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14/09/2010 | FRANCE | N°09LY02475

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 14 septembre 2010, 09LY02475


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 octobre 2009, présentée pour M. et Mme Bruno A, domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801614 du 10 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 2 500 euros a

u titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme A soutiennent q...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 octobre 2009, présentée pour M. et Mme Bruno A, domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801614 du 10 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme A soutiennent que :

- les dépenses de travaux de l'abbaye, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal en méconnaissance notamment du principe de sécurité juridique et de confiance légitime, constituent des charges déductibles en vertu des dispositions de l'article 13, des a) et b) du I de l'article 31, et du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts, dès lors que :

o comme l'a admis l'administration le 1er décembre 2008, l'immeuble n'a pas connu de changement d'affectation à long terme, les locaux étant destinés à l'habitation et les travaux ayant eu pour objet un retour à l'usage d'habitation alors même que l'occupation temporaire à un autre usage a modifié la conception, l'aménagement et les équipements de cet immeuble ;

o les travaux de transformation en logements de l'immeuble, inscrit entièrement à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, ont été effectués dans le volume bâti existant dont la conservation répond aux prescriptions administratives concernant la préservation et la conservation de ce monument et la réalisation de toutes les normes modernes de confort et de sécurité, et ne constituent pas des travaux de construction, reconstruction ou d'agrandissement ;

- l'inscription aux fins de préservation de l'abbaye n'étant pas limitée à des éléments isolés ou dissociables de l'ensemble immobilier, tels qu'un escalier, des plafonds, ou certaines salles, mais vise la protection de l'ensemble architectural, la réponse ministérielle B permet de bénéficier du caractère déductible de l'ensemble des dépenses de travaux de réhabilitation y compris ceux concernant la partie non inscrite de l'immeuble ; les travaux réalisés, tant dans les parties privatives que non privatives, sont de la nature de ceux dont la déduction est autorisée par cette réponse dès lors que l'abbaye a fait l'objet d'une inscription pour son ensemble, sans aucune restriction ni réserve, que les travaux ont été autorisés et conduits par les autorités administratives spécialisées ;

- le montant des dépenses de travaux extérieurs dont le principe de la déductibilité a été posé par le ministre dans sa décision du 1er décembre 2008, devrait s'élever à 44,37% des travaux réalisés et non à 29% comme retenu par le ministre, la rubrique démolition/maçonnerie ne comportant en réalité aucuns travaux portant sur le gros-oeuvre ou d'agrandissement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 19 février 2010, présenté pour le ministre du budget, des comptes publics, et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les travaux effectués dépassent le simple cadre des travaux d'amélioration ou de réhabilitation et constituent des travaux de reconstruction non déductibles dès lors qu'ils ont consisté en la démolition et la reconstruction de la structure interne, et ont eu pour effet de modifier le gros-oeuvre, la consistance et l'agencement de l'équipement initial de l'immeuble et de créer 47 logements ; les travaux d'amélioration sont indissociables des importants travaux de reconstruction ; l'inscription sur l'inventaire supplémentaire ne saurait préjuger du caractère déductible des travaux réalisés ;

- les requérants ne sauraient se prévaloir de la décision du 1er décembre 2008 qui ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- l'usage industriel prolongé à partir de la fin du XVIIIème et l'ampleur des modifications internes opérées dans l'abbaye dans le cadre de ces activités industrielles enlèvent à l'abbaye son usage originel et partiel d'habitation et procurent à l'édifice une affectation industrielle qui ne peut être regardée comme temporaire ; les travaux liés au retour à l'habitation ont eu pour effet de modifier la conception et l'aménagement du bâtiment, et les dépenses d'amélioration ne sont donc pas déductibles ;

- les dispositions du 3° du I de l'article 156 ne sont pas applicables dès lors que les dépenses en litige ne sont pas déductibles sur le fondement du 1° du I de l'article 31 ;

- les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de la réponse ministérielle B du 17 mars 1997 dès lors qu'elle ne s'applique pas à la question préalable de l'existence d'un déficit foncier ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 avril 2010, présenté pour M. et Mme A, par lequel :

