Vu la requête, enregistrée par télécopie le 28 mai 2008 et régularisée par courrier le 2 juin 2008, présentée pour M. et Mme Gilles A, domiciliés ... ;
M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 061185 du 25 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001, 2002 et 2003 et au remboursement des sommes versées assorties des intérêts moratoires ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et d'ordonner le remboursement des sommes versées assorties des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent qu'il résulte des dispositions de l'article 33 ter du code général des impôts que le bailleur, personne physique ou morale, peut demander l'étalement du revenu correspondant à la valeur des biens qui lui sont attribués et que ce revenu doit être imposé selon le régime fiscal du bailleur ; que du fait de la transformation de la société civile immobilière Terroir de Villefranche en société anonyme en octobre 1998, elle est devenue seule redevable de l'impôt dû sur les revenus qui lui ont été attribués ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 décembre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que la société civile immobilière Terroir de Villefranche relevait encore des dispositions de l'article 8 du code général des impôts lorsqu'elle a appréhendé les revenus en question qui sont de ce fait imposables entre les mains de M. A, qui était libre de demander ou non le bénéfice de l'étalement ; que la transformation de la société civile immobilière en société anonyme en octobre 1998 est sans influence sur le bien-fondé des impositions contestées ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 1er octobre 2009 et régularisé par courrier le 2 octobre 2009, présenté pour M. et Mme A, qui maintiennent leurs conclusions ;
Ils soutiennent que la société en tant que bailleur a qualité pour demander l'étalement prévu par l'article 33 ter du code général des impôts, lequel est indépendant de la personnalité des associés et de leur régime fiscal ; que si l'appréhension du revenu se fait en fin de bail, l'option pour l'étalement a pour effet d'étaler l'imposition sur 15 ans quels que soient les associés ; que les dispositions des articles L. 251-2 du code de la construction et de l'habitation, reprenant celles de l'article 555 du code civil, sont sans incidence sur les impositions en litige ; qu'aucune proposition de rectification n'a été adressée à la société au titre des années 2001, 2002 et 2003 alors que seule une notification de redressement adressée à la société est susceptible d'interrompre la prescription ; que les rectifications proposées doivent par suite être annulées, la notification de redressement adressée aux associés n'ayant pu interrompre la prescription ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 6 novembre 2009 et régularisé par courrier le 9 novembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que la demande d'étalement prévue à l'article 33 ter du code général des impôts n'a pas pour effet de transférer à la société le poids de l'imposition résultant de cet étalement ; que la rectification proposée concernant M. A et non la société dont il a été l'associé, l'administration fiscale pouvait adresser la proposition de rectification à cet associé sans avoir à notifier préalablement un redressement de ses bénéfices à la société ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 30 décembre 2009 et régularisé par courrier le 4 janvier 2010, présenté pour M. et Mme A, qui maintiennent leurs conclusions ;
Ils soutiennent qu'il résulte des dispositions de l'article 33 ter que la demande d'étalement doit être effectuée par le bailleur, donc la société, et qu'en cas de cession de l'immeuble ce serait à la société de réintégrer fiscalement la partie du revenu non encore taxée ; que la rectification proposée concerne principalement la société Terroir de Villefranche ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er février 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui maintient ses conclusions par les moyens exposés dans ses précédents mémoires ;
Il soutient en outre que la doctrine administrative contenue dans la documentation de base au 10 mars 1999 sous la référence 5 D-123, qui ne fait que rappeler les dispositions légales sans contenir d'interprétation formelle de la loi fiscale, indique que, dans le cas d'une société de personnes, seul l'associé a la possibilité d'opter pour l'étalement ; qu'il n'y a pas eu cession de l'immeuble mais que l'associé aurait été personnellement imposable en cas de cession de l'immeuble de même qu'un décès de l'associé entraîne l'imposition des sommes restant à imposer ; que l'étalement ne saurait être confondu avec un sursis d'imposition qui suspend le fait générateur de l'impôt alors que l'étalement constitue une modalité d'imposition ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 10 mars 2010 et régularisé par courrier le 12 mars 2010, présenté pour M. et Mme A, qui maintiennent leurs conclusions ;
Ils soutiennent en outre que la demande d'étalement a été présentée par la société et qu'elle engage la société et non ses associés ;
Vu l'ordonnance en date du 25 mars 2010 fixant la clôture d'instruction au 23 avril 2010 à 16 heures 30, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 23 avril 2010 à 15 heures 27 et régularisé par courrier le 26 avril 2010, présenté pour M. et Mme A, qui maintiennent leurs conclusions, sans apporter d'éléments nouveaux ;
