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12/10/2010 | FRANCE | N°08LY02884

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2010, 08LY02884


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 24 décembre 2008, et régularisé le 8 juin 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, ET DE LA REFORME DE L'ETAT;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°0404311 du 29 août 2008 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. Serge A des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994,1995 et 1996 ; >
2°) de rétablir M. Serge A au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 24 décembre 2008, et régularisé le 8 juin 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, ET DE LA REFORME DE L'ETAT;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°0404311 du 29 août 2008 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. Serge A des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994,1995 et 1996 ;

2°) de rétablir M. Serge A au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1994, 1995 et 1996 pour un montant de 18 888,74 euros ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, ET DE LA REFORME DE L'ETAT soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative, dès lors qu'il n'a pas indiqué les raisons pour lesquelles il écartait le moyen en défense tiré de ce qu'eu égard à la confusion du patrimoine entre les personnes morales et leurs dirigeants, l'administration était fondée à remettre en cause la répartition des bénéfices initialement mentionnée par l'association L'Audere Club ;

- l'administration a établi l'appréhension et le montant des sommes en litige conformément au 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts ; elle a apporté ainsi la preuve que M. A a eu la maîtrise financière et comptable de l'association L'Audere Club et constituait, avec M. B, les deux seuls maîtres de l'affaire ; le montant des distributions effectuées au bénéfice de M. A, et retenu au titre des chacune des années 1994, 1995 et 1996, a été déterminé à partir du montant total des revenus distribués par l'association au cours de l'année considérée, tel que fixé à la suite de la vérification de comptabilité de cette association, déduction faite des sommes effectivement appréhendées par M. B dont la Cour a reconnu le bien-fondé, et en appliquant au montant ainsi calculé le pourcentage revenant à M. A énoncé par l'association elle-même lors de la demande de désignation du bénéficiaire qui lui a été adressée ;

- le vérificateur a communiqué au contribuable tout au long de la procédure de vérification ainsi que lors de la notification de redressement, les éléments démontrant qu'il a été bénéficiaire des revenus réputés distribués ;

- il ne saurait utilement se prévaloir d'une irrégularité de la procédure de la vérification de comptabilité suivie à l'égard de l'association L'Audere Club qui est indépendante de l'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle de M. A ;

- l'administration a apporté la preuve d'une corrélation entre les montants crédités et les distributions opérées ;

- l'ordonnance de non-lieu dont a bénéficié M. A dans le cadre de la procédure pénale est sans incidence sur les conséquences fiscales issues de la vérification de comptabilité de l'association et de l'examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle ;

- l'argumentation relative aux versements perçus de la part de la Sarl Chriser est inopérante dès lors que les redressements procèdent uniquement de la vérification de comptabilité de l'association L'Audere Club et sont étrangers à celle de la Sarl Chriser ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 31 juillet 2008, le mémoire en défense présenté par M. Serge A, qui conclut au rejet du recours.

Il soutient que :

- il n'a pas repoussé plusieurs propositions d'entretien avec l'interlocuteur départemental ;

- le Tribunal, qui n'a aucune obligation de répondre à l'ensemble des arguments invoqués, a suffisamment motivé son jugement ;

- comme l'a jugé le Tribunal, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'appréhension des revenus réputés distribués, que ce soit dans leur quantum ou leur existence ; le véritable maître des deux entités était M. B, comme en ont été convaincus le Tribunal administratif de Lyon et la Cour concernant le litige relatif à l'imposition de ce dernier ; il n'y a pas de corrélation entre les sommes réputées distribuées et les sommes portées au crédit de son compte courant ;

- il n'a pas été en mesure de vérifier les dires des autres personnes visées par la procédure et pièces visées dans la requête du ministre ;

Vu, enregistré le 28 septembre 2009, le nouveau mémoire présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- le fait que l'entretien avec l'interlocuteur départemental ait été repoussé finalement au 3 septembre 1998 n'est pas imputable à l'administration ;

- la répartition des revenus réputés distribués par l'association est conforme à la réalité compte tenu du rôle de M. B ; l'examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle a démontré une disproportion entre les revenus déclarés et les revenus encaissés sur les comptes bancaires de M. A ainsi que la faiblesse des dépenses de train de vie effectuées par carte bancaire et une corrélation entre des sommes réparties et distribuées au nom de M. A et les sommes perçues et portées sur ses comptes bancaires ;