- d'une part, ils demandent à la Cour, à l'appui de leur recours tendant à la décharge des impositions restant en litige, de transmettre la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du a) et b) du 1° du 1. de l'article 31 et du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts ;

- d'autre part, ils concluent comme précédemment à la décharge des impositions supplémentaires restant en litige, par les mêmes moyens, sauf à ce qu'à titre subsidiaire, la Cour invite l'administration à produire les éléments chiffrés permettant de déterminer si le taux de 29% retenu par le ministre a été appliqué ou à défaut à ce qu'une expertise soit ordonnée pour déterminer le taux, et à ce que l'Etat soit désormais condamné à verser une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que ces dispositions, applicables au litige et qui n'ont pas été déclarées conformes par le Conseil Constitutionnel :

- méconnaissent les principes du consentement à l'impôt et de légalité de l'impôt ainsi que la compétence du législateur, résultant des articles 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 34 de la Constitution, dès lors que l'assiette des impositions n'est pas déterminée précisément ;

- méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et l'impôt résultant des articles 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 13 de la Constitution, dès lors que ces principes ne s'opposent pas à ce que le législateur règle de manière différente des situations différentes, que l'intérêt général fixé par la loi sur les monuments historiques est d'assurer la préservation d'un immeuble classé ou inscrit à l'inventaire, que cette protection entraîne des contraintes notamment financières lors de la réalisation des travaux de réhabilitation, que ces classements commandent ainsi que le traitement fiscal soit envisagé de manière dérogatoire, qu'ainsi au nom de la cohérence entre la mesure fiscale et les objectifs poursuivis, l'administration ne saurait refuser la déduction de tels travaux et que ces dispositions du code général des impôts doivent donc être interprétées à la lumière de l'arrêté préfectoral portant inscription et appliquées de telle façon que les investisseurs ne se trouvent pas privés du bénéfice combiné de ces articles ;

- méconnaissent le principe de clarté de la loi et les exigences de sécurité juridique et de confiance légitime résultant des dispositions de l'article 34 de la Constitution et 4, 5, 6 et 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen compte tenu du manque de précision des dispositions du code général des impôts en cause prêtant à des interprétations différentes, la réponse ministérielle B de 1997 ayant pris une position contraire à la doctrine administrative et défini un cadre plus favorable que la loi, confirmé par la jurisprudence du Conseil d'Etat ;

Ils soutiennent en outre que :

- le principe de sécurité juridique et de confiance légitime a été méconnu eu égard aux analyses différentes résultant des prises de position de l'administration les 9 septembre 2005 et 1er septembre 2008, et des concepteurs du projet ;

- il ne s'agit pas de travaux de construction ou reconstruction compte tenu de la nature initiale de l'immeuble, des mentions portées sur le permis de construire, de l'arrêté d'inscription sur l'inventaire des monuments historiques, des précisions apportées par l'Architecte des Bâtiments de France, de la note de la direction générale des impôts du 9 septembre 2005 ;

- l'administration commet une erreur de droit quant à la dissociation des travaux entre rénovation générale et réhabilitation des parties privatives ;

- l'administration commet une seconde erreur de droit quant au refus du caractère déductible des travaux, qui, dans leur ensemble, sont nécessaires à la conservation du monument inscrit eu égard à la réponse B et à la jurisprudence Dozorme ;

- l'administration ne justifie pas que les dépenses déductibles retenues correspondraient au montant forfaitaire des travaux dont le caractère déductible a été admis par une décision du ministre du 1er septembre 2008 et il lui appartient de verser le détail du taux de 29% avant d'ordonner une expertise ; les travaux de préservation sur les parties communes et privatives représentent près de 50% du total TTC des dépenses, honoraires inclus ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 mai 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui demande à ce que la Cour rejette, d'une part, la demande tendant à ce que la question prioritaire de constitutionnalité soit transmise au Conseil d'Etat et, d'autre part, la demande en décharge des impositions restant en litige ;

Il soutient que :

- la question prioritaire de constitutionnalité est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas été présentée par mémoire distinct ;

