Vu, enregistrée le 7 mai 2008, la requête présentée pour la SOCIETE SERVICES DE LA TURDINE, dont le siège est 7 route de Paris à Tarare (69170) ;
Elle demande à la Cour :
1°) l'annulation du jugement n° 0508970 du 12 février 2008 du Tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 15 novembre 2005 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a annulé la décision du 13 mai 2005 de l'inspectrice du travail et a refusé d'autoriser le licenciement de M. Pierre A ;
2°) de faire droit à sa demande en annulant cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le recours hiérarchique formé par M. A, uniquement par télécopie est inexistant, n'ayant jamais été confirmé par voie postale ;
- la demande de licenciement est fondée sur le refus, non d'un poste de reclassement, mais d'une modification des conditions de travail dans le cadre du pouvoir de direction de l'employeur sans modification du contrat de travail ;
- il s'agit donc d'un licenciement pour faute grave ;
- en refusant son nouveau poste M. A a commis une telle faute, alors que ni son affectation géographique, ni sa rémunération, ni son coefficient n'étaient changés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 11 février 2010, le mémoire présenté pour M. Henri A, domicilié 22 Le Bernard à Saint-Forgeux (69490) qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SOCIETE SERVICES DE LA TURDINE ;
Il expose que :
- l'article 16 de la loi du 12 avril 2002 autorisait la présentation d'un recours hiérarchique par voie télématique sans qu'il soit besoin de l'authentifier par courrier adressé par voie postale ;
- l'absence de toute mention dans la décision de l'inspecteur du travail du point de départ du délai excluait la tardiveté du recours hiérarchique ;
- la société s'est elle-même placée sur le terrain du reclassement pour inaptitude médicale ;
- un licenciement ne peut être justifié par une modification des conditions de travail imposée par l'état de santé ;
- la faute grave ne peut se déduire du seul refus d'un poste de reclassement ;
- un poste existait qui lui aurait convenu ;
Vu l'ordonnance en date du 5 mars 2010 par laquelle la présidente de la 6ème chambre a fixé au 19 mars 2010 la date de clôture de l'instruction ;
Vu, enregistré le 19 mars 2010, le mémoire présenté pour la SOCIETE SERVICES DE LA TURDINE qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, soutenant en outre que :
- la loi du 12 avril 2000 ne permet pas d'utiliser la télécopie pour former un recours hiérarchique ;
- la télécopie, qui n'a aucune valeur juridique, n'a pas date certaine ;
- l'ordonnance du 8 décembre 2005 a supprimé la possibilité d'envoi télématique, ne conservant que les échanges électroniques ;
- faute d'identification possible de son auteur, le recours présenté par voie télématique n'a aucune existence ;
Vu, enregistré le 27 août 2010, le mémoire complémentaire présenté pour la SOCIETE SERVICES DE LA TURDINE, Maîtres Bruno SAPIN et Martine NOIRAN-PEY, mandataires judiciaires ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2010 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les observations de Me Leblanc, avocat de la SOCIETE SERVICES DE LA TURDINE et de Me Roumeau, avocat de M. Pierre-Henri A ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que la SOCIETE SERVICES DE LA TURDINE, qui avait recruté M. A en 1988 en qualité de mécanicien, l'a affecté, à la suite d'un accident d'origine non professionnelle, à un poste de collecte et de compactage des déchets puis à celui de collecte des déchets et nettoyage des locaux ; que le médecin du travail ayant constaté le 18 janvier 2005 que ce salarié, qui était délégué du personnel, n'était physiquement pas apte à effectuer la manutention manuelle de poubelles, de cartons, ni à être compacteur, mais apte à un poste d'entretien mécanique ou de surveillance d'une machine, la société lui a proposé, par un courrier du 17 février 2005, un reclassement sur un poste de dresseur sur rames ; qu'à la suite du refus par M. A de cette proposition, la société a, par lettre du 15 avril 2005, sollicité l'autorisation de le licencier ; que par une décision du 13 mai 2005, l'inspectrice du travail de Villefranche-sur-Saône a accordé cette autorisation par le motif que le refus de changement de poste, dont l'origine est indépendante de la société, aux mêmes conditions de rémunération et à un niveau de qualification comparable, est imputable à M. A ; que par un courrier du 19 mai 2005 la SOCIETE SERVICES DE LA TURDINE a licencié M. A ; que par une décision en date du 15 novembre 2005 prise sur recours hiérarchique de M. A, le ministre du travail a annulé la décision du 13 mai 2005 de l'inspectrice du travail et a refusé d'autoriser le licenciement de M. A en considérant qu'une faute grave ne peut se déduire du seul refus pour le salarié d'un poste de reclassement proposé par l'employeur ... ; que la SOCIETE SERVICES DE LA TURDINE a contesté cette décision devant le Tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement du 12 février 2008, a rejeté sa demande ;
Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article R. 436-6 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que le salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet ... Ce recours doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur ; qu'il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté que la décision de l'inspecteur du travail du 13 mai 2005, qui comportait la mention des voies et délais de recours, a été notifiée à M. A le 18 mai 2005 et que ce dernier, par l'intermédiaire de son mandataire, l'Union Locale CGT Tarare, a présenté sous forme de télécopie un recours hiérarchique au ministre du travail, reçu le 18 juillet 2005, soit avant l'expiration du délai imparti par l'article R. 436-6 précité ; que si, ultérieurement, M. A n'a pas authentifié son recours par l'envoi d'un exemplaire signé au ministre, ce dernier, qui ne pouvait avoir le moindre doute sur l'identité exacte de l'auteur de ce recours, s'en est trouvé valablement saisi alors qu'aucune forme particulière n'est imposée aux recours administratifs de droit commun, au nombre desquels figurent les recours exercés sur le fondement des dispositions ci-dessus ; que contrairement à ce que soutient la société requérante, les conditions de recevabilité des demandes contentieuses transmises par télécopie, qui résultent de textes spéciaux, ne sont pas applicables aux recours administratifs ; que par suite, et alors que les dispositions de l'article 16 de la loi susvisée du 12 avril 2000, qui portent seulement sur les procédés télématiques ou informatiques, sont en toute hypothèse inapplicables en l'espèce, le ministre, en statuant sur le recours de M. A, n'a commis aucune erreur de droit ;
Considérant en deuxième lieu qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ; que le refus d'un salarié d'être reclassé sur un poste proposé par son employeur en raison d'une inaptitude physique reconnue par le médecin du travail n'est pas constitutif, même en l'absence de modification dans ses conditions de travail, d'une faute grave ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de licenciement présentée par la société requérante était fondée sur un motif disciplinaire tenant au refus de M. A d'accepter un reclassement imposé par son état de santé, sans qu'il en résulte d'ailleurs pour celui-ci un changement dans ses conditions de travail ou une modification de son contrat ; que la société requérante ne pouvait pas légalement, pour ce motif, procéder au licenciement pour faute de M. A ; que c'est par suite à bon droit que, par la décision en litige, le ministre a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 13 mai 2005 et refusé à cette société l'autorisation de licencier pour faute M. A ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE SERVICES DE LA TURDINE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la SOCIETE SERVICES DE LA TURDINE sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de cette société le paiement à M. A d'une somme de 1 500 euros sur ce même fondement ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE SERVICES DE LA TURDINE est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE SERVICES DE LA TURDINE versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE SERVICES DE LA TURDINE, à M. Pierre-Henri A et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
M. Fontbonne et Mme Verley-Cheynel, présidents-assesseurs,
MM. Picard et Stillmunkes, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 23 septembre 2010.
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N° 08LY01075