Vu la requête, enregistrée le 19 février 2007, présentée pour MM. Eloy et William A, domiciliés ..., et pour la MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE (MACIF), dont le siège est à Niort (79000) ;
MM. A et la MACIF demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0407278 du 19 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à ce que le département de l'Ain soit déclaré responsable de l'accident mortel dont a été victime Mme Rosario A et soit condamné à leur verser respectivement les sommes de 247 261,55 euros et de 47 960,76 euros ;
2°) de condamner le département de l'Ain à verser une somme de 247 261,55 euros à MM. Eloy et William A, respectivement époux et fils de la victime, et une somme de 47 960,76 euros à la MACIF subrogée dans les droits de son assuré en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont s'agit, les sommes susmentionnées étant assorties des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge du département de l'Ain une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que la branche d'arbre heurtée par le véhicule de Mme A était totalement sèche et dépourvue de feuille ; qu'elle était par conséquent forcément morte et risquait de tomber à tout moment sur la chaussée ; que la responsabilité du département de l'Ain, qui n'a pas supprimé ce risque pourtant visible, doit être engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ; que le jugement attaqué est entaché d'une contrariété de motifs dès lors qu'il a constaté l'état de la branche sans retenir la responsabilité du département ; que la victime n'a pas commis de faute ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 18 octobre 2007, le mémoire présenté pour le département de l'Ain, représenté par son président, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué, à la condamnation de MM. A à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, subsidiairement, à ce que la responsabilité de l'accident dont s'agit soit partagée, à la réduction des prétentions indemnitaires de MM. A et au rejet de leurs conclusions tendant à la réparation d'un préjudice économique ; il soutient que sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors qu'il rapporte la preuve de l'entretien normal de la voirie ; que, en effet, une patrouille de la direction départementale de l'équipement de l'Ain a effectué un contrôle de l'itinéraire la veille de l'accident sans détecter aucune anomalie, notamment aucun signe extérieur de dépérissement des arbres implantés le long de la chaussée ; que, de plus, il est établi que la branche est tombée trop peu de temps avant l'accident pour que les services de la voirie aient pu disposer du temps nécessaire pour intervenir ; que la victime, qui connaissait bien l'itinéraire, a commis une faute en ne maîtrisant pas son véhicule lors de la manoeuvre d'évitement de l'obstacle ; que l'évaluation du préjudice moral de MM. A doit être réduite à de plus justes proportions ; que les demandes indemnitaires relatives au préjudice économique sont excessives ; que, en tout état de cause, ce dernier ne peut être fixé faute de disposer d'éléments d'information suffisants sur les rentes versées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain aux ayants droit de la victime ; que la somme demandée au titre du remboursement des frais d'obsèques doit être fixée en tenant compte de toute participation financière allouée aux consorts A de ce chef ;
Vu, enregistré le 23 février 2010 par télécopie et régularisé le 2 mars 2010, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain qui conclut à la condamnation du département de l'Ain à lui verser une somme de 91 999,57 euros au titre de ses débours, une somme de 966 euros au titre des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la responsabilité du département de l'Ain doit être engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ; qu'elle est bien fondée à obtenir du tiers responsable le remboursement des rentes versées aux ayants-droit de Mme A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code civil ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'arrêté du 1er décembre 2009 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2010 :
- le rapport de Mme Serre, présidente ;
- les observations de Me Lefevre-Duval, avocat de MM. A et de la MACIF, et de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que M. Eloy A, veuf de Mme A, M. William A, son fils, et la MACIF recherchent la responsabilité du département de l'Ain pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public à la suite de l'accident mortel dont a été victime Mme A ; que, par la requête susvisée ils relèvent appel du jugement en date du 19 décembre 2006, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain demande également la condamnation du département à lui rembourser ses débours ;
Sur la responsabilité :
Considérant que le 16 juin 2000, vers 15 h 20, Mme Rosario A, alors qu'elle circulait sur la route départementale n° 936 en direction de Neuville-les-Dames, a été victime d'un accident mortel au lieu-dit la Genetière sur la commune de Chaveyriat dans le département de l'Ain, dans lequel elle est décédée ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de gendarmerie, que la victime a perdu le contrôle de son véhicule, en évitant l'obstacle formé par une branche, d'une longueur de 2 mètres 70 et de 12 centimètres de diamètre qui se trouvait en travers de la chaussée, avant d'aller heurter successivement deux platanes ;
Considérant que si la branche dont s'agit, qui provenait d'un platane appartenant à une plantation d'alignement bordant la voirie, est tombée sur la voie de circulation empruntée par Mme A quelques instants seulement avant l'arrivée de cette dernière, il ressort des termes du rapport de gendarmerie qu'elle était totalement sèche et dépourvue de feuilles , ce qui signifie, compte tenu de la saison, qu'elle était visiblement morte ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas soutenu en défense, que les plantations bordant la portion de route où a eu lieu l'accident aient fait l'objet d'un entretien régulier, notamment de visites de contrôle de leur état phytosanitaire ou d'élagages ; que si le département de l'Ain produit le carnet de la patrouille de la direction départementale de l'équipement de l'Ain qui a emprunté l'itinéraire la veille de l'accident sans remarquer d'anomalie, cette circonstance n'est pas de nature à établir l'entretien normal des plantations d'alignement qui constituent une dépendance de la voirie départementale ; qu'ainsi la chute de cette grosse branche morte est de nature à engager la responsabilité du département de l'Ain à l'égard des ayants-droit de Mme A ;
Considérant toutefois qu'il est souligné dans les rapports produits au dossier que la visibilité n'était pas bonne pour Mme A qui avait le soleil en face d'elle et qui passait d'une zone très lumineuse à une zone très ombragée ; que, même si elle n'était pas en excès de vitesse au moment de l'accident, la conductrice a manqué de prévoyance en ne ralentissant pas alors que la qualité de sa visibilité devenait brusquement médiocre et n'a pas su contrôler la trajectoire de son véhicule après avoir évité la branche ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en limitant à 50 % des conséquences dommageables de l'accident la responsabilité du département de l'Ain ;
Sur les préjudices :
Sur les préjudices à caractère patrimonial :
Quant aux pertes de revenus :
Considérant que le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint ou de son ascendant est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien compte tenu de ses propres revenus ; que si le conjoint survivant se remarie, il lui appartient de justifier au regard de sa nouvelle situation familiale, des pertes de revenus qu'il continue éventuellement à subir ; qu'en l'espèce, M. A se borne à produire une projection mathématique à partir des pertes de revenus initiales du foyer au moment du décès de Mme A, sans apporter la moindre indication sur les conditions économiques de son nouveau foyer ; que la réparation des pertes de revenus induites par le décès de son épouse doit donc être limitée à la période courant du moment du décès en juin 2002 à celui de son remariage en juillet 2006 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le montant des revenus annuels de Mme A était de 23 579 euros ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment du fait que les revenus de M. A étaient d'un tiers inférieurs à ceux de Mme A, la part des revenus de cette dernière consacrée à l'entretien respectif de son époux et de son fils doit être évaluée à 20 % et 15 %, soit 4 716 euros et 3 537 euros ; que le montant de ses pertes de revenus de M. A doit donc être évalué à la somme de 28 689 euros ; que pour le jeune William, âgé de 16 ans à la date de l'accident et qui n'apporte aucune précision sur sa situation professionnelle, la perte de revenu peut être calculée jusqu'à l'âge de ses 20 ans à la somme de 14 148 euros ; qu'eu égard au partage de responsabilité, le département doit donc réparation de 14 344,50 euros et 7 074 euros au titre des préjudices économiques respectifs de M. Eloy A et de M. William A ;
Considérant qu'il résulte de l'état définitif de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain que M. Eloy A a bénéficié, à compter du 17 juin 2000, d'une rente accident du travail, en sa qualité d'ayant-droit de la victime, dont le versement a pris fin le 22 juillet 2006, à la suite de son remariage, et au titre de laquelle il a touché une somme de 75 215,03 euros ; que la caisse a également versé à M. William A une rente de même nature du 17 juin 2000 au 31 août 2004, date de ses 20 ans, et dont les arrérages échus s'élevaient à cette dernière date à la somme de 16 784,54 euros ; qu'ainsi ni M. Eloy A, ni son fils William n'ayant supporté de perte de revenu, les sommes de 14 344,50 euros et de 7 074 euros dues par le département en réparation de leurs préjudices économiques respectifs devront être versées à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 131-2 du code des assurances : Dans l'assurance de personnes, l'assureur, après paiement de la somme assurée, ne peut être subrogé aux droits du contractant ou du bénéficiaire contre des tiers à raison du sinistre./ Toutefois, dans les contrats garantissant l'indemnisation des préjudices résultant d'une atteinte à la personne, l'assureur peut être