Vu, enregistrée le 31 mars 2008, la requête présentée pour la SOCIÉTÉ LAPIZE DE SALLÉE, dont le siège est Zone Industrielle de Marenton, BP 155 à Annonay Cedex (07104) ;
Elle demande à la Cour :
1°) l'annulation du jugement n° 0503021 du 15 janvier 2008 du Tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 10 mars 2005 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a refusé d'autoriser le licenciement de M. Patrice A, salarié protégé ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de faire injonction à l'administration d'autoriser le licenciement de M. A dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le Tribunal a écarté à tort comme inopérants les moyens tirés de la méconnaissance de la procédure contradictoire, du défaut de motivation et de la gravité suffisante des faits reprochés ;
- la décision n'est pas motivée au sens de la loi de 1979 ;
- il n'y a pas de lien avéré entre le mandat syndical de l'intéressé et le licenciement envisagé ;
- les faits de vol reprochés à M. A, quelle que soit la valeur du bien en cause, sont suffisamment graves pour justifier son licenciement ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 2 octobre 2008, le mémoire présenté pour M. Patrice A, domicilié ..., qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SOCIÉTÉ LAPIZE DE SALLÉE sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il expose que :
- la décision du ministre est motivée en fait et en droit ;
- la matérialité des faits reprochés n'a pas été constatée par le juge pénal ;
- il n'a jamais commis de vol, pensant avoir pris une chose abandonnée ;
- le licenciement demandé est en lien avec son mandat ;
Vu, enregistré le 29 décembre 2008, le mémoire complémentaire présenté pour la SOCIÉTÉ LAPIZE DE SALLÉE, qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions ;
Vu, enregistré le 2 juin 2009, le mémoire présenté pour M. A, qui maintient ses précédents moyens et conclusions.
Vu, enregistré le 23 mars 2010, le mémoire présenté pour le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville qui conclut au rejet de la requête ;
Il expose que :
- le lien entre le mandat syndical et le licenciement suffisait au refus de l'autorisation ;
- l'existence de ce lien est établie par différents indices tenant notamment à ce que dans le passé, pour des faits similaires, aucun licenciement n'avait été envisagé à l'encontre d'autres salariés, à la disproportion de la sanction, les faits reprochés étaient jusque là tolérés ;
- l'employeur a fait preuve d'une attitude anti-syndicale, les institutions représentatives ne fonctionnent pas normalement ;
- la décision est motivée ;
- les faits sont d'une gravité relative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2010 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les observations de Me Benamara, avocat de la SOCIETE LAPIZE DE SALLÉE ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que la SOCIETE LAPIZE DE SALLÉE a, par un courrier du 17 septembre 2004, demandé à l'inspection du travail de Privas l'autorisation de licencier M. A, embauché en 1990, qui exerce les mandats de délégué syndical et de représentant du personnel au comité d'entreprise ; que cette demande était justifiée par le motif que M. A aurait volé, le 1er septembre 2004, un support de télévision usagé appartenant au centre hospitalier d'Annonay ; que jugeant cette mesure discriminatoire, l'administration a, par une décision du 19 octobre 2004, refusé d'autoriser le licenciement ; que saisi par la société d'un recours hiérarchique, le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a, par une décision du 10 mars 2005, annulé la décision de l'inspectrice du travail et refusé d'autoriser le licenciement de M. A par les motifs que le comportement du salarié n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement et qu'il existait un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les mandats détenus par l'intéressé ; que la SOCIETE LAPIZE DE SALLÉE a contesté cette dernière décision devant le Tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement du 15 janvier 2008, a rejeté sa demande ;
Considérant que pour rejeter la demande de la SOCIETE LAPIZE DE SALLÉE, le Tribunal s'est notamment fondé sur ce que les moyens tirés de la méconnaissance de la procédure contradictoire et de l'insuffisante motivation de la décision en litige étaient inopérants dès lors que le projet de licenciement était en rapport avec les mandats détenus par M. A et, qu'en conséquence, le ministre était tenu de refuser l'autorisation de licenciement sollicitée ; que pour relever un lien éventuel entre les mandats de M. A et son licenciement le ministre était nécessairement conduit à porter une appréciation sur les faits de l'espèce, notamment sur l'existence de différences de traitement entre les salariés, de brimades ou de pressions exercées sur le personnel ; qu'ainsi le pouvoir d'appréciation dont l'administration disposait à cet égard ne la plaçait pas en situation de compétence liée pour refuser le licenciement ; que c'est donc à tort que le Tribunal a retenu en particulier que les moyens tirés des vices de forme et de procédure invoqués à l'encontre de la décision litigieuse étaient nécessairement inopérants ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par la SOCIETE LAPIZE DE SALLÉE tant devant le Tribunal que devant la Cour ;
Sur la légalité externe :
Considérant que si la société requérante reproche au ministre d'avoir méconnu le principe du contradictoire, ce dernier, saisi d'un recours hiérarchique, n'était pas tenu de faire procéder à une nouvelle enquête contradictoire ; que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant que la décision en litige, qui précise les éléments de droit sur lesquels elle repose, indique de manière concise et circonstanciée les raisons pour lesquelles l'administration a considéré que les faits reprochés à M. A n'étaient pas suffisamment graves pour justifier une sanction et que le licenciement projeté n'était pas sans lien avec les mandats de l'intéressé ; que le moyen tiré de ce que cette décision ne serait pas suffisamment motivée au sens de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ne peut qu'être écarté ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi; qu'il ressort des pièces que, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard, notamment, à l'ancienneté de l'intéressé dans la société et au fait qu'il n'avait fait antérieurement l'objet d'aucun reproche de la part de son employeur, à l'absence de sanction de salariés de l'entreprise qui avaient commis des faits comparables en 2003, au montant modique du support de télévision dérobé et à l'absence démontrée de préjudice pour la société, ce fait n'a pas constitué une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. A ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, et sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le bien fondé de l'autre motif retenu par le ministre, tiré de l'existence d'un lien entre les mandats détenus par M. A et la mesure envisagée à son encontre, l'absence de gravité suffisante des faits reprochés à l'intéressé était à elle seule de nature à justifier le refus de son licenciement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE LAPIZE DE SALLÉE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal a rejeté sa demande ; que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution et les conclusions présentées à cette fin par la société requérante ne peuvent donc qu'être rejetées ; que, par suite les conclusions présentées par la SOCIETE LAPIZE DE SALLÉE sur le fondement de l'article L. 761-1 ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce même titre par M. A ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE LAPIZE DE SALLÉE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE LAPIZE DE SALLÉE, à M. Patrice A et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
M. Fontbonne et Mme Verley-Cheynel, présidents-assesseurs,
MM. Picard et Stillmunkes, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 23 septembre 2010.
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N° 08LY00738