Vu la requête, enregistrée le 15 avril 2008, présentée pour M. François A, domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700550 du 5 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001 à 2003 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que s'il ne lui appartenait pas d'établir que ses revenus considérés par l'administration comme étant d'origine indéterminée se rattachaient à son activité professionnelle, il appartenait à l'administration fiscale d'établir qu'il avait pu disposer d'autres ressources que celles tirées de son activité professionnelle ; que la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office est entachée d'un détournement de procédure, l'administration fiscale qui vérifiait sa comptabilité n'ignorant pas la nature de ses revenus ; que pour établir qu'il a pu disposer de revenus supérieurs à ceux qu'il a déclarés, l'administration fiscale a retenu, outre ses propres revenus, ceux de sa compagne, imposée distinctement, et ceux de leurs enfants, en faisant abstraction des revenus déclarés pour 2001 et 2003 ; que les droits de la défense ont été méconnus, l'administration ne lui ayant pas donné l'origine des renseignements obtenus avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que M. A n'a justifié qu'un seul des crédits bancaires constatés sur ses comptes et que l'administration était ainsi en droit de taxer d'office à l'impôt sur le revenu les autres crédits litigieux sur le fondement des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ; que la commission a émis un avis favorable au maintien des rehaussements en litige ce qui attribue la charge de la preuve au requérant ; que les revenus du requérant sont hors de proportion avec les montants déclarés par l'intéressé et qu'aucun des crédits inexpliqués n'a été identifié comme provenant de l'activité professionnelle du requérant qui n'est pas fondé à alléguer un détournement de procédure ; que le total des crédits mentionnés sur les comptes bancaires, soit 61 444 euros en 2001 et 131 525 euros en 2002, était plus de dix fois supérieur au montant des revenus déclarés, soit 3 700 euros et 4 210 euros ; qu'il a été tenu compte, à la demande du requérant, des crédits inexpliqués figurant sur le compte dont il était co-titulaire avec sa compagne, lesquels n'ont pas été imposés entre les mains de cette dernière, et que les crédits constatés sur les comptes bancaires des enfants et un crédit justifié de 22 791 euros n'ont pas été taxés, les crédits litigieux réduits à 31 927 euros pour 2001 et 50 508 euros pour 2002 restant plusieurs fois supérieurs aux revenus déclarés ; qu'aucun mouvement lié à une activité industrielle ou commerciale n'a été décelé ; que le caractère privé des comptes du requérant est établi ; que le contribuable a été informé par un courrier du 3 septembre 2004 de l'origine des renseignements recueillis par l'administration ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 janvier 2009, présenté pour M. A, qui maintient ses conclusions ;
Il soutient en outre que l'administration ne lui a pas adressé la mise en demeure obligatoire prévue à l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales ; que les relevés bancaires détenus par l'administration devaient obligatoirement être communiqués au contribuable, qui en était privé, préalablement à l'envoi de la demande de justifications ; que l'absence de cette communication a fait obstacle au déclenchement du délai de 60 jours imparti au contribuable pour répondre à la demande de justifications ; que les relevés bancaires n'ont pas été obtenus des établissements concernés mais de l'autorité judiciaire, ainsi qu'il résulte du rapport établi suite à l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle, sans qu'il soit informé de l'origine de cette communication ; que l'administration fiscale ne pouvait pas rectifier ses revenus professionnels dans le cadre d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle après lui avoir adressé un avis d'absence de rectification après vérification de sa comptabilité ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 avril 2009, présenté pour le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui maintient ses conclusions ;
Il soutient que M. A s'étant abstenu de répondre dans le délai imparti à la demande de justifications qui lui a été adressée, il pouvait faire l'objet d'une taxation d'office sans mise en demeure préalable ; que le requérant ne justifie pas avoir effectué des démarches pour obtenir communication des relevés bancaires utilisés par l'administration ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 mai 2009, présenté pour M. A, qui maintient ses conclusions ;
Il soutient en outre que l'insuffisance de la réponse d'un contribuable à une demande de justifications doit s'apprécier globalement ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 juillet 2009, présenté pour le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui maintient ses conclusions ;