- le contribuable n'a pas demandé à consulter les documents cités par l'administration ;

- il y a bien indépendance avec la procédure suivie à l'égard de l'association ; une irrégularité affectant la procédure de vérification de comptabilité est sans incidence sur l'existence de revenus distribués résultant de recettes dissimulées ; il n'est pas contestable que lors de l'examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle une disproportion importante entre les revenus déclarés et les revenus portés sur ses comptes bancaires personnels a été relevée ;

Vu, enregistré le 16 février 2010, le nouveau mémoire présenté par M. Serge A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre qu'il ne pouvait pas obtenir les documents de la procédure pénale dont l'administration a eu communication tout en s'abstenant de lui fournir une copie ;

Vu l'ordonnance du 26 février 2010 prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative fixant la clôture de l'instruction au 19 mars 2010 à 16 h 30 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 septembre 2010:

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- les observations de Me Pansu, représentant M. A ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Pansu ;

Considérant que la Sarl Chriser, dénommée aussi aux plaisirs gourmands , dont l'objet social était bar-restaurant, auberge et club privé , installée à Simandres (Rhône), a été créée en septembre 1993, notamment par M. A qui détenait 100 des 500 parts de la société et en a été le gérant de droit jusqu'au 16 juin 1996, et par M. B qui détenait la majorité du capital, soit 300 parts, et en devint le gérant de droit après le départ de M. A ; que ces deux personnes ont été aussi à l'origine de la création, le 21 octobre 1993, de l'association L'Audere Club , installée dans les mêmes locaux, qui avait pour objet l'organisation de loisirs de quelque nature qu'ils soient entre les membres de l'association et gérait, en fait, un club de rencontres ; que, jusqu'à sa démission le 31 mars 1996, M. Serge A en a été le président, Mlle Catherine C, concubine de M. B, qui en était la secrétaire, en devenant la présidente à compter du 1er avril 1996, et M. B, devenant trésorier de l'association à compter du 11 décembre 1996 ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet l'association l'Audère Club et de l'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle de M. Serge A, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT relève appel du jugement du 29 août 2008 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. Serge A des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994, 1995 et 1996 à raison des bénéfices sociaux réputés distribués entre ses mains par l'association L'Audere Club pour des montants, respectivement, de 138 366 francs, 159 391 francs et 52 901 francs ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le Tribunal a prononcé la décharge des impositions litigieuses au motif que, s'il est constant que M. A était le président de l'association L'Audere Club jusqu'au 31 mars 1996 et s'il ressort des affirmations de l'administration fondée sur la procédure pénale dont il a été l'objet qu'il avait un rôle actif et la maîtrise financière de l'association, toutefois, en s'en tenant à ces affirmations, en ne justifiant pas du montant des sommes appréhendées par M. A et en n'établissant aucune corrélation entre les sommes, telles qu'elles ont été réparties lors de la désignation de M. A comme bénéficiaire des revenus distribués, et les sommes perçues par ce dernier et portées au crédit de ses comptes bancaires, l'administration ne peut, dans ces conditions, être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'existence et du montant des revenus appréhendés par M. A ; que les premiers juges qui n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments qui leur étaient soumis, ont examiné tous les moyens en défense soulevés devant eux et ont répondu aux arguments principaux de l'administration tirés de ce qu'elle démontrait l'existence et le montant des revenus distribués à M. A eu égard à la participation active de l'intéressé dans la gestion de l'association, ayant continué à avoir la maîtrise financière de cette dernière, à sa qualité de dirigeant de droit de cette association et de la Sarl Chriser dont il n'ignorait pas les liens financiers entre les deux entités et les agissements irréguliers concernant l'association, et à la répartition des distributions entre les différents bénéficiaires qui tenait compte de la participation active de chacun ; qu'ainsi, le jugement attaqué doit être regardé comme suffisamment motivé au regard des prescriptions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : Pour l'application de l'article 109-1-°1, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ; qu'aux termes de l'article 117 dudit code: Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale (...), celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a refusé, dans le délai de 30 jours dont il disposait, les redressements découlant du rattachement à son revenu global des bénéfices de l'association L'Audere Club regardés comme distribués à son bénéfice en ce qui concerne notamment la réalité de la distribution ; que, dans ces conditions, il incombe à l'administration de prouver, d'une part, l'existence des bénéfices qui auraient été distribués par l'association et, d'autre part, le montant des sommes qui auraient été distribuées à M. A ainsi que leur appréhension quand bien même ce dernier a été désigné comme bénéficiaire des revenus distribués par l'association ;

