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29/06/2010 | FRANCE | N°08LY02097

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 29 juin 2010, 08LY02097


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 septembre 2008 et 28 mai 2009, présentés pour Mme Isabelle A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702055 du 17 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont- Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand soit déclaré responsable des conséquences dommageables résultant de la faute commise lors de son hospitalisation en décembre 2001, à ce qu'une expertise soit ordonnée aux fins d'évalue

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Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 septembre 2008 et 28 mai 2009, présentés pour Mme Isabelle A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702055 du 17 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont- Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand soit déclaré responsable des conséquences dommageables résultant de la faute commise lors de son hospitalisation en décembre 2001, à ce qu'une expertise soit ordonnée aux fins d'évaluer ses préjudices et à ce que le centre hospitalier soit condamné à lui verser une indemnité provisionnelle de 10 000 euros ;

2°) d'ordonner au centre hospitalier de Moulins et au centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand la communication de pièces médicales, de déclarer le centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand responsable de ses préjudices, d'ordonner une expertise aux fins de les évaluer et de condamner ce dernier à lui verser la provision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand devait conserver et communiquer les clichés des scanners des 15 et 27 décembre 2001 et de l'IRM du 17 décembre 2001 ; que les comptes rendus de ces examens peuvent comporter une erreur de diagnostic ; que seule la consultation des clichés peut permettre d'apprécier si une erreur a été commise ; que la Cour doit ordonner au centre hospitalier de Moulins la communication des clichés du scanner cérébral du 15 décembre 2001 et au centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand des clichés de l'angio-scanner du 15 décembre 2001, de l'IRM cérébrale du 17 décembre 2001 et du scanner cérébral du 27 décembre 2001 ; que l'expert ne pouvait exclure une faute médicale sans avoir consulté les planches de l'IRM et des scanners susmentionnés ; que, contrairement à ce que l'expert a estimé, il y avait bien, dès le 15 ou le 17 décembre 2001, des éléments permettant de diagnostiquer un abcès cérébral et nécessitant des examens complémentaires et une action thérapeutique ; qu'il appartient au centre hospitalier de démontrer qu'il n'a pas commis de faute et qu'il a bien mis en oeuvre les soins les plus efficaces et adaptés à son état de santé ; que le tribunal administratif, qui n'a pas exclu que des fautes aient été commises, n'a pas statué sur la charge de la preuve ; que le centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand en retenant le 17 décembre 2001 l'hypothèse d'une tumeur de bas grade a commis une erreur de diagnostic alors que se développait un abcès intra- cérébral ; qu'il a commis une faute en ne maintenant pas un traitement antibiotique, alors qu'elle présentait des signes infectieux, et en autorisant la sortie de l'établissement le 21 décembre 2001 ; que le bon diagnostic a été posé seulement le 27 décembre 2001 ; que le retard de diagnostic est à l'origine de séquelles ; que la réalité de ses préjudices ne peut être contestée ; que l'indemnité provisionnelle demandée est justifiée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré par télécopie le 26 octobre 2009 et régularisé le 30 octobre 2009, le mémoire présenté pour le centre hospitalier de Clermont-Ferrand et pour le centre hospitalier de Moulins qui concluent au rejet de la requête ; ils soutiennent que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'expertise pouvait être menée sans que la production des clichés des scanners et de l'IRM effectués lors de l'hospitalisation de Mme A soit nécessaire ; que les premiers juges ont vérifié que les clichés n'étaient pas déterminants pour remplir la mission d'expertise et qu'ils n'avaient pas réglementairement à être conservés ; que leur communication est au surplus inutile dès lors qu'ils ne peuvent apporter des informations que sur le retard de diagnostic, lequel n'est pas à l'origine des préjudices de la requérante ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise qui serait frustratoire ; que le centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand n'a pas commis de retard de diagnostic fautif ; que le diagnostic était difficile à établir ; qu'en tout état de cause il n'y a pas de lien de causalité entre un éventuel diagnostic tardif et les préjudices allégués par la requérante ; que le centre hospitalier de Moulins doit être mis hors de cause ;

Vu, enregistré le 25 février 2010, le mémoire présenté pour Mme A qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle fait par ailleurs valoir qu'elle a bien présenté des signes caractéristiques d'un abcès cérébral et que son compagnon a d'ailleurs demandé que ce diagnostic soit envisagé dès sa première hospitalisation ; que l'intervention chirurgicale et les séquelles dont elle demeure atteinte auraient été évitées si le diagnostic avait été posé sans retard et un traitement antibiotique adapté mis en oeuvre ; que la faute du centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand est à l'origine d'une perte de chance, qui doit être réparée, d'échapper à l'aggravation de son état de santé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2010 :