Il soutient que le contribuable s'est abstenu de toute réponse sur les revenus taxés d'office et qu'il ne peut donc pas se prévaloir de la jurisprudence du Tribunal administratif de Marseille concernant un contribuable qui avait apporté divers éléments de réponse à une demande de justifications ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 septembre 2009, présenté pour M. A, qui maintient ses conclusions ;
Il soutient qu'il a répondu à la demande de justifications et que l'administration n'a pas respecté le délai complémentaire qui lui avait été accordé pour compléter sa réponse lors d'un entretien ; que ce n'est pas à sa demande que l'entretien prévu a été fixé par l'administration à une date postérieure à la proposition de rectification ;
Vu l'ordonnance en date du 1er mars 2010 fixant la clôture d'instruction au 2 avril 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 mars 2010, présenté pour M. A, qui maintient ses conclusions, par les moyens exposés dans ses précédents mémoires ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 avril 2010 et régularisé par courrier le 8 avril 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui se borne à indiquer que le mémoire enregistré le 24 mars 2010 lui est parvenu le jour de la clôture de l'instruction ;
Vu la lettre en date du 29 juin 2010 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 septembre 2010, présentée pour M. A, qui informe la Cour qu'il a obtenu, par un jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 juillet 2010, la décharge des cotisations supplémentaires de cotisations sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001, 2002 et 2003 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 septembre 2010 :
- le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
Considérant que, suite à un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, M. François A, qui exerçait une activité de peintre en bâtiment et de couvreur, a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, au titre des années 2001 et 2002, et à des cotisations supplémentaires de contributions sociales, au titre des années 2001 à 2003 ; qu'il conteste le jugement n° 070550 du 5 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge desdites cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ;
Sur les conclusions afférentes à l'année 2003 :
Considérant que M. A n'a été assujetti à aucune cotisation d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2003 ; que, dès lors, ses conclusions tendant à la décharge d'une cotisation d'impôt sur le revenu établie au titre de l'année 2003, qui ne sauraient être regardées comme tendant à la décharge d'une cotisation supplémentaire de contributions sociales non contestée en première instance, sont dépourvues d'objet et par suite irrecevables ;
Sur les conclusions afférentes aux années 2001 et 2002 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et fixer à l'intéressé, pour fournir sa réponse, un délai qui ne peut être inférieur au délai de trente jours prévu à l'article L. 11. , qu'aux termes de l'article L. 16 A du même livre : Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. et qu'aux termes de l'article L. 69 dudit livre : Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ;
Considérant, en premier lieu, que le montant des crédits constatés sur le compte de M. A à la Société Générale et sur le compte joint dont il disposait avec sa compagne au Crédit Lyonnais excédait largement le double des revenus qu'il a déclarés au titre des années 2001 et 2002, alors que sa compagne n'avait déclaré aucun revenu, sans que cette discordance ne fût imputable à des transferts de compte à compte décelables à la lecture des relevés bancaires concernés ; que l'administration fiscale était ainsi fondée, en application des dispositions précitées, à demander à M. A des justifications sur l'origine de ces crédits ; que si M. A soutient qu'elle ne pouvait pas mettre en oeuvre cette procédure pour redresser le montant de ses revenus, alors qu'elle savait qu'il avait exercé une activité industrielle et commerciale, l'administration fiscale ne disposait d'aucun élément lui permettant de rattacher à cette activité industrielle et commerciale les crédits figurant sur les comptes bancaires susmentionnés ; que le moyen tiré de ce que la demande de justifications adressée au requérant serait entachée d'un détournement de procédure doit par suite être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que le contribuable a répondu à la demande de justifications du 28 septembre 2004, par une lettre du 26 novembre 2004 ; que cette lettre contenait des justifications suffisantes sur l'origine d'un crédit de 22 791,35 euros et l'indication que l'intéressé avait pris contact avec les établissements bancaires concernés pour obtenir copie des chèques versés sur ses comptes assortie d'une demande de rendez-vous pour transmettre des justificatifs et évoquer le dossier ; qu'eu égard à son contenu, une telle lettre, qui présentait