Considérant qu'il est constant qu'à la suite d'une demande de l'administration, l'association L'Audere Club , par l'intermédiaire de sa présidente Mlle C, a informé celle-ci que la répartition des bénéfices des exercices clos les 31 décembre 1994 et 1995 étaient de 75% pour M. A en ses fonctions de président de l'association et de gérant de la société Chriser, et de 25% pour cette dernière société, et, celle de l'exercice clos le 31 décembre 1996, de 12,5% pour M. A, compte tenu de sa démission de ses fonctions dirigeantes au sein de ces entités juridiques, de 37,50% pour M. B et de 50% pour la société Chriser ; que, compte tenu du rôle joué par M. B et notamment du fait qu'une partie des achats de bouteilles de champagne facturés à l'association lui était destinée personnellement pour son activité de vente de champagne qui était exercée dans le cadre de l'association, l'administration a déterminé le montant des revenus distribués à M. A en appliquant, pour chacune des années en litige, les pourcentages de répartition ainsi déclarés par l'association au montant résultant de la différence entre, d'une part, le total des revenus distribués par l'association au cours de l'année considérée et, d'autre part, les sommes ainsi effectivement appréhendées à titre personnel par M. B dans le cadre de son activité de vente de champagne ;

Considérant que, pour justifier les montants des sommes réputées appréhendées par M. A, l'administration fait valoir que ce dernier était, jusqu'au 31 mars 1996 et malgré le différend qui l'opposait à M. B concernant les conditions d'exercice de l'activité du club, le principal dirigeant de droit de l'association L'Audere Club en sa qualité de président, qu'il avait été le gérant de la société Chriser et avait conservé une maîtrise financière de l'association ; que toutefois, il résulte notamment des procès-verbaux de police et des constatations effectuées par l'administration au cours des contrôles opérés auprès de l'association et de la société Chriser, que M. B était, depuis la création de l'association et de la société Chriser, l'animateur prépondérant de l'activité du club ainsi que de la société, qu'il était le responsable de fait de ces entités juridiquement distinctes mais étroitement liées financièrement, que M. A n'a eu qu'un rôle secondaire, signant au nom de l'association les chèques au vu des factures fournies par M. B qui en était le véritable dirigeant ; que, par suite, l'administration n'établit pas que M. A était maître de l'affaire, ni ne produit d'élément permettant de démontrer l'existence d'une confusion de patrimoine avec celui du contribuable ;

Considérant, enfin, que la circonstance que, dans le cadre d'un litige opposant M. B à l'administration fiscale, le Tribunal administratif de Lyon, confirmé par la Cour, a jugé que l'administration était fondée à remettre en cause la répartition des bénéfices communiquée par la présidente de l'association et à retenir que la part personnelle de M. B dans les distributions effectuées par l'association devait être évaluée à 46,2% compte tenu de son activité de vente de champagne dans le cadre de cette association, ne saurait établir les montants appréhendés par M. A ; que si l'administration fait aussi état d'une disproportion importante entre les revenus déclarés et les revenus portés sur ses comptes bancaires personnels, elle ne produit, toutefois, pas d'élément de nature à établir une corrélation entre les sommes figurant sur ces comptes et les sommes telles qu'elles ont été réparties suite à la désignation ; que, les éléments ainsi exposés par l'administration ne sauraient suffire à établir que M. A aurait appréhendé 75%, au titre des années 1994 et 1995, et 12,5% en 1996, des revenus distribués par l'association déduction faite des sommes qui ont été regardées comme ayant été appréhendées à titre personnel par M. B dans le cadre de son activité personnelle de vente de champagne ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'administration ne peut ainsi être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, des montants des revenus appréhendés par M. A ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. A des impositions litigieuses ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à M. Serge A.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2010, où siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2010.

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N° 08LY02884


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY02884
Date de la décision : 12/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : PANSU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-12;08ly02884 ?
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