Vu, enregistrés les 18 février et 7 août 2008, la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour les HOSPICES CIVILS DE LYON ;
Ils demandent à la Cour :
1°) l'annulation du jugement n° 0606471-0608329 du 13 décembre 2007 du Tribunal administratif de Lyon qui les a condamnés à verser à M. Francis A une somme de 26 500 euros en réparation du préjudice résultant de la faute commise lors de l'intervention du 11 mai 1988 et à la caisse primaire d'assurance maladie du Jura la somme de 10 874,93 euros en remboursement de ses débours ainsi que la somme de 926 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par M. A et par la caisse devant le Tribunal ;
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé et donc irrégulier ;
- la requête de M. A était tardive et donc irrecevable, la deuxième décision de rejet de la réclamation préalable du 13 octobre 2006 étant, en l'absence de cause juridique nouvelle, confirmative de la première décision de rejet du 7 avril 2005 ;
- s'agissant de la prescription, la loi du 4 mars 2002 n'était pas applicable, la créance de l'intéressé étant déjà prescrite avant son entrée en vigueur dès lors qu'il savait que la nouvelle intervention chirurgicale qu'il avait dû subir en urgence en septembre 1988 était consécutive à des problèmes survenus lors de l'intervention du 11 mai 1988 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 11 décembre 2008, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône qui conclut au rejet de la requête des HOSPICES CIVILS DE LYON et à ce que le montant de l'indemnité forfaitaire allouée par le Tribunal soit porté à 941 euros et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à leur charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle expose qu'elle a exposé des débours dont le remboursement est justifié ;
Vu, enregistré le 26 janvier 2009, le mémoire présenté pour Mme Sylvie A, épouse de M. Francis A et pour M. Samuel A, domiciliés respectivement ... et ..., agissant chacun en qualité d'ayant droit de l'intéressé, décédé le 16 janvier 2008, qui concluent au rejet de la requête et à ce que l'indemnité allouée par le Tribunal soit portée à 63 250 euros et qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des HOSPICES CIVILS DE LYON au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils exposent que :
- le dépôt du rapport d'expertise le 1er juin 2006 a nécessairement eu une incidence sur l'appréciation par l'établissement de la créance alléguée ;
- ce n'est qu'en 2005 que l'intéressé a été informé de l'oubli d'une compresse, de telle sorte que sa créance ne peut être prescrite d'autant que son état n'a cessé de s'aggraver ;
- les conséquences de la faute imputable aux HOSPICES CIVILS DE LYON ont été préjudiciables pour l'intéressé tant d'un point patrimonial que personnel ;
Vu, enregistré le 18 janvier 2010, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône qui, par les mêmes moyens, conclut aux mêmes fins que précédemment, demandant en outre les intérêts et la capitalisation des intérêts ;
Vu la lettre du 27 mai 2010 par laquelle la Cour a informé les parties de ce qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour défaut de mise en cause de la caisse primaire d'assurance maladie du Jura et des consorts A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi du 31 décembre 1968 ;
Vu l'arrêté du 1er décembre 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2010 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les observations de Me Demailly, avocat des HOSPICES CIVILS DE LYON et de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Jura ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant qu'à la suite d'une opération de la vessie en 2006, M. Francis A, né en 1933, a subi à l'hôpital Henry Gabrielle de Lyon, qui relève des HOSPICES CIVILS DE LYON, deux reprises chirurgicales ; que l'apparition d'une masse douloureuse palpable a justifié une nouvelle intervention à Dijon le 1er septembre 1988 qui a révélé la présence d'un volumineux abcès consécutif à l'oubli d'une compresse dans l'abdomen de M. A lors de la dernière de ces reprises aux HOSPICES CIVILS DE LYON le 11 mai 1988 ; qu'une expertise a été ordonnée le 17 octobre 2005 par le président du Tribunal administratif de Lyon, dont le rapport a été déposé le 1er juin 2006 ; que, par deux demandes distinctes, la caisse primaire d'assurance maladie du Jura et M. A ont saisi le Tribunal administratif de Lyon de conclusions tendant à la condamnation des HOSPICES CIVILS DE LYON à les indemniser des conséquences dommageables de cet accident ; que par un jugement du 13 décembre 2007 le Tribunal a condamné les HOSPICES CIVILS DE LYON à verser une somme de 10 874,93 euros à la caisse et une indemnité de 26 500 euros à M. A ; que les HOSPICES CIVILS DE LYON, qui ne contestent pas le principe même de leur responsabilité, relèvent appel de ce jugement en mettant de nouveau en cause la recevabilité de la demande des consorts A et en invoquant la prescription de leur créance ; qu'incidemment les consorts A, agissant en leur qualité d'ayants droit de M. A, décédé en janvier 2008, et la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône, substituée dans les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Jura, en relèvent également appel ;
Sur les conclusions principales des HOSPICES CIVILS DE LYON :
En ce qui concerne la fin de non recevoir :
Considérant que si, conformément à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, il appartient au juge, le cas échéant, d'appeler en déclaration de jugement commun, en tout état de la procédure, la caisse de sécurité sociale et la victime ou ses ayants droit, la jonction, après instruction commune, des conclusions présentées par des demandes distinctes de la caisse et de la victime, dispense le Tribunal d'une telle obligation ; qu'en outre, dans une telle hypothèse, compte tenu du lien que cette disposition établit entre la détermination des droits de la caisse et de la victime et de l'obligation de mise en cause réciproque qui en résulte, l'action dans les délais de l'un rend recevable les conclusions présentées tardivement par l'autre ;
Considérant qu'en l'espèce, pour statuer par un jugement commun aux demandes séparées dont l'avaient saisi la caisse primaire d'assurance maladie du Jura et M. A, le Tribunal, qui n'était dès lors plus tenu de mettre en cause la caisse ou l'intéressé dans chacune de ces affaires, a procédé à leur jonction ; qu'il résulte de l'instruction que M. A, qui avait saisi les HOSPICES CIVILS DE LYON d'une réclamation préalable, n'a pas contesté la décision rejetant cette réclamation, notifiée le 23 juin 2005, dans les délais et selon les voies mentionnés dans cette décision ; que si le délai de recours contentieux ouvert par la réception à cette date de la décision de rejet des HOSPICES CIVILS DE LYON a été interrompu par la demande de référé expertise formulée par les intéressés le 22 juillet suivant auprès du Tribunal, ce délai doit être regardé comme ayant de nouveau commencé à courir au plus tard à compter du 11 octobre 2006, date à laquelle il s'est prévalu du rapport d'expertise à l'appui d'une nouvelle réclamation préalable ; que toutefois, si la demande de M. A devant le Tribunal, qui a été enregistrée le 26 décembre 2006, a été présentée après expiration du délai légal, la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie du Jura, qui a saisi le Tribunal dès le 13 octobre 2006, n'était pas tardive; que, par suite, eu égard à la jonction opérée par le Tribunal, la demande de M. A n'était pas, contrairement à ce que soutiennent les HOSPICES CIVILS DE LYON, irrecevable ;
En ce qui concerne la prescription quadriennale :
Considérant qu'il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique que le législateur a entendu instituer, en matière de responsabilité médicale, une prescription décennale se substituant à la prescription quadriennale instaurée par la loi du 31 décembre 1968 pour ce qui est des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ; qu'il s'ensuit que, sauf lorsqu'elles étaient prescrites en application de la loi du 31 décembre 1968 à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, ces créances sont prescrites à l'issue d'un délai de dix ans à compter de la date de consolidation du dommage ; que si M. A n'ignorait pas que l'intervention de septembre 1988 à Dijon avait été rendue nécessaire par les problèmes consécutifs aux reprises chirurgicales pratiquées à l'hôpital Henry Gabrielle de Lyon, une telle circonstance ne suffit pas à démontrer qu'il aurait eu connaissance dès 1988 de l'origine exacte de sa créance alors qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'il n'a été informé qu'en 2005 au plus tôt de ce que cette intervention avait été rendue nécessaire par l'oubli, lors d'une précédente opération, en mai 1988, à l'hôpital Henry Gabrielle, de compresses dans son abdomen ; que, par suite, et contrairement à ce que soutiennent les HOSPICES CIVILS DE LYON, la créance de M. A, dont il n'a eu connaissance qu'en 2005, et dont le délai de prescription n'a commencé à courir qu'à compter du 1er janvier 2006, n'était pas prescrite au sens de la loi du 31 décembre 1968 lorsque la réclamation a été déposée et seule la prescription décennale est opposable en vertu de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les HOSPICES CIVILS DE LYON ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal a écarté leur fin de non recevoir et jugé que la créance de M. A n'était pas prescrite ;
