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29/06/2010 | FRANCE | N°08LY02790

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 29 juin 2010, 08LY02790


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 décembre 2008 et 2 mars 2009, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement 0602297 du 7 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser à Mlle Karen A une indemnité de 164 163 euros et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme une somme de 131 595,53 euros en principal ainsi qu'à lui rembourser dan

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 décembre 2008 et 2 mars 2009, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement 0602297 du 7 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser à Mlle Karen A une indemnité de 164 163 euros et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme une somme de 131 595,53 euros en principal ainsi qu'à lui rembourser dans la limite de 84 756,22 euros les frais de dépenses de santé futurs et de renouvellement d'appareillage ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle Karen A et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

Il soutient que l'intéressée ayant été hospitalisée à sa demande dans un service ouvert, l'établissement n'était pas soumis à une obligation de surveillance stricte ; que sa mère ayant refusé de demander son hospitalisation forcée comme cela avait été préconisé, la surveillance a été néanmoins adaptée à son comportement et renforcée à la suite d'une tentative de fugue et d'un passage à l'acte, puis exercée au maximum de ce qui est admissible dans un service de placement libre ; que l'expert n'a retenu aucune faute ni dans l'appréciation de l'état de santé, ni dans les traitements mis en oeuvre, pas plus que dans la surveillance pratiquée ; que le service ne pouvait aller au-delà des mesures de précautions prises sans contrevenir gravement à la liberté du patient ; que le comportement de sa famille, qui a refusé à plusieurs reprises une hospitalisation plus contraignante, a été à l'origine de la réalisation du dommage et n'a pas été suffisamment prise en compte par les premiers juges ; que, notamment, sa mère lui a redonné un briquet immédiatement après qu'un autre lui avait été confisqué ; que subsidiairement, la circonstance qu'elle ait pu se jeter du viaduc démontre que ce dernier était mal sécurisé, le fait de la ville de Clermont-Ferrand étant ainsi de nature à exonérer au moins partiellement le centre hospitalier ; que très subsidiairement, les indemnités allouées sont excessives le préjudice personnel n'étant pas ventilé par poste et le tribunal ayant omis de tenir compte de ses antécédents pathologiques ; que les frais futurs de la caisse ont été surestimés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 juin 2009, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie qui conclut à la condamnation du centre hospitalier de Clermont-Ferrand à lui verser les sommes de 131 595,53 euros en principal et de 84 756,22 euros au titre des frais futurs, ainsi que de 941 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et sollicite qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Clermont-Ferrand au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 septembre 2009, présenté pour Mlle A qui conclut au rejet de la requête du centre hospitalier de Clermont-Ferrand et, par la voie de l'appel incident, à ce que les indemnités qui lui ont été allouées soient portées à la somme totale de 551 167 euros ainsi qu'à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les moyens que tant ses antécédents que son comportement dans les jours précédant sa tentative de suicide révèlent une faute de surveillance ; qu'elle avait exprimé des idées suicidaires que l'hôpital ne pouvait ignorer et était dans un état particulièrement perturbé et d'extrême agitation le 28 avril ; que les mesures de protection mises en place étaient insuffisantes ; que son placement en service libre n'empêchait pas l'établissement de prendre les mesures qui s'imposaient et que sa mère ne lui a jamais donné de briquet, contrairement à ce que rapporte l'expert ; que le viaduc est parfaitement sécurisé ; que les différents postes de préjudices, qui n'ont pas été détaillés, ont été mal évalués et qu'il y a lieu de tenir compte de ses perspectives professionnelles, de la nécessité de l'aide constante d'une tierce personne et des frais d'adaptation de logement ;

