abdominales de M. A aient donné lieu à un diagnostic précis et une prise en charge spécialisée, ni qu'il suivrait, en France, un quelconque traitement de fond pour les troubles psychiatriques dont il soutient être affecté ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus attaquée méconnaît les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance./ 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que si M. A prétend vivre en France depuis 5 ans à la date de la décision attaquée, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'ensemble de sa famille ainsi que ses deux enfants mineurs sont restés en Guinée, et qu'il n'a pas de vie familiale et ne justifie pas d'une insertion sociale effective en France ; que, dès lors et compte tenu des conditions d'entrée et de séjour de M. A, qui se maintient irrégulièrement sur le territoire français, la décision attaquée n'a pas porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; que le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A ne peut ainsi être retenu ;

Considérant, enfin, que M. A ne saurait davantage utilement soutenir que les conditions de sa présence en France sans titre de séjour, qui, en tout état de cause, ne résulte pas de la décision du préfet, mais de sa propre volonté, porteraient atteinte au principe constitutionnel de respect de la dignité humaine ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été retenus ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susmentionnées, et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; que M. A se prévaut d'un certificat médical attestant la présence de nombreuses et profondes cicatrices résultant selon lui de sévices subis durant quatorze mois d'emprisonnement du fait de son activité militante en Guinée au sein du Rassemblement du Peuple Guinéen (RPG), et invoque des risques de mauvais traitements en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il n'apporte, toutefois, à l'appui de ses allégations aucun document ou justificatif probant de nature à établir la réalité des persécutions qu'il y aurait subies et des risques personnellement encourus en cas de retour ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Moussa A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Moussa A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au Préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Pourny et Lévy Ben Cheton, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2010.

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N° 10LY00392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00392
Date de la décision : 26/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Laurent LEVY BEN CHETON
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : MYRIAM MATARI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-26;10ly00392 ?
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