- la question prioritaire de constitutionnalité ne présente pas un caractère sérieux :

o concernant ainsi la méconnaissance des principes de légalité, de consentement à l'impôt et de l'incompétence négative, les requérants n'indiquent pas en quoi les textes contestés seraient insuffisamment précis, n'ont pas motivé leur critique alors que la jurisprudence du Conseil d'Etat a confirmé la clarté des dispositions de l'article 156-I-3 dans sa rédaction applicable en 1998 ;

o concernant le principe d'égalité, la critique des requérants n'est pas motivée et s'inscrit essentiellement dans le cadre du plein contentieux devant le juge de l'impôt ;

o concernant le principe de clarté de la loi, le moyen n'est pas motivé, les requérants se référant à la doctrine administrative B laquelle ne peut être invoquée pour critiquer la constitutionnalité d'une disposition législative ;

- concernant le bien-fondé de l'imposition, les requérants n'apportent aucun élément nouveau ; l'administration a retenu les dépenses portant sur les travaux de toiture et ceux afférents à la réfection des façades et des menuiseries extérieures représentant 29% des travaux, conformément à la décision du 1er septembre 2008 ;

Vu le mémoire distinct et aux fins de régularisation, enregistré le 4 juin 2010, présenté pour M. et Mme A, par lequel ils demandent à la Cour, à l'appui de leur recours tendant à la décharge des impositions restant en litige, de transmettre la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du a) et b) du 1° du 1. de l'article 31 et du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts et d'annuler leur précédente demande relative à la question prioritaire de constitutionnalité présentée dans un mémoire non distinct enregistré le 16 avril 2010 ;

Ils soutiennent que ces dispositions, applicables au litige et qui n'ont pas été déclarées conformes par le Conseil Constitutionnel :

- méconnaissent les principes du consentement à l'impôt et de légalité de l'impôt ainsi que la compétence du législateur, résultant des articles 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 34 de la Constitution, dès lors que l'assiette des impositions n'est pas déterminée précisément ;

- méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et l'impôt résultant des articles 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 13 de la Constitution, dès lors que ces principes ne s'opposent pas à ce que le législateur règle de manière différente des situations différentes, que l'intérêt général fixé par la loi sur les monuments historiques est d'assurer la préservation d'un immeuble classé ou inscrit à l'inventaire, que cette protection entraîne des contraintes notamment financières lors de la réalisation des travaux de réhabilitation, que ces classements commandent ainsi que le traitement fiscal soit envisagé de manière dérogatoire, qu'ainsi au nom de la cohérence entre la mesure fiscale et les objectifs poursuivis, l'administration ne saurait refuser la déduction de tels travaux et que ces dispositions du code général des impôts doivent donc être interprétées à la lumière de l'arrêté préfectoral portant inscription et appliquées de telle façon que les investisseurs ne se trouvent pas privés du bénéfice combiné de ces articles ;

- méconnaissent le principe de clarté de la loi et les exigences de sécurité juridique et de confiance légitime résultant des dispositions de l'article 34 de la Constitution et 4, 5, 6 et 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen compte tenu du manque de précision des dispositions du code général des impôts en cause prêtant à des interprétations différentes, tant de la part de l'administration que des juridictions ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 juillet 2010, présenté pour M. et Mme A, par lequel ils concluent comme précédemment à la décharge des impositions supplémentaires restant en litige, à ce que l'administration soit invitée à produire les éléments chiffrés permettant de déterminer si le taux de 29% retenu par le ministre a été appliqué ou à défaut à ce qu'une expertise soit ordonnée pour déterminer le taux, et à ce que l'Etat soit condamné à verser une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent en outre que la doctrine 5 B 2428 n° 77 exclut la dissociation des travaux lorsque le classement vise la protection de l'ensemble architectural et prévoit aussi qu'une inscription des façades et toitures constitue un cas de protection, non pas d'éléments isolés et dissociables, mais de l'ensemble architectural lui-même, que cette absence de dissociation résulte aussi de l'intervention du législateur qui a précisé la portée du régime de l'article 156-I-3 concernant la restauration complète d'un immeuble bâti en application des articles L. 313-1 à L. 313-3 du code de l'urbanisme, que la jurisprudence Flor-Florentin doit être écartée ;