Vu la lettre en date du 31 mai 2010 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 juin 2010, présenté pour M. et Mme A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2010 :
- le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;
Considérant que la SCI Terroir de Villefranche a reçu des immeubles à l'expiration de baux à construction en 1991 et 1997 ; qu'elle a demandé, en application des dispositions de l'article 33 ter du code général des impôts que les revenus correspondant à la valeur de ces biens soient répartis sur les exercices au cours desquels ils lui ont été attribués et sur les quatorze exercices suivants ; que M. et Mme A, qui étaient associés de cette société civile immobilière ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, au titre des années 2001 à 2003, à raison d'un quinzième de la quote-part desdits revenus correspondant à leurs droits dans la SCI Terroir de Villefranche à l'expiration de ces baux à construction ; qu'ils contestent le jugement n° 061185 du 25 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 du code général des impôts : Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) Il en est de même, sous les mêmes conditions : 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées à l'article 206 1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ; (...) et qu'aux termes de l'article 33 ter du même code : I Lorsque le prix du bail consiste, en tout ou partie, dans la remise d'immeubles ou de titres dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L 251-5 du code de la construction et de l'habitation, le bailleur peut demander que le revenu représenté par la valeur de ces biens calculée d'après le prix de revient soit réparti sur l'année ou l'exercice au cours duquel lesdits biens lui ont été attribués et les quatorze années ou exercices suivants. / En cas de cession des biens, la partie du revenu visé à l'alinéa précédent qui n'aurait pas encore été taxée est rattachée aux revenus de l'année ou de l'exercice de la cession. Le cédant peut, toutefois, demander le bénéfice des dispositions de l'article 163-0 A. / Il en est de même en cas de décès du contribuable. Toutefois, chacun de ses ayants droit peut demander que la partie du revenu non encore taxée correspondant à ses droits héréditaires soit imposée à son nom et répartie sur chacune des années comprises dans la fraction de la période de quinze ans restant à courir à la date du décès. (...) ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 8 du code général des impôts que M. et Mme A étaient personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux de la société civile immobilière Terroir de Villefranche correspondant à leurs droits dans cette société, jusqu'à sa transformation en société anonyme ; qu'il résulte de celles de l'article 33 ter du même code que cette société pouvait, comme elle l'a fait, demander, en tant que bailleresse, à ce que ses bénéfices soient déterminés en procédant à la répartition des revenus représentés par la valeur des biens qui lui ont été remis en 1991 et 1997 sur l'exercice de clôture de chacun de ces baux et sur les quatorze exercices suivants ; que M. et Mme A, qui étaient seulement imposables sur une quote-part du résultat fiscal de cette société et non sur une quote-part de ses revenus à l'expiration des baux concernés, ne sauraient être regardés comme ayant demandé, à titre personnel, la répartition desdits revenus sur quinze ans ; qu'ils ne sauraient davantage être imposés sur une quote-part des résultats de cette société après sa transformation en société anonyme ; que, par suite, ils n'étaient plus personnellement imposables à raison de la part desdits revenus répartie sur des exercices clos après la transformation de ladite société civile immobilière en société anonyme, même si cette dernière a omis de mentionner lesdits revenus dans ses propres résultats ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande ;
Sur le remboursement des sommes versées assorties d'intérêts moratoires :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. (...) ; qu'en vertu du troisième alinéa de l'article R. 208-1 du même livre, les intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 précité sont payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts ;
Considérant que faute de litige né et actuel opposant M. et Mme A au comptable chargé le cas échéant du remboursement des sommes éventuellement versées et du paiement des intérêts moratoires visés à l'article L. 208 précité, les conclusions présentées par les requérants et tendant à ce remboursement majoré des intérêts moratoires sont irrecevables ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : M. et Mme A sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001 à 2003.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. et Mme A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 061185 du 25 mars 2008 est annulé.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Gilles A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2010 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Monnier et Pourny, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 24 août 2010.
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N° 08LY01218