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12/10/2010 | FRANCE | N°10LY00041

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2010, 10LY00041


Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2010, présentée pour Mlle Marie Gladys A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902426, en date du 17 décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte-d'Or du 21 septembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

2°) d'annuler, pour excès de

pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de...

Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2010, présentée pour Mlle Marie Gladys A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902426, en date du 17 décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte-d'Or du 21 septembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , ou à défaut de procéder à un réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que :

- le refus de titre repose sur une erreur de fait dès lors qu'elle n'a pas abandonné sa formation en classe BEPA, mais a été dans l'impossibilité de la poursuivre au regard de sa situation administrative ;

- compte tenu des éléments exceptionnels et des motifs humanitaires dont elle a fait état, le refus de son admission sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de titre méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'éloignement est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre ;

- cette décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- eu égard à la réalité des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, cette décision méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 avril 2010, présenté par le préfet de la Côte-d'Or qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le refus de titre est fondé essentiellement sur le fait que l'intéressée n'a pas fourni de contrat de travail correspondant à un emploi qui figure sur la liste de la région Bourgogne des métiers ouverts aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne et qu'elle ne fait valoir aucun élément répondant à des motifs humanitaires qui aurait justifié son admission exceptionnelle au séjour ;

- dès lors que l'intéressée n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de ses efforts d'insertion, le refus de titre n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- dès lors qu'elle ne vit pas avec sa tante, qu'elle n'établit pas entretenir des relations affectives avec elle, qu'elle n'apporte pas la preuve que sa mère, sa soeur et ses grands-parents ne résideraient plus dans son pays d'origine, qu'elle est célibataire et sans enfant, le refus de titre ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- l'exception d'illégalité du refus de titre pourra ainsi être écartée, de même que les autres moyens soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire ;

- la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée ;

- elle n'apporte pas la preuve des risques encourus dans son pays d'origine ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 avril 2010, présenté pour Mlle A qui conclut aux mêmes fins ;

Elle soutient, en outre, que l'obligation de quitter le territoire méconnait les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle souffre d'une pathologie psychiatrique qui nécessite des soins ne pouvant être dispensé dans son pays d'origine ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2010, présenté par le préfet de la Côte-d'Or qui conclut aux mêmes fins ;

Il soutient, en outre, que l'intéressée ne lui a jamais fait état de sa pathologie avant l'intervention de l'obligation de quitter le territoire ;

Vu la décision, en date du 12 février 2010, admettant Mlle A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 septembre 2010 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

Considérant que Mlle A, de nationalité congolaise, a sollicité le 18 mars 2009 son admission exceptionnelle au séjour ; qu'elle relève appel du jugement en date du 17 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte-d'Or du 21 septembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que Mlle A reprend le moyen de sa demande de première instance tiré de ce que préfet aurait entaché sa décision d'erreur de fait dès lors qu'elle n'a pas abandonné sa formation en classe de BEPA d'aide à la personne, mais qu'elle n'a pu trouver de stage en raison de sa situation administrative ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter, commis une erreur en écartant ce moyen ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ;

Considérant que Mlle A fait valoir que depuis son entrée en France, elle a mis tout en oeuvre pour acquérir son indépendance et s'insérer socialement, qu'elle bénéficie d'un contrat jeune majeur et qu'elle entretient des liens affectifs étroits avec sa tante qui réside en France et qui constitue désormais sa seule famille ; que, toutefois, et alors même que l'intéressée produit un contrat d'insertion dans la vie sociale établi avec la mission locale de Dijon, le 17 septembre 2009, lui permettant de bénéficier d'un accompagnement dans ses démarches d'insertion professionnelle et sociale, elle n'établit ni son isolement dans son pays d'origine, ni l'intensité de ses liens avec sa tante ; que, de même, Mlle A, qui n'a pas produit les bulletins scolaires réclamés, le 30 juillet 2009, par le préfet afin de vérifier le sérieux de ses études, alors qu'elle a redoublé la première année de BEPA service aux personnes et qu'elle n'a pas achevé cette formation, ne peut dans ces conditions, être regardée comme établissant son intégration en France ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que Mlle A est entrée irrégulièrement en France le 17 janvier 2006, à l'âge de 16 ans ; qu'elle a été prise en charge au titre de l'assistance éducative, puis par mesure de tutelle, et confiée aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Côte-d'Or ; qu'elle a conclu avec le Président du Conseil général de la Côte-d'Or, un contrat d'aide à un jeune majeur, qui a été renouvelé pour prendre fin le 21 décembre 2009 ; que, durant son séjour en France, la requérante a suivi une formation professionnelle en classe de BEPA service aux personnes ; qu'elle a redoublé la première année de cette formation et n'a pas achevé la seconde année, alléguant l'impossibilité pour elle de poursuivre cette formation faute d'obtenir un stage en raison de sa situation administrative ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, que Mlle A a effectué un stage en cuisine entre le 13 avril et le 13 mai 2009 ; que la seule circonstance qu'elle bénéficie d'un contrat jeune majeur en cours ne permet pas d'établir la réalité des efforts d'intégration de l'intéressée ; que, Mlle A, célibataire et sans enfant, n'établit ni avoir constitué en France des liens personnels forts, ni être dépourvue de toute famille proche dans son pays d'origine ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et nonobstant certains efforts d'insertion sociale et professionnelle de l'intéressée, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour en litige n'a pas porté au droit de Mlle A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'ainsi, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ;

Considérant qu'au soutien du moyen tiré de la violation de ces dispositions, Mlle A produit deux certificats médicaux en date des 19 et 23 mars 2010, le premier établi par un médecin généraliste faisant état d'un syndrome anxio-dépressif chronique nécessitant des soins de longue durée ainsi que des examens complémentaires spécifiques en France, le second établi par un psychiatre faisant état de troubles psychiatriques nécessitant un suivi psychothérapique régulier et un traitement médicamenteux adapté dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une extrême gravité ; que, toutefois, ces certificats, qui ne sont corroborés par aucune pièce prouvant la réalité du traitement qui serait indispensable à la santé de l'intéressée, ne sont pas de nature à établir la gravité de l'affection qu'elle invoque, ainsi que l'impossibilité de pouvoir bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine ; que, par suite, Mlle A n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en dernier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance, par la mesure d'éloignement, des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet doivent être écartés ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée en droit par le visa des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que la décision portant obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire ; que cette décision doit par ailleurs être regardée comme suffisamment motivée en fait par l'indication que l'intéressée est de nationalité congolaise et qu'elle pourra être reconduite d'office à la frontière du pays dont elle a la nationalité, ou de tout autre pays où elle établirait être légalement admissible ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que Mlle A fait valoir qu'elle encourt des risques pour sa vie et sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine, en raison des origines rwandaises de sa mère et de sa fuite ; qu'elle a subi d'humiliantes et douloureuses violences à caractère sexuel qui nécessitent encore aujourd'hui un suivi psychologique important ; que toutefois, elle n'établit pas ainsi la réalité et la nature des risques qu'elle encourrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, la décision désignant ce pays comme destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mlle A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Marie Gladys A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2010, à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président,

M. Seillet et Mme Dèche, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2010.

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N° 10LY00041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00041
Date de la décision : 12/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-12;10ly00041 ?
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