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

- les observations de Me Pothier, substituant Me Petit, avocat de Mme A ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que Mme A, alors enceinte de 33 semaines, a été victime d'une crise d'épilepsie, le 15 décembre 2001, et prise en charge aux urgences du centre hospitalier de Moulins avant d'être transférée, le même jour, au centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand ; qu'elle a été opérée dans ce dernier établissement, le 27 décembre 2001, d'un abcès cérébral et a présenté, dans les années qui ont suivi, des crises d'épilepsie ; que Mme A a recherché la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand du fait d'une erreur et d'un retard de diagnostic lors de son hospitalisation ; qu'elle fait appel du jugement du 17 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand soit déclaré responsable des conséquences dommageables de la faute commise, à ce qu'une expertise soit ordonnée afin d'évaluer ses préjudices et à ce que ledit centre hospitalier soit condamné à lui verser une indemnité provisionnelle de 10 000 euros ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée en première instance, que Mme A a consulté le 13 décembre 2001 son médecin traitant qui a diagnostiqué une otite localisée sur l'oreille droite et prescrit un traitement antibiotique ; que, victime d'une crise d'épilepsie du 15 décembre 2001, elle a fait l'objet, au centre hospitalier de Moulins, d'un scanner cérébral qui a permis de mettre en évidence une hypodensité temporale gauche pouvant évoquer une zone d'ischémie cérébrale, une tumeur cérébrale de bas grade, une thrombophlébite cérébrale ou un problème infectieux ; que, à la suite de son transfert au centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand, Mme A a subi un nouveau scanner cérébral qui n'a pas permis de poser un diagnostic précis, l'hypothèse d'une thrombophlébite ne pouvant notamment pas être formellement éliminée ; qu'un contrôle de l'évolution à 48 heures a été préconisé et des traitements par héparine, compte tenu de la suspicion d'une thrombose veineuse cérébrale, et par antiépileptiques ont alors été administrés à la patiente ; que le résultat de l'IRM pratiquée le 17 décembre suivant plaidait en faveur d'un processus expansif de bas grade ; que l'équipe médicale en charge de Mme A a finalement retenu le diagnostic de tumeur cérébrale primitive de bas grade et a décidé de laisser la grossesse se poursuivre sans poser d'indication thérapeutique à ce stade ; que Mme A a regagné le domicile de ses parents le 21 décembre 2001 avec un traitement antiépileptique ; qu'elle a été hospitalisée en urgence au centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand le 27 décembre 2001 en raison de son état neurologique ; que le scanner alors pratiqué a révélé la présence d'un abcès cérébral temporal gauche qui a fait l'objet d'une intervention chirurgicale le jour même ; que Mme A reproche au centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand un retard de dix jours dans le diagnostic de sa tumeur et lui impute la responsabilité des crises d'épilepsie dont elle est victime 3 à 4 fois par an ;

Considérant en premier lieu qu'il est constant que les clichés des radiographies cérébrales des 15, 17 et 27 décembre 2001 réalisés lors de l'hospitalisation de Mme A n'ont été conservées ni par le centre hospitalier de Moulins, ni par celui de Clermont-Ferrand et que l'expert n'a pas pu les consulter ; que, toutefois, ce dernier était en possession des compte-rendus détaillés de lecture de ces clichés et de leur interprétation et a pu, au vu des pièces dont il disposait accomplir sa mission ; qu'ainsi, une nouvelle mission d'expertise serait inutile et l'absence de conservation des clichés, même si elle est regrettable, ne saurait entraîner en l'espèce une présomption de responsabilité du centre hospitalier ;

Considérant en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée en première instance, que d'une part, dans le contexte de la maladie de Mme A et au stade de son évolution, le retard de quelques jours apporté au diagnostic de cette affection rare n'est pas fautif et que d'autre part ce retard n'a eu aucune incidence sur l'évolution de l'état de santé de l'intéressée qui a été guérie de son abcès cérébral, l'épilepsie séquellaire ayant pour seule cause la nature de sa maladie ; qu'ainsi, en admettant même que l'abcès cérébral ait pu être diagnostiqué et traité plus précocement, le lien de causalité direct entre la faute alléguée et les préjudices endurés n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, qui n'a pas méconnu les règles de droit commun gouvernant la charge de la preuve, a rejeté sa demande ;

Sur les dépens :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise décidée par les premiers juges à la charge de Mme A ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée en première instance sont mis à la charge de Mme A.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Isabelle A, au centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand, au centre hospitalier de Moulins et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier. Copie en sera adressée à M. Jacques Brunon (expert).

Délibéré après l'audience du 18 juin 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juin 2010.

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No 08LY02097


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY02097
Date de la décision : 29/06/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : PETIT FRANCOISE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-29;08ly02097 ?
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