La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2010 | FRANCE | N°07LY02063

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 29 juin 2010, 07LY02063


Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 septembre et 13 novembre 2007, présentés par le Ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables ;

Le Ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502301 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 3 juillet 2007 en ce qu'il a condamné l'ETAT à verser à la commune de Coubon (Haute-Loire) une somme de 440 690,73 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 22 décembre 2005, les intérêts

échus le 7 mars 2007 étant capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérê...

Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 septembre et 13 novembre 2007, présentés par le Ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables ;

Le Ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502301 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 3 juillet 2007 en ce qu'il a condamné l'ETAT à verser à la commune de Coubon (Haute-Loire) une somme de 440 690,73 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 22 décembre 2005, les intérêts échus le 7 mars 2007 étant capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par la commune de Coubon ;

3°) à titre subsidiaire de réduire la part de responsabilité de l'Etat de manière à ce qu'elle ne dépasse pas la moitié de la somme correspondant à l'achat des terrains diminuée des bénéfices retirés de la cession opérée par la commune ;

Il soutient que la commune n'ignorait pas le risque d'inondation et qu'elle aurait dû prendre les mesures nécessaires dans le cadre de la révision de son document d'urbanisme, quand bien même l'Etat aurait omis de le faire dans le cadre de son porter à connaissance ; que l'Etat a porté à la connaissance de la commune les risques d'inondation de la commune dans le cadre de l'élaboration du POS et de sa révision ; que la commune a acquis et viabilisé des terrains dont elle connaissait les probabilités d'inondation ; que le maire s'est d'ailleurs refusé à lui-même l'autorisation de lotir déposée au motif que le secteur est inondable ; que la réalité du risque d'inondation est probable mais non certaine ; que ces terrains n'ont pas été inondés lors de la crue de 1980 ; que les études réalisées en 1985 et 1987 par les services de la direction départementale de l'équipement et par le centre technique de l'équipement ne permettaient pas à défaut de risque avéré d'imposer le classement en zone inconstructible ; qu'il ressort expressément des motifs du PLU révisé et approuvé le 28 octobre 2005, que le préfet a porté à la connaissance de la commune, dans le cadre de cette révision, le risque potentiel d'inondation du secteur du Pranaud ; que le risque d'inondation dans ce secteur peut être supprimé ; qu'elle pourra donc réaliser son projet ; que le préjudice invoqué n'est ni réel ni justifié ; qu'elle ne produit aucun justificatif pour les travaux de viabilisation ; qu'elle a cédé une partie des terrains à la société Logivelay en vue de la réalisation de 6 ou 7 logements ; que cette cession doit en tout état de cause être déduite de l'indemnité sollicitée ; que la perte des recettes fiscales, des dépenses de fonctionnement engagées pour la conduite du projet et le préjudice moral, ne sont ni établis ni justifiés ; que la part de responsabilité de la commune doit en tout état de cause être diminuée de moitié ; que la seule somme de 152 700 euros est justifiée ;

Vu le mémoire enregistré le 26 février 2009, présenté pour la commune de Coubon, représentée par son maire ; elle conclut au rejet de la requête ;

La commune de Coubon demande à la Cour :

- de rejeter le recours du ministre ;

- par la voie de l'appel incident de réformer le jugement en tant qu'il a refusé de lui octroyer une indemnisation au titre des travaux de finition relatifs à la zone concernée à raison des pertes fiscales subies et de condamner l'ETAT à lui verser la somme totale de 1 009 378, 82 euros en réparation de son préjudice ;

- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le risque d'inondation était connu par l'Etat depuis 1987 ; que l'Etat aurait dû mettre en oeuvre les dispositions de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme alors en vigueur ; que suite à la réaffirmation par le bureau CETE en 2002 du caractère inondable de la zone, l'Etat s'est abstenu de procéder à la révision du PERI ; que lors de la révision du POS, l'Etat n'a pas informé la commune de ce risque ; que le PERI se contentait de mentionner qu'il conviendrait de prendre toutes dispositions lors de l'aménagement de ce secteur ; que l'article L. 562-1 du code de l'environnement prévoit qu'il appartient à l'ETAT d'identifier les risques naturels prévisibles pour renseigner les communes concernées ; que l'ETAT n'a averti la commune du risque que lors de l'instruction de la demande de permis de lotir ; que l'argument tiré du caractère suppressible du risque d'inondation est inopérant ; qu'elle n'aurait pas acquis ces terrains si elle avait eu connaissance de l'aléa fort d'inondabilité qui pesait sur ce secteur ; que les préconisations émises par la SAFEGE conduisant à un remblaiement estimé à 60 000 m3 sont irréalistes ; que le coût de ces travaux avoisineraient environ 1 260 000 euros ; qu'elle est donc propriétaire de terrains dont l'aménagement est hypothétique et financièrement irréalisable et, sur lesquels toute construction est impossible ; qu'elle a produit les justificatifs relatifs à son préjudice ; qu'elle n'a jamais finalisé la cession d'une partie des terrains à la société Logivelay ; que les travaux de finition sont justifiés pour un montant de 53 888,09 euros toutes taxes comprises ; que l'investissement qu'elle a réalisé l'a été en pure perte ; qu'elle n'a pu investir ailleurs et percevoir des recettes fiscales afférentes ; que ce préjudice est évalué à 514 800 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er septembre 2009, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ; il conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la commune, s'agissant de l'élaboration d'un plan d'occupation des sols et du porter à connaissance du préfet en matière de risques, ne peut se référer qu'aux dispositions du code de l'urbanisme applicables à la date de l'élaboration ou de la révision du POS de la commune et non aux dispositions actuellement en vigueur ; que la mise en oeuvre de la procédure de délimitation d'un périmètre de risques au titre des dispositions de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme alors en vigueur était inutile dès lors qu'il existait déjà un plan d'exposition aux risques approuvé ; qu'il ressort expressément de la délibération n° 115/2005 en date du 28 octobre 2005 portant approbation du plan local d'urbanisme de la commune de Coubon, que le préfet a porté à la connaissance de la commune, dans son avis du 9 février 2005, des précisions sur la prise en considération du risque d'inondation ; qu'à titre subsidiaire, si une faute de l'ETAT était reconnue, sa responsabilité devra être partagée avec celle de la commune ; que la commune a commis une faute en ne classant pas le secteur de Pranaud en zone inondable dans le plan local d'urbanisme et en se bornant à rappeler la possibilité de refuser des demandes d'autorisation sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; qu'elle a commis une faute en procédant à l'acquisition de terrains dans le secteur du Pranaud alors qu'elle était informée des risques d'inondation ; qu'en ce qui concerne les aménagements à prévoir pour la réalisation de la construction, la commune ne se peut se borner à affirmer sans l'établir que la solution est hypothétique ; que le refus de délivrance de l'autorisation de lotir est à l'origine du prétendu préjudice de la commune ; qu'en tout état de cause, ne peuvent être indemnisés les frais correspondant à la construction du pôle enfance et aux logements sociaux et les frais correspondant aux travaux de voirie ou d'éclairage se rapportant à ces constructions qui sont dépourvues de tout lien avec le présent contentieux ; que le préjudice financier tiré de la perte de recettes fiscales, le préjudice lié aux travaux de finition et le préjudice lié à la perte d'image de la commune ne sont ni justifiés dans leur principe, ni dans leur montant ; que les factures sont trop générales et sont antérieures à la date du dépôt de l'autorisation de lotir ; que les travaux de voiries sont liés au lotissement ;

Vu l'ordonnance en date du 11 septembre 2009 fixant la clôture de l'instruction au 16 octobre 2009 ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2009, présenté pour la commune de Coubon, représentée par son maire ; elle conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2010 :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller ;

- les observations de Me Vray, avocat de la commune de Coubon ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- la parole ayant été à nouveau donnée à la partie présente ;

Considérant que par un jugement en date du 3 juillet 2007 le Tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ETAT à verser à la commune de Coubon une somme de 440 690,73 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 22 décembre 2005, les intérêts échus le 7 mars 2007 étant capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts ; que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLE relève appel de ce jugement ;

Sur la responsabilité de l'ETAT :

Considérant que la commune de Coubon a acquis en 2001-2002 puis viabilisé des parcelles situées dans la zone dite de Pranaud sur son territoire et classées dans son plan d'occupation des sols alors en vigueur en zone constructible pour y réaliser un vaste projet comprenant la construction d'écoles maternelle et primaire, d'une crèche, d'un relais d'assistantes maternelles et un lotissement communal ; que le 24 décembre 2004, la commune de Coubon a sollicité pour le lotissement communal une demande d'autorisation de lotir portant sur un terrain d'environ 4 531 m2 ; que par un arrêté en date du 18 janvier 2006, le maire de la commune a refusé cette autorisation estimant que le risque d'inondation était trop important ; qu'il est constant que les terrains de cette zone dite du Pranaud n'ont jamais été inondés même lors de la crue centennale qui a touché la commune de Coubon en 1980 ; qu'il ressort cependant des pièces produites qu'il existe un risque d'inondation de ces parcelles qui a été identifié dans le plan d'exposition aux risques d'inondation (PERI) approuvé par le préfet de la Haute-Loire le 20 novembre 1989 ; que si ce plan n'incluait pas la zone de Pranaud en zone inondable, il était mentionné dans le rapport de présentation qu' il conviendra de prendre toute disposition lors de l'aménagement de ce secteur (...), renforcement et entretien des merlons de terre entre la Loire et ce secteur, clapets anti-retour sur les réseaux d'assainissement, (...) ; que le PERI a été annexé avec son rapport de présentation à tous les POS successifs ; que nonobstant, la circonstance que le secteur n'a pas été expressément inscrit en zone inondable, la commune de Coubon était ainsi informée d'un risque d'inondation depuis 1989 ; que le rapport du bureau Etude SAFEGE environnement d'octobre 2005, demandé au cours de l'instruction de l'autorisation de lotir, conclut au risque d'inondation de ce secteur mais indique aussi que la réalisation de constructions est possible sous réserve du respect de diverses prescriptions ; que par suite même en admettant que l'ETAT ait commis une faute en ne classant pas dans les cartes du PERI en zone inondable les terrains en cause et en ne délivrant pas à la commune une information plus précise lors des révisions du POS, la commune a de son côté commis une grave imprudence en concevant, un projet de très grande ampleur en rive gauche de la Loire sans aucune étude préalable, alors qu'un risque, même s'il était minoré, était identifié et connu et en poursuivant l'opération par l'acquisition des terrains et leur viabilisation avant même l'obtention des autorisations nécessaires ; qu'en toute hypothèse, l'imprudence de la commune est de nature à exonérer l'ETAT de toute responsabilité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand doit être annulé en tant qu'il a condamné l'ETAT à verser la somme de 440 690,73 euros à la commune de Coubon ; qu'il y a lieu de rejeter la demande présentée en première instance par la commune et ses conclusions incidentes d'appel ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante la somme que demande la commune de Coubon au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal de Clermont-Ferrand en date du 3 juillet 2007 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la commune de Coubon devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et son appel incident sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, EN CHARGE DES TECHNOLOGIES VERTES ET DES NEGOCIATIONS SUR LE CLIMAT et à la commune de Coubon.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2010 à laquelle siégeaient :

M. Fontbonne, président,

M. Chenevey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 29 juin 2010.

''

''

''

''

1

5

N° 07LY02063

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY02063
Date de la décision : 29/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FONTBONNE
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : SCP DEYGAS-PERRACHON-BES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-29;07ly02063 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award