subrogé dans les droits du contractant ou des ayants-droit contre le tiers responsable, pour le remboursement des prestations à caractère indemnitaire prévues au contrat ; que la MACIF fait valoir qu'elle a versé une somme de 32 761,81 euros à M. Eloy A en réparation de la diminution des revenus du ménage au titre de la garantie capital décès prévue par le contrat Régime Prévoyance Famille Accident et en demande le remboursement au département à titre subrogatoire ; qu'il résulte toutefois clairement de l'objet d'une telle garantie, qui consiste à verser au bénéficiaire, en cas de décès accidentel de l'assuré ou de son conjoint, des sommes dont les modalités de calcul sont fixées à l'avance et qui prennent la forme, non d'une réparation totale ou partielle, mais d'une avance sur les indemnités éventuellement obtenues à l'issue du recours engagé par le bénéficiaire contre le tiers responsable de l'accident, que ladite clause du contrat constituait une assurance de personnes, soumise aux règles prévues à l'article L. 131-1 et suivants du code des assurances ; qu'il s'ensuit que la MACIF ne peut utilement invoquer à son profit une clause légale de subrogation et ne peut non plus se prévaloir d'aucune clause au contrat prévoyant la possibilité d'un recours subrogatoire ; que sa demande, de ce chef, à l'encontre du département de l'Ain doit ainsi être rejetée ;
Quant au préjudice matériel :
Considérant que la MACIF justifie avoir versé, à la suite de l'accident dont s'agit, une somme de 14 741,82 euros à M. Eloy A au titre de la garantie dommage au véhicule ; qu'une somme de 465,91 euros est restée à la charge de M. Eloy A à la suite de la destruction du véhicule dans le sinistre ; que, par suite, compte tenu du partage de responsabilité, le département de l'Ain doit être condamné à verser une somme de 7 370,91 euros à la MACIF et une somme de 232,95 euros à M. Eloy A ;
Quant aux frais d'obsèques :
Considérant que M. Eloy A justifie avoir exposé au titre des frais d'obsèques de la victime une somme de 4268,16 euros ; que le département de l'Ain doit être condamné à lui verser la moitié de cette somme, soit 2 134,08 euros ;
Sur les préjudices à caractère personnel :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de MM. Eloy et William A né du décès de la victime en l'évaluant respectivement à 20 000 et 10 000 euros et en condamnant le département de l'Ain à verser une indemnité de 10 000 euros à M. Eloy A et 5 000 euros à William A ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le département de l'Ain doit être condamné à verser une somme de 12 367,03 euros à M. Eloy A, une somme de 5 000 euros à M. William A, une somme de 7 370,91 euros à la MACIF et une somme de 21 418,50 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain ;
Sur l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain a droit à la somme de 966 euros, montant fixé par l'arrêté susvisé du 1er décembre 2009 de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il y a lieu de mettre cette somme à la charge du département de l'Ain ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que MM. A et la MACIF ont droit aux intérêts au taux légal sur les sommes dues par le département de l'Ain à compter du 25 octobre 2004, date d'enregistrement de leur demande devant le Tribunal administratif de Lyon ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par les requérants dans leur requête enregistrée le 19 février 2007 ; qu'à cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, puis d'accorder la capitalisation à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que MM. A, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, soient condamnés à verser quelque somme que ce soit au département de l'Ain ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge du département de l'Ain le paiement aux requérants d'une somme de 1 500 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain d'une somme de 1 000 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Lyon n° 0407278 du 19 décembre 2006 est annulé.
Article 2 : Le département de l'Ain est condamné à verser à M. Eloy A et à M. William A des indemnités s'élevant respectivement à 12 367,03 euros et 5 000 euros. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2004. Les intérêts échus à la date du 19 février 2007 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le département de l'Ain est condamné à verser à la MACIF une indemnité de 7 370,91 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2004. Les intérêts échus à la date du 19 février 2007 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le département de l'Ain est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain une indemnité de 21 418,50 euros et une somme de 966 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le département de l'Ain versera à MM. A une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Eloy A, à M. William A, à la MACIF, au département de l'Ain et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
M. Fontbonne et Mme Verley-Cheynel, présidents-assesseurs,
MM. Picard et Stillmunkes, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 16 septembre 2010
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No 07LY00402