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22/06/2010 | FRANCE | N°09LY02319

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 22 juin 2010, 09LY02319


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er octobre 2009, présentée pour M. Chriss A, ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900088 du 23 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 28 octobre 2008 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination, et a refusé de l'assigner à résidence avec droit au travail ;

2°) d'annuler lesdites d

écisions ;

3°) de faire injonction au préfet du Rhône :

- à titre principal, concern...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er octobre 2009, présentée pour M. Chriss A, ