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14/10/2010 | FRANCE | N°09LY02968

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 14 octobre 2010, 09LY02968


Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la SA NOMI, dont le siège social est situé 20 route de Beaumont à Fribourg (Suisse) ;

La SA NOMI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705782 du Tribunal administratif de Lyon du 20 octobre 2009, en tant qu'il maintient l'imposition en France de la quote-part de la plus-value afférente à la promesse de vente contenue dans le contrat de crédit-bail immobilier cédé par elle le 30 décembre 2004 ;

2°) de prononcer la décharge du solde des cotisations supplément

aires d'impôt sur les sociétés calculées sur la base d'une somme de 106 667 euros cor...

Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la SA NOMI, dont le siège social est situé 20 route de Beaumont à Fribourg (Suisse) ;

La SA NOMI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705782 du Tribunal administratif de Lyon du 20 octobre 2009, en tant qu'il maintient l'imposition en France de la quote-part de la plus-value afférente à la promesse de vente contenue dans le contrat de crédit-bail immobilier cédé par elle le 30 décembre 2004 ;

2°) de prononcer la décharge du solde des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés calculées sur la base d'une somme de 106 667 euros correspondant à la valeur de la promesse de vente cédée ;

Elle soutient que :

- si, aux termes de l'article 6 de la convention franco-suisse et du protocole additionnel du 22 juillet 1997, les promesses de ventes afférentes à des biens immobiliers constituent des biens immobiliers et si les revenus tirés de la cession d'une promesse de vente sont imposables dans le pays où se trouve le bien, la quote-part de la plus-value objet du litige ne provient pas de la cession de l'immeuble sur lequel porte la promesse de vente mais du contrat de crédit-bail immobilier, dont ladite promesse de vente est une composante ; il n'est pas mentionné, en outre, que la promesse unilatérale de vente constitue en soi un bien immobilier ; le texte du protocole ne précise pas si l'expression "promesse de vente" ne concerne que les promesses synallagmatiques ou si elle englobe également les promesses unilatérales ;

- il résulte, en effet, d'une jurisprudence constante en droit interne qu'une promesse unilatérale de vente n'est constitutive d'un droit immobilier qu'à la levée de l'option et qu'auparavant elle ne confère à son bénéficiaire qu'une créance mobilière consistant en une obligation de faire de la part du promettant ;

- à défaut de dispositions particulières, la cession de la promesse de vente composant en partie le contrat de crédit-bail n'est donc imposable qu'en Suisse, car elle relève du 5° de l'article 15 de la convention qui stipule que "les gains provenant de l'aliénation de tous biens autres que ceux qui sont mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne sont imposables que dans l'Etat où le cédant est résident" ;

- en spécifiant que l'expression "biens immobiliers" définie au paragraphe 2 de l'article 6 de la convention comprend les options, promesses de vente et autres droits analogues, relatifs à ces biens, le texte du protocole ne distingue pas plusieurs catégories de promesses de vente ; la requérante admet que les promesses de vente afférentes à des biens immobiliers constituent des biens immobiliers et que les revenus tirés de la cession de telles promesses sont imposables dans le pays où est situé le bien ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- il résulte des stipulations du II du protocole additionnel à la convention franco-suisse, complété par l'avenant du 22 juillet 1997, que les deux pays ont entendu soumettre tous les revenus provenant de l'exploitation ou de la cession d'un bien immobilier ou des droits attachés à ce bien, notamment les options, promesses de vente et autres droits analogues, à l'impôt du pays de situation de ce bien ; la plus-value résultant de la cession d'un droit attaché à un bien immobilier situé en France, tel une promesse de vente, est imposable en France ;

- le bail et la promesse de vente constituent les deux droits attachés au contrat de crédit-bail et ne peuvent être cédés séparément ; si ce contrat s'analyse comme une location suivie le cas échéant de la cession d'un bien immobilier, le preneur réalise également une opération financière assimilée à une opération de crédit par l'article L. 313-1 du code monétaire et financier ; si le titulaire d'un contrat de crédit-bail immobilier bénéficie d'un droit de jouissance sur l'immeuble nu dont il est crédit-preneur, il a la faculté de l'acquérir à l'expiration du bail à raison de la promesse de vente dont il bénéficie ; il s'agit d'un mode d'acquisition d'une immobilisation, car le preneur choisit l'immeuble et le finance au moyen du crédit-bail ;

- en déclaration préliminaire de l'acte du 24 février 1997 il est rappelé que le preneur a choisi l'immeuble et que l'intervention du bailleur présente un caractère essentiellement financier ; que ce contrat de crédit-bail cédé par la SA NOMI le 30 décembre 2004 comprend la promesse de vente de l'immeuble, l'option étant possible par anticipation dès la septième année de location ;

- l'acte de cession du 30 décembre 2004 a chiffré distinctement le bail et la promesse de vente ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 5 juillet 2010, présenté pour la SA NOMI, qui se réfère à ses écritures antérieures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention fiscale franco-suisse modifiée du 9 septembre 1966 et son protocole additionnel ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2010 :

- le rapport de M. Raisson, premier conseiller ;

- les observations de Me Masson, avocat de la SA NOMI ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

- la parole ayant à nouveau été donnée à Me Masson , avocat de la SA NOMI ;

Considérant que la société de droit suisse SA NOMI a conclu le 24 février 1997, avec la société Solybail, un contrat de location-vente d'une durée de 15 ans, portant sur des locaux situés à Nice ; que la SA NOMI a cédé ce contrat, le 30 décembre 2004, à sa filiale AG Investissement, dont le siège social est à Lyon, pour un prix de 200 000 euros, dont 106 667 euros au titre de la promesse de vente ; que, mise en demeure de procéder à la déclaration de ses revenus imposables en France, la SA NOMI a déposé, le 16 février 2006, auprès de l'administration fiscale française, une déclaration enregistrant la plus-value de 200 000 euros tirée de la cession du contrat dans la catégorie des revenus exceptionnels et la déduisant du résultat fiscal avec la mention " article 15 Convention Franco-suisse du 09/09/1966 " ; que l'administration fiscale a soumis ladite plus-value à l'impôt sur les sociétés et à la contribution supplémentaire à ce droit en application de l'article 15 alinéa 5 de la convention franco-suisse ; qu'au principal de l'imposition ont été ajoutés l'intérêt de retard et la majoration de 40 % pour dépôt tardif de la déclaration ; que le Tribunal administratif de Lyon a déchargé la SA NOMI à due proportion de la valeur non contestée du droit au bail et a rejeté le surplus de ses conclusions ; qu'elle fait appel du jugement en ce qu'il ne l'a pas déchargée de la totalité des rappels mis à son nom ;

Sur l'application de la loi française :

Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 39 duodecies A du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés, par les dispositions de l'article 209-I de ce même code : " La plus-value réalisée lors de la cession d'un contrat de crédit-bail conclu dans les conditions prévues aux 1 et 2 de l'article L. 313-7 du code monétaire et financier est soumise au régime défini aux articles 39 duodecies et suivants. Lorsque le contrat a été conclu dans les conditions du 1 de l'article L. 313-7 du code monétaire et financier, elle est considérée comme une plus-value à court terme à concurrence de la fraction des loyers qui correspond aux amortissements que l'entreprise cédante aurait pu pratiquer selon le mode linéaire si elle avait été propriétaire du bien qui fait l'objet du contrat ; ces amortissements sont calculés sur le prix d'acquisition du bien par le bailleur diminué du prix prévu au contrat pour l'acceptation de la promesse unilatérale de vente en retenant une durée d'utilisation égale à celle du contrat. Lorsque le contrat a été conclu dans les conditions du 2 de l'article L. 313-7 précité, la plus-value est considérée comme une plus-value à court terme à concurrence de la fraction déduite, pour l'assiette de l'impôt, de la quote-part de loyers prise en compte pour la fixation du prix de vente convenu pour la cession éventuelle de l'immeuble à l'issue du contrat diminuée du montant des frais d'acquisition compris dans ces loyers. " ; qu'il résulte de ces dispositions et de celles de l'article 38 du code général des impôts, auquel renvoie également l'article 209-I relatif à l'impôt sur les sociétés, que la plus-value ici en litige, ainsi que le reconnaît la société requérante, devait bien être soumise à cet impôt au regard de la loi française ;