Vu l'ordonnance prise le 8 juillet 2010 sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative fixant la clôture de l'instruction au 26 juillet 2010 à 16 h 30 ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 7 septembre 2010 et présentée pour M. et Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 septembre 2010 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- les observations de Me Vidal, avocat de M. et Mme A ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Vidal ;

Considérant que M. et Mme A relèvent appel du jugement n° 0801614 du 10 juillet 2009, en ce que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés en cours d'instance devant le Tribunal, a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001 à raison de la réintégration dans leurs revenus globaux des charges foncières relatives à un appartement donné en location situé dans un ensemble immobilier rénové de l'ancienne abbaye cistercienne de la Seauve-sur-Sémène, et correspondant à leur quote-part des dépenses de travaux de réhabilitation de cet immeuble ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien, les frais de gérance et de rémunération des gardes et concierges, effectivement supportés par le propriétaire ;...b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ; ; qu'aux termes de l'article 156 dudit code : L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement. Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation :... 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires de monuments classés monuments historiques, inscrits à l'inventaire supplémentaire... ;

Considérant, en premier lieu, que, pour fonder les impositions litigieuses, l'administration n'a fait application que des seules dispositions du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, lesquelles sont dissociables des dispositions du 3° du I de l'article 156 dudit code ; que, par suite, seules les dispositions du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts doivent être regardées comme applicables au présent litige, alors même que l'administration a mentionné les dispositions du 3° du I de l'article 156 dudit code dans la notification de redressements ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme A soutiennent que les dispositions en litige portent atteinte à l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et sont ainsi source d'insécurité juridique ; que, si l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article 34 de la Constitution n'instituent pas, par elles-mêmes, un droit ou une liberté qui puisse être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; que, les requérants ne sauraient ainsi invoquer le principe de clarté de la loi découlant de l'article 34 de la Constitution ;

Considérant, en quatrième lieu, que les requérants soutiennent que les dispositions en cause portent atteinte aux principes du consentement à l'impôt et de la compétence du législateur garantis par l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et rappelés par l'article 34 de la Constitution ; que, toutefois, alors que la méconnaissance par le législateur de sa compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit, les dispositions de l'article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en oeuvre par l'article 34 de la Constitution et n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l'occasion d'une instance devant une juridiction, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; qu'ainsi, la question de la conformité des dispositions contestées aux articles 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 34 de la Constitution, et le moyen selon lequel ces dispositions porteraient atteinte au principe de consentement à l'impôt et méconnaîtraient, par suite, l'étendue de la compétence du législateur, ne présentent pas un caractère sérieux ;

Considérant, en cinquième lieu, que, si M. et Mme A soutiennent par ailleurs que les dispositions en litige portent atteinte au principe de confiance légitime, ce principe n'est pas au nombre des droits et libertés garantis par la Constitution ;

Considérant, en dernier lieu, que les requérants soutiennent que ces dispositions sont contraires au principe d'égalité devant la loi, les charges publiques et l'impôt résultant des articles 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 13 de la Constitution au motif que la législation sur les monuments historiques impose, en vue de la préservation desdits monuments laquelle constitue un motif d'intérêt général, des sujétions aux propriétaires notamment lors de la réalisation de travaux, que ces principes ne s'opposent pas à ce qu'un traitement fiscal différent et dérogatoire soit appliqué pour les propriétaires de ces biens compte tenu de leur différence de situation ; que toutefois, le principe d'égalité devant les charges publiques ne saurait faire obligation au législateur de mettre en oeuvre une mesure fiscale plus favorable au bénéfice d'un contribuable sur lequel reposerait une sujétion particulière découlant d'une autre législation ; que, par ailleurs, les requérants ne sauraient utilement, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité qui porte sur la conformité ou non au principe à valeur constitutionnel d'égalité devant l'impôt et les charges publiques de dispositions législatives du code général des impôts, contester l'interprétation donnée par l'administration à ces dispositions, ni se prévaloir de stipulations conventionnelles telles que les articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er de son protocole additionnel ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la différence de traitement résultant de ces dispositions constituerait une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ne peut être regardé comme posant une question sérieuse ;