Vu l'ordonnance en date du 19 mars 2010 fixant la clôture d'instruction au 15 mai 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2010, présenté par l'Union départementale des associations familiales du Puy-de-Dôme en qualité de tuteur de Mlle A qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu, enregistré le 3 mai 2010, le mémoire par lequel le centre hospitalier de Clermont-Ferrand conclut aux mêmes fins que précédemment par les moyens, en outre, que la majoration sollicitée à titre incident ne pourrait qu'être rejetée compte tenu de son état antérieur inhérent à la pathologie dont elle est atteinte ; que le préjudice d'établissement est purement aléatoire et les autres postes surévalués ;

Vu le mémoire enregistré le 14 mai 2010 par lequel la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme maintient ses précédentes conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2010 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

Considérant que Mlle A, qui avait été admise au centre hospitalier de Clermont-Ferrand à compter du 2 avril 2006 pour être hospitalisée à sa demande au sein de l'unité psychiatrique, est sortie seule de l'établissement le 28 avril suivant à 15 heures 10, avant de se précipiter quelques minutes plus tard du haut d'un viaduc urbain ; que par le jugement en appel, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier de Clermont-Ferrand à indemniser l'intéressée des très lourdes séquelles qu'elle conserve de cet accident ; que le centre hospitalier conteste sa responsabilité tandis que Mlle A, représentée en appel par sa tutrice, l'Union départementale des associations familiales du Puy-de-Dôme, demande par la voie de l'appel incident la majoration des indemnités qui lui ont été allouées par les premiers juges, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme concluant, quant à elle, à la confirmation des sommes qui lui ont été allouées en première instance en remboursement de ses débours ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné en référé par le président du tribunal administratif, que Mlle A, qui est née en 1974, souffrait de troubles psychiatriques sévères depuis de nombreuses années, ayant entraîné son hospitalisation à plusieurs reprises à partir de 1994 ; qu'elle présentait, lors de son hospitalisation du mois d'avril 2006, une pathologie psychotique du registre de la schizophrénie avec extériorisation polymorphe qui a conduit à la prescription de traitements psychotropes et de mesures de surveillance ; que cette prise en charge était, selon l'expert, adaptée à sa pathologie laquelle, selon ses conclusions, ne manifestait aucun éléments dépressifs ou mélancoliques et ne pouvait laisser présager de quelconques idées suicidaires ; que s'il est constant que Mlle A a commis plusieurs fugues au cours de cette hospitalisation, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce qu'on estimé les premiers juges, qu'elle aurait manifesté à cette époque des tentatives d'autolyse ; qu'enfin, si son état d'agitation et de délire s'était aggravé, il n'est pas contesté que son entourage n'avait pas accepté de mettre en oeuvre la procédure d'hospitalisation à la demande d'un tiers, que le service avait pourtant préconisée à plusieurs reprises, laquelle aurait permis d'assurer une surveillance constante de son comportement par des mesures coercitives ; que dans ces conditions, alors que le centre hospitalier a mis en oeuvre un traitement médicamenteux adapté et les mesures de surveillance dont il disposait, la seule circonstance que Mlle A ait pu sortir de l'établissement ne suffit pas à elle seule à révéler une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service ; que, par suite, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à indemniser Mlle A et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme des conséquences de cet accident ; qu'il y a lieu, pour les mêmes raisons, de rejeter les conclusions incidentes présentées pour Mlle A ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre les frais et honoraires de l'expertise à la charge définitive de Mlle A représentée par l'Union départementale des associations familiales du Puy-de-Dôme ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Clermont-Ferrand qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Union départementale des associations familiales du Puy-de-Dôme en qualité de tuteur de Mlle A et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 7 octobre 2008 est annulé.

Article 2 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de Mlle A représentée par l'Union départementale des associations familiales du Puy-de-Dôme.

Article 3 : Les demandes présentées pour Mlle A et par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et les conclusions incidentes présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND, à l'Union départementale des associations familiales du Puy-de-Dôme, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme et à Auvergne Mutualiste. Une copie en sera adressée à Mlle Karen A et à l'expert.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juin 2010.

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N° 08LY02790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY02790
Date de la décision : 29/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : DIDIER LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-29;08ly02790 ?
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