Sur les conclusions incidentes des consorts A et de la caisse :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
Considérant que, pas plus qu'en première instance, les requérants ne justifient de ce que M. A aurait subi un préjudice d'ordre économique ; que leur demande sur ce point ne peut qu'être rejetée ;
En ce qui concerne le préjudice personnel :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'incapacité temporaire totale de M. A a été évaluée par l'expert à quatre mois, l'intéressé ayant souffert d'une incapacité permanente partielle en lien avec la faute commise par les HOSPICES CIVILS DE LYON fixée à 15 % ; qu'eu égard notamment à une vie sociale et relationnelle et des activités courantes de loisir rendues plus difficiles par l'accident dont il a été victime, à des souffrances endurées évaluées à 4 sur une échelle de 7 et à un préjudice esthétique coté à 2 sur une échelle de 7, il ne résulte pas l'instruction que le Tribunal aurait fait une insuffisante appréciation du préjudice personnel de M. A en lui allouant à ce titre une somme de 26 500 euros, dont 20 000 euros pour son préjudice d'agrément et les troubles dans les conditions d'existence, 5 000 euros pour les souffrances endurées et 1 500 euros pour son préjudice esthétique ;
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire :
Considérant qu'il y a lieu, conformément à l'article 1er de l'arrêté susvisé du 1er décembre 2009 de porter à 966 euros le montant de l'indemnité forfaitaire allouée à la caisse primaire d'assurance maladie du Jura ;
En ce qui concerne les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie a droit, comme elle le demande, aux intérêts au taux légal de la somme de 10 874,93 euros à compter du 13 octobre 2006, date d'enregistrement de sa demande devant le Tribunal ; qu'elle a demandé, par un mémoire enregistré le 18 janvier 2010, la capitalisation des intérêts ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date sous réserve que la somme due en application du jugement attaqué n'ait pas été versée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts A ne sont pas fondés à demander la majoration de l'indemnité allouée par le Tribunal ; qu'en revanche, la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône est fondée à demander la majoration de l'indemnité forfaitaire ainsi que les intérêts et les intérêts des intérêts de l'indemnité allouée à la caisse primaire d'assurance maladie du Jura par le Tribunal ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'il n'y a pas lieu en l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par les consorts A et la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : L'indemnité forfaitaire d'un montant de 926 euros que les HOSPICES CIVILS DE LYON ont été condamnés à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Jura par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 13 décembre 2007 est portée à 966 euros.
Article 2 : La somme de 10 874,93 euros que le Tribunal a, par l'article 2 du jugement du 13 décembre 2007, condamné les HOSPICES CIVILS DE LYON à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Jura portera intérêts à compter du 13 octobre 2006. Les intérêts échus le 18 janvier 2010 seront capitalisés à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts, sous réserve que la somme due en application du jugement attaqué n'ait pas été versée.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 13 décembre 2007 est modifié en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux HOSPICES CIVILS DE LYON, à Mme Sylvie A, à M. Samuel A et à la caisse primaire d'assurance maladie du Jura.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
M. Fontbonne et Mme Verley-Cheynel, présidents-assesseurs,
MM. Picard et Stillmunkes, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 24 juin 2010.
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N° 08LY00377