Considérant qu'ainsi, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

Considérant que doivent notamment être regardés comme des travaux de construction ou de reconstruction, au sens des dispositions précitées du 3° du I de l'article 31 du code général des impôts, les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, notamment dans des locaux auparavant affectés à un autre usage, sauf si ces locaux étaient destinés originellement à l'habitation et n'ont pas fait l'objet de travaux modifiant leur conception, leur aménagement et leurs équipements en vue de leur ôter cette destination, ou encore ceux qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction ; que, concernant la portée de ces dispositions de l'article 31 du code général des impôts et le caractère déductible des travaux en litige, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir des modifications apportées au 3° du I de l'article L. 156 du code général des impôts par le 2° de l'article 68 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 qui sont postérieures aux années litigieuses et qui ne concernent que les modalités d'imputation des déficits fonciers pour les immeubles ayant fait l'objet d'une restauration complète dans un secteur sauvegardé ;

Considérant que, par un acte d'acquisition passé le 27 novembre 2000, M. et Mme A ont acheté un lot de copropriété composé d'un appartement de 95 m² destiné à la location et des millièmes correspondants, situé au 3ème étage de l'ensemble immobilier en copropriété de l'ancienne abbaye cistercienne de la Seauve-sur-Sémène (Haute-Loire) ; que les travaux en litige ont consisté notamment en la création de 47 appartements implantés aux niveaux 1 à 3 avec un remaniement complet de l'agencement et du cloisonnement intérieur comprenant, outre la création de mezzanines au dernier niveau, la pose de faux plafonds, de cloisons et d'huisseries intérieurs, l'installation d'ascenseurs, la mise en place d'une dalle, la reconstruction partielle des refends afin de supporter les charges admissibles pour les logements, la mise en place de chapes de nivellement sur l'ensemble de l'immeuble, l'obturation d'ouvertures en façade qui avaient été percées au cours du XIXème siècle ainsi que la création d'ouvertures et la pose de châssis de toiture avec vitrage pour les logements en mezzanine, la reconstitution d'un escalier d'honneur qui avait été supprimé, la mise en place de parois coupe-feu, l'installation de la plomberie, du sanitaire, du chauffage et de l'électricité ; que ces travaux doivent, par suite, être regardés comme des travaux de reconstruction au sens des dispositions précitées du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts ; que ne sont pas dissociables, en l'espèce, de l'ensemble des travaux de reconstruction, les dépenses de travaux restant en litige qui, pris isolément, pourraient être qualifiés de travaux d'entretien et d'amélioration ; qu'au surplus, si les requérants soutiennent que les bâtiments de l'abbaye, construits à partir du XIIème siècle, étaient destinés, à l'origine et jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, à l'habitation et que les travaux en cause ont eu seulement pour objet un retour des locaux à cet usage d'habitation, cet ensemble immobilier a fait l'objet de profondes modifications à partir de la fin du XVIIIème siècle, à la suite de sa vente comme biens nationaux lors de la Révolution, et jusqu'à son rachat en 2000 par un agent immobilier ; que, notamment, ces bâtiments ont été utilisés jusqu'en 1985 par diverses entreprises industrielles après avoir été aménagés à cet effet alors que, par ailleurs, seule une partie de ces bâtiments de l'abbaye était, avant cette transformation, affectée à l'habitation, le troisième niveau comprenant des greniers dont il n'est pas établi qu'ils avaient été destinés à l'habitation ; qu'il résulte d'ailleurs des déclarations de propriétés bâties déposées au cadastre par la commune de la Seauve-sur-Sémène avant rénovation ainsi que des plans avant et après travaux produits par les requérants, que si le 1er et le 2ème étage comportaient chacun un appartement et une chambre, les locaux à usage professionnel constitués d'ateliers, de bureaux et de dépôts représentaient toutefois plus de 85 % de la surface de ces étages et ont été aménagés à cette fin ; qu'il n'est pas établi que les locaux ainsi transformés pour accueillir des ateliers avaient conservé leur conception, leur aménagement et leurs équipements d'origine leur permettant d'être encore regardés comme ayant vocation à l'habitation, ni que l'appartement des requérants était précédemment destiné à l'usage d'habitation ou que les travaux effectués n'ont eu pour objet que de redonner à l'immeuble dans son ensemble et à leur appartement en particulier, la destination qui avait pu être la sienne précédemment ; que par suite, les travaux en litige, qui ont conduit à la création de 47 logements, doivent être regardés comme des travaux ayant permis la création de nouveaux locaux d'habitation et comme ayant ainsi constitué des travaux de construction ou de reconstruction, au sens des dispositions précitées ;

