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07/10/2010 | FRANCE | N°09LY00358

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 octobre 2010, 09LY00358


Vu, enregistrés les 19 février et 17 juin 2009, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. et Mme Francesca et Guy A, domiciliés ... ;

Ils demandent à la Cour :

1°) l'annulation du jugement n° 0502015 du 23 décembre 2008 du Tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Annemasse à leur verser respectivement les sommes provisionnelles de 1 500 et 15 000 euros en réparation de l'accident vasculaire dont Mme A a été victime dans les suites d'une opération de l'intestin en janvier 1999

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2°) de faire droit à leur demande et de désigner un expert à l'effet d'éval...

Vu, enregistrés les 19 février et 17 juin 2009, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. et Mme Francesca et Guy A, domiciliés ... ;

Ils demandent à la Cour :

1°) l'annulation du jugement n° 0502015 du 23 décembre 2008 du Tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Annemasse à leur verser respectivement les sommes provisionnelles de 1 500 et 15 000 euros en réparation de l'accident vasculaire dont Mme A a été victime dans les suites d'une opération de l'intestin en janvier 1999 ;

2°) de faire droit à leur demande et de désigner un expert à l'effet d'évaluer le préjudice de Mme A et, subsidiairement, d'organiser une nouvelle expertise afin de déterminer les conditions de responsabilité du centre ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Annemasse les dépens de l'instance et le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- A la suite d'une opération de l'intestin, elle a été victime d'une hémiplégie gauche par migration cérébrale d'un caillot développé à partir d'une prothèse cardiaque ;

- Le caillot s'est développé du fait d'une dé-coagulation médicamenteuse insuffisante durant son séjour à l'hôpital ;

- Un caillot se constitue progressivement avant de se détacher à distance de sa constitution ;

- Il existe donc bien un lien de causalité entre la faute commise par le centre à n'avoir pas prescrit un traitement anticoagulant suffisant et l'accident dont elle a été victime un mois plus tard ;

- Le second caillot découvert le 31 mars 1999 est apparu dans les suites d'une chirurgie cardiaque elle-même constitutive d'un risque supplémentaire ;

- Les processus de formation et de migration des caillots sont deux processus distincts ;

- Elle n'a bénéficié d'aucune surveillance à l'hôpital qui aurait permis de supprimer tout risque d'embolie ;

- Compte tenu de la prothèse dont était porteuse la victime, le cardiologue de l'intéressée a clairement informé le centre de la nécessité d'une anti-coagulation stricte mais les indices de dé-coagulation ont constamment été en dessous des chiffres préconisés notamment par la société française de cardiologie ;

- Le traitement n'a pas été repris après l'intervention ;

- La responsabilité de l'hôpital est engagée ;

- Une nouvelle expertise s'impose.

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 mai 2009 accordant aux intéressés l'aide juridictionnelle partielle ;

Vu, enregistré le 12 mai 2010, le mémoire en défense présenté pour le centre hospitalier d'Annemasse qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :

- Il a contrôlé tout au long de son hospitalisation le traitement anticoagulant dont bénéficiait la patiente, les examens biologiques permettant de contrôler les taux de TP et d'INR étant réalisés ;

- Les traitements anticoagulants ne permettent pas d'écarter tout risque d'accident vasculaire cérébral pour les patients porteurs d'une prothèse cardiaque ;

- Dès le 25 janvier 1999, soit trois semaines avant l'accident, le taux d'INR était conforme aux recommandations du médecin ;

- L'existence d'un lien de causalité entre le traitement anticoagulant et l'accident n'est pas avérée ;

- Deux nouveaux caillots intracardiaques ont été découverts fin mars 1999 alors que son taux d'INR était de 7, 38, supérieur aux indices préconisés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2010 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les observations de Me Demailly, avocat du centre hospitalier d'Annemasse ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes.