Sur l'application de la convention franco-suisse :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 en matière d'impôts sur le revenu et la fortune : " 1. Les revenus provenant des biens immobiliers (y compris les revenus des exploitations agricoles ou forestières) sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés. / 2. L'expression "biens immobiliers" est définie conformément au droit de l'Etat contractant où les biens considérés sont situés. L'expression englobe en tout cas les accessoires, le cheptel mort ou vif des exploitations agricoles et forestières, les droits auxquels s'appliquent les dispositions législatives concernant la propriété foncière, ainsi que les droits d'usufruit sur les biens immobiliers à l'exception des créances de toute nature garanties par gage immobilier, et les droits à des redevances variables ou fixes pour l'exploitation ou la concession de l'exploitation de gisements minéraux, sources et autres richesse du sol. (...) / Si la propriété ou l'usufruit d'actions, parts ou autres droits dans une société, une fiducie, ou une institution comparable, donne au propriétaire ou à l'usufruitier la jouissance exclusive de biens immobiliers situés dans un Etat contractant et détenus par cette société, fiducie ou institution comparable, ou si ces actions, parts ou autres droits sont traités fiscalement comme des biens immobiliers par la législation interne de cet Etat, les revenus que le propriétaire ou l'usufruitier tire de l'utilisation directe, de la location ou de l'usage sous toute autre forme de son droit de jouissance sont imposables dans cet Etat nonobstant les dispositions des articles 7 et 16. / 3. Les dispositions du paragraphe 1 s'appliquent aux revenus provenant de l'exploitation directe, de la location ou de l'affermage, ainsi que de tout autre forme d'exploitation de biens immobiliers à l'exception des revenus que procure à un résident d'un Etat contractant l'exercice de droits de pacage sur le territoire de l'autre Etat contractant ; / 4. Les dispositions des paragraphes 1 et 3 s'appliquent également aux revenus provenant des biens immobiliers d'une entreprise, ainsi qu'aux revenus des biens immobiliers servant à l'exercice d'une profession libérale " ; qu'aux termes de l'article 15 de cette même convention : " 1. Les gains provenant de l'aliénation des biens immobiliers, tels qu'ils sont définis à l'alinéa 1er du paragraphe 2 de l'article 6, sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés (...) 5. Les gains provenant de l'aliénation de tous biens autres que ceux mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne sont imposables que dans l'Etat dont le cédant est un résident " ; que l'avenant du 22 juillet 1997 a complété le II du protocole additionnel à cette convention par les termes interprétatifs : " a) Il est entendu que l'expression "biens immobiliers" définie au paragraphe 2 de l'article 6 de la convention comprend les options, promesses de vente et autres droits analogues relatifs à ces biens ; / b) En ce qui concerne le deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 6, il est entendu que l'expression "jouissance exclusive" inclut la jouissance de biens immobiliers pendant une ou plusieurs périodes de durée limitée au cours de l'année fiscale considérée et la jouissance de biens immobiliers dans le cadre d'une indivision ou d'une copropriété (...) " ;

Considérant, en premier lieu, que, si la société requérante soutient qu'en droit interne, la jurisprudence assimilerait les promesses unilatérales de ventes à des créances mobilières tant que l'option n'est pas levée, et qu'ainsi seules les promesses synallagmatiques constitueraient des " biens immobiliers ", les Etats co-contractants, en visant dans le 1er du paragraphe 2 de l'article 6 les biens immobiliers et en précisant dans le protocole additionnel qu'il fallait entendre par là " les options, promesses de vente et autres droits analogues, relatifs à ces biens ", ne peuvent être regardés comme ayant entendu exclure de ces stipulations les promesses unilatérales de vente ;

Considérant, en second lieu, que le contrat de crédit-bail immobilier contenant nécessairement une promesse de vente, ainsi que cela est d'ailleurs explicitement précisé dans le contrat passé en 1997 entre la société requérante et la société Solybail, quand bien même elle est unilatérale, constitue, au regard de la convention franco-suisse précitée, un bien immobilier qui, par application des stipulations de ladite convention, est imposable dans le pays où se trouve l'immeuble ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA NOMI est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA NOMI et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2010, à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président,

M. Raisson et Mme Besson-Ledey, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 14 octobre 2010.

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N° 09LY02968


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02968
Date de la décision : 14/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: M. Denis RAISSON
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : REQUET CHABANEL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-14;09ly02968 ?
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