manifestement un caractère dilatoire, ne saurait être regardée comme une demande de délai supplémentaire afin de réunir des justifications sur les crédits dont l'origine restait indéterminée ; que le moyen tiré de ce que M. A aurait été privé à tort d'un délai supplémentaire pour réunir les justificatifs nécessaires n'est ainsi pas fondé ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que si M. A a justifié, par sa lettre du 26 novembre 2004, du caractère non imposable d'un crédit de 22 791,35 euros, il n'a apporté aucun commencement de réponse à la demande de justifications du 28 septembre 2004 pour les autres crédits qui y étaient mentionnés ; que, dès lors, la réponse du contribuable étant suffisante pour le crédit de 22 791,35 euros et assimilable à une absence de réponse pour les autres crédits, l'administration fiscale n'était pas tenue de lui adresser la mise en demeure prévue par les dispositions précitées de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales avant de procéder à la taxation d'office de ces autres crédits ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il incombe à l'administration, lorsqu'elle envisage de modifier les bases d'imposition d'un contribuable, d'informer celui-ci de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a pu obtenir auprès de tiers dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, afin qu'il soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les pièces concernées soient mises à sa disposition ; que si M. A ne conteste pas avoir été informé de la teneur des renseignements utilisés par l'administration pour établir les impositions en litige, il soutient qu'il n'a pas été informé de l'origine de ces renseignements, contenus dans des relevés bancaires que l'administration aurait obtenus auprès de l'autorité judiciaire ; qu'il ne résulte ni de la lettre en date du 3 septembre 2004, par laquelle la vérificatrice a informé M. A qu'elle reprendrait contact avec lui lorsqu'elle aurait obtenu ses relevés bancaires, ni de la demande de justifications du 28 septembre 2004, ni d'aucune autre pièce du dossier, que l'intéressé ait eu communication de l'origine des relevés bancaires utilisés pour établir les impositions en litige, que l'administration se les soit procurés auprès de l'autorité judiciaire ou directement auprès des banques concernées ; que, toutefois, eu égard à la précision des mentions figurant dans les annexes à la demande de justifications du 28 septembre 2004, indiquant, pour chaque compte concerné, les dates et les montants des crédits pour lesquels des justifications étaient demandées, M. A ne peut être regardé comme ayant été privé, du seul fait de l'absence d'information sur les modalités d'obtention desdits relevés, de la possibilité d'en demander communication afin de présenter utilement sa défense dans le délai imparti ; que ce moyen doit par suite être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, qu'en l'absence de toute demande de M. A tendant à obtenir communication des relevés bancaires utilisés par l'administration pour établir les impositions en litige, cette dernière n'était pas tenue de procéder spontanément à la communication desdits relevés ; que le moyen tiré de ce qu'elle aurait méconnu les droits de la défense en ne procédant pas à cette communication ne peut dès lors être accueilli ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant que les impositions en litige procèdent de la taxation d'office, après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, de crédits d'origine indéterminée constatés sur les comptes bancaires dont le requérant avait la disposition ; que, par suite, la charge de la preuve incombe au contribuable en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que le requérant n'apporte aucun justificatif permettant de rattacher tout ou partie des crédits taxés d'office à l'activité de peintre en bâtiment et de couvreur qu'il a exercée durant les années d'impositions en litige ; que, dès lors, même si l'administration fiscale ne soutient pas qu'il a exercé d'autres activités que cette activité déclarée, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale aurait redressé le montant de ses bénéfices industriels et commerciaux en taxant d'office des crédits correspondant aux recettes de cette activité doit par suite être écarté ;
Considérant que si le requérant soutient qu'une même somme pouvait être créditée sur son compte bancaire puis reversée sur le compte joint dont il disposait avec sa compagne avant d'être créditée sur les comptes de leurs enfants, il n'a été imposé qu'à raison des crédits figurant sur son compte personnel à la Société Générale ou sur le compte joint ouvert au Crédit Lyonnais pour lesquels aucun transfert de compte à compte n'est justifié ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. François A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 28 septembre 2010.
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N° 08LY00875