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24/08/2010 | FRANCE | N°09LY02063

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 24 août 2010, 09LY02063


Vu le recours, enregistrée au greffe de la Cour le 27 août 2009, présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901754 du 21 juillet 2009 en ce que le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 25 mars 2009 par lequel il a refusé de délivrer à M. Hadiya A un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il établirait être légalement admissible ;

2°) de re

jeter la demande présentée par M. Hadiya A devant le Tribunal administratif dirigée co...

Vu le recours, enregistrée au greffe de la Cour le 27 août 2009, présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901754 du 21 juillet 2009 en ce que le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 25 mars 2009 par lequel il a refusé de délivrer à M. Hadiya A un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il établirait être légalement admissible ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Hadiya A devant le Tribunal administratif dirigée contre cet arrêté ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE soutient que M. Hadiya A constitue, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, une menace pour l'ordre public et l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ; que cet arrêté ne méconnaît pas ainsi le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne viole pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. A ne peut être considéré comme courant un risque en cas de retour dans son pays d'origine ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 11 juin 2010, présenté pour M. Hadiya A, qui conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'arrêté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne constitue pas une menace grave à l'ordre public, que tant l'antériorité de sa présence en France que les liens qu'il a pu tisser justifie que lui soit délivré un titre sur le fondement de ces dispositions ;

- le préfet a omis de saisir la commission départementale du titre de séjour ;

- l'arrêté litigieux porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu dès lors qu'un retour en Mauritanie lui serait particulièrement préjudiciable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2010 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

Considérant que M. Hadiya A, ressortissant mauritanien né le 26 novembre 1979, est entré clandestinement en France en 2001 selon ses déclarations ; qu'il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 juillet 2003, confirmée par une décision de la commission de recours des réfugiés du 8 septembre 2004 ; que le 23 février 2005, le préfet de police de Paris a pris à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière notifié le 25 février 2005 ; que, le 11 décembre 2008, M. A a été interpellé en possession de faux documents administratifs ; qu'à la suite de cette interpellation, le préfet de la Haute-Savoie a pris à l'encontre de M. A un nouvel arrêté de reconduite à la frontière le 12 décembre 2008 ; que cet arrêté a été annulé par un jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon du 15 décembre 2008 ; qu'en exécution de ce jugement qui sera ultérieurement annulé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 20 mai 2009, le préfet a invité l'intéressé, par un courrier en date du 27 janvier 2009, à présenter un dossier en vue d'un réexamen de sa situation ; qu'en réponse à cette lettre, M. A, par l'intermédiaire de son conseil, a présenté une demande, datée du 11 février 2009, tendant à obtenir la délivrance d'un titre de séjour en raison de sa situation personnelle et familiale sur le fondement des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté en date du 25 mars 2009, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, procédant au réexamen de la situation de M. A au vu de l'ensemble de ces éléments, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE relève appel du jugement du 21 juillet 2009 en ce que le Tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 25 mars 2009 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;

Considérant, en premier lieu, que M. A fait valoir qu'il réside en France depuis l'année 2001 et qu'il est bien inséré dans la société française étant notamment personnellement impliqué dans le milieu associatif, en produisant deux attestations datées du 12 février 2009 de l'association de défense des locataires du foyer ALAP de Marnaz et l'association CLIC pour le développement des actions interculturelles ; que, toutefois, s'il allègue qu'il a de la famille en France en produisant des attestations et les cartes de résident de deux personnes qu'il présente comme étant son père et son frère sans justifier le lien de parenté, il n'est pas établi que M. A, célibataire et sans enfant, serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français sous couvert de faux titres de séjour ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment eu égard aux conditions de son séjour, à ses attaches privées et familiales ainsi qu'à son comportement, et alors même qu'il a travaillé pendant trois années sous couvert de ces faux titres, le préfet n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts que sa décision poursuivait ; qu'ainsi il ne remplissait pas les conditions pour obtenir une carte de séjour temporaire vie privée et familiale sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en second lieu, qu'en estimant, pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées, que la circonstance que M. A est entré de manière irrégulière en France, s'y est maintenu irrégulièrement et a travaillé sous couvert de documents d'identité falsifiés, en l'occurrence deux fausses cartes de résident, constituait une menace pour l'ordre public, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE a commis une erreur d'appréciation ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, pour refuser la délivrance du titre de séjour, s'est également fondé sur le motif tiré de ce que les liens personnels et familiaux de l'intéressé, et eu égard aussi à son comportement, ne justifiaient pas, selon lui, l'attribution d'un titre, et qu'il aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce motif qui, en l'absence, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, d'atteinte disproportionnée au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts que ce refus poursuivait, n'est pas entaché d'illégalité ; que, par suite, le motif tiré de ce que le comportement de l'intéressé aurait constitué une menace à l'ordre public, invoqué d'ailleurs de manière surabondante dans l'arrêté attaqué, est sans incidence sur la légalité de la décision lui refusant la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 précité ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler le refus de titre de séjour attaqué ainsi que les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination, le Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le motif tiré de ce que, pour refuser la délivrance d'un titre sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur la seule circonstance que la présence de M. A constituait une menace à l'ordre public ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel de Lyon, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant en première instance qu'en appel ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : La commission est saisie par le préfet (...) lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314­11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314­12 et L. 431-3 auxquels il envisage de refuser un titre de séjour et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que M. A ne remplissant pas les conditions de fond pour se voir délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11, il s'ensuit que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour ;

Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu des circonstances de l'espèce sus-décrites, le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire ne portent pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. A et ne méconnaissent pas ainsi, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que si M. A, dont la demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 8 juillet 2003, confirmée par une décision de la commission de recours des réfugiés du 8 septembre 2004, soutient qu'il encourt des risques en cas de retour en Mauritanie en raison de son appartenance à l'ethnie peuhle, qu'il aurait été contraint de fuir en 1989 son pays d'origine avec sa famille qui milite dans l'opposition, les documents produits à l'appui de ses déclarations, notamment les attestations et titres de séjour de deux personnes qu'il présente comme étant son père et son frère sans au demeurant justifier de ses liens de parenté, et un article d'Amnesty International sur la situation du pays, ne sont pas de nature à établir la réalité des faits allégués et des menaces auxquelles il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé, dans l'article 1er, son arrêté du 25 mars 2009 ; qu'enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 21 juillet 2009 est annulé.

Article 2 : La demande de M. Hadiya A tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2009 par lequel le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il établirait être légalement admissible, présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble, est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hadiya A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au Préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 24 août 2010.

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N° 09LY02063


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02063
Date de la décision : 24/08/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-08-24;09ly02063 ?
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