Considérant que Mme A, qui porte une prothèse cardiaque depuis 1994, suit un traitement anticoagulant afin d'éviter la formation de caillots sanguins au niveau de cette prothèse ; qu'admise le 2 janvier 1999 au centre hospitalier d'Annemasse, elle a subi le 4 janvier suivant l'ablation de la partie gauche de l'intestin ; qu'après avoir quitté l'hôpital le 20 janvier, elle a été victime le 16 février suivant d'une hémiplégie gauche avec paralysie faciale provoquée par la migration d'un caillot valvulaire à l'origine d'un infarctus cérébral ; que le président du Tribunal administratif de Grenoble a ordonné une expertise en référé dont le rapport a été déposé le 25 juin 2003 ; que Mme A, qui impute l'accident vasculaire cérébral dont elle a été victime à une dé-coagulation médicamenteuse insuffisante durant son séjour à l'hôpital, a recherché avec son époux la responsabilité de cet établissement devant le Tribunal administratif de Grenoble qui, par un jugement du 23 décembre 2008, a rejeté leur demande ; que le Tribunal a retenu une faute de l'hôpital à lui avoir prodigué un traitement anticoagulant insuffisant durant son hospitalisation mais a estimé que cette faute était sans lien avéré avec l'embolie dont elle a été victime ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors de l'hospitalisation de Mme A à Annemasse, son taux d'INR, qui permet de doser les facteurs de coagulation du sang, a oscillé entre des valeurs de 1,31 et 2,7 ; que Mme A soutient que, dans un courrier du 11 décembre 1998 adressé au centre hospitalier, son cardiologue avait indiqué que, compte tenu de la prothèse mécanique dont elle est porteuse, elle devait suivre un traitement anticoagulant la maintenant dans des valeurs INR comprises entre 3,5 et 4,5 ; que les pièces du dossier, et notamment le rapport de l'expert désigné en référé par le Tribunal, ne permettent pas à la Cour de savoir si le centre hospitalier a mis en place un protocole anticoagulant adapté à la pathologie présentée par la patiente, compte tenu notamment de l'intervention médicale qu'elle a subie, et si un tel traitement aurait permis d'éviter, et dans quelles proportions, la survenance de l'embolie dont elle a été victime; qu'il y a lieu, par suite, avant de statuer sur la demande de M. et Mme A, d'ordonner une expertise médicale aux fins précisées ci-dessous ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner le centre hospitalier à verser aux intéressés les sommes qu'ils réclament à titre provisionnel ;

DECIDE :

Article 1er : Il sera avant de statuer sur la requête de M. et Mme A procédé à une expertise médicale en vue :

- De préciser si le centre hospitalier a mis en place un protocole anticoagulant destiné à maintenir les valeurs INR à un niveau compatible avec la pathologie présentée par l'intéressée et préciser, dans l'affirmative, si ce protocole était adapté compte tenu de l'intervention chirurgicale dont elle a fait l'objet et des suites de cette opération ;

- Dans la négative d'indiquer si la mise en oeuvre d'un autre protocole aurait permis le respect de ces taux et, dans l'attente des résultats, de différer l'opération ;

- De dire si le caillot sur la prothèse mitrale qui est à l'origine de l'embolie cérébrale dont Mme A a été victime a pu se former pendant sa période d'hospitalisation ou se constituer par la suite ;

- De préciser si l'administration, durant l'hospitalisation de Mme A, d'un traitement anticoagulant adapté à son état lui aurait permis d'éviter cette embolie ou d'en limiter les conséquences et dans l'affirmative d'évaluer, en fixant un taux, l'ampleur de la perte de chance que l'absence de soins adaptés a entraînée pour l'intéressée d'échapper à la survenance d'un accident vasculaire cérébral ;

- De déterminer la date de consolidation de l'état de l'intéressée, la durée de l'incapacité temporaire totale, le taux de l'incapacité permanente partielle, de préciser l'importance des troubles dans les conditions d'existence et de déterminer l'importance des souffrances endurées, des préjudices esthétique et d'agrément ;

- Faire toutes constatations utiles.

Article 2 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert convoquera les parties, examinera Mme A et se fera communiquer tous les documents utiles à cette mission, en particulier l'entier dossier médical de Mme A et notamment les documents relatifs aux examens, aux soins et interventions pratiqués sur l'intéressée au cours de son hospitalisation au centre hospitalier d'Annemasse ainsi que l'ensemble des pièces produites par les parties à l'instance, dont le premier rapport d'expertise. L'expert communiquera un pré-rapport aux parties, en vue d'éventuelles observations, avant l'établissement de son rapport définitif.

Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la Cour et pourra se faire assister par un sapiteur de la spécialité de son choix. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R.621-14 du code de justice administrative.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Tous droits et moyens sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Guy A, au centre hospitalier d'Annemasse et à la mutualité sociale agricole d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Verley-Cheynel, président,

MM. Picard et Stillmunkes, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 7 octobre 2010.

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N° 09LY00358


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00358
Date de la décision : 07/10/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : CLAPOT et LETTAT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-07;09ly00358 ?
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