Considérant qu'il s'ensuit que les dépenses correspondant à ces travaux de reconstruction restant en litige, ne sont pas déductibles, en vertu des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts, pour la détermination du revenu net des requérants, nonobstant la circonstance que l'immeuble a été inscrit à l'inventaire supplémentaire par arrêté préfectoral du 15 septembre 1993 ;

En ce qui concerne l'application de la doctrine :

Considérant, en premier lieu, que, M. et Mme A ne peuvent, en tout état de cause, utilement se prévaloir de l'interprétation du 3 du I de l'article 156 du code général des impôts donnée par la réponse ministérielle à M. B, député, publiée au journal officiel des débats du 17 mars 1997, dans laquelle il est précisé que les règles selon lesquelles les déficits fonciers correspondant aux immeubles classés ou inscrits sont imputables sans limitation de montant sur le revenu global s'appliquent dans les mêmes conditions lorsque le classement ou l'inscription à l'inventaire supplémentaire ne concerne pas la totalité de l'immeuble, à condition toutefois que ce classement ou cette inscription ne soit pas limité à des éléments isolés ou dissociables de l'ensemble immobilier, tels un escalier, des plafonds, ou certaines salles, mais vise à la protection de l'ensemble architectural. , dès lors que, comme il a été dit ci-dessus les dépenses de travaux restant en litige ne constituent pas des charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net en vertu de l'article 31 et qu'ils n'ont pas ainsi généré de déficits fonciers ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme A ne peuvent utilement se prévaloir, en tout état de cause, de la doctrine administrative 5 B 2428 n° 77, dès lors que cette dernière ne concerne que le régime de déduction spécial prévu à l'article 156-II-1° ter du code général des impôts et qu'elle n'entre pas ainsi dans ses prévisions ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) ; que M. et Mme A ont entendu se prévaloir d'une prise de position formelle de l'administration résultant d'un courrier du 1er septembre 2008 du ministre du budget, des comptes publics, et de la fonction publique mentionnant son accord pour la prise en compte des dépenses portant sur les travaux de toiture et ceux afférents à la réfection des façades et des menuiseries extérieures qu'il a paru possible de retenir comme étant des dépenses de réparation dissociables des travaux de reconstruction et dont il a évalué le montant à 29% de l'ensemble des dépenses de travaux ; que toutefois, alors que l'administration justifie, en communiquant notamment le détail de ses calculs, avoir prononcé des dégrèvements partiels correspondant à ce courrier, les requérants ne sauraient se prévaloir, pour bénéficier d'une remise excédant le montant ainsi fixé, du contenu de cette lettre laquelle est, au surplus, postérieure à la mise en recouvrement des impositions dont ils demandent la décharge ;

Considérant, enfin, que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime n'ont pas été méconnus alors que l'administration fiscale n'a pas approuvé le caractère déductible des charges restant en litige et n'a pas induit en erreur les requérants lors de leurs déclarations ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise demandée, que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande ; que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité des dispositions du a) et b) du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts et du 3. du I de l'article 156 dudit code est rejetée.

Article 2 : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Bruno A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2010, où siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 14 septembre 2010.

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N° 09LY02475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02475
Date de la décision : 14/09/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : COLBERT et ASSOCIES AVOCATS ; COLBERT et ASSOCIES AVOCATS ; COLBERT et ASSOCIES AVOCATS ; COLBERT et ASSOCIES AVOCATS ; COLBERT et ASSOCIES AVOCATS ; COLBERT et ASSOCIES AVOCATS ; COLBERT et ASSOCIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-09-14;09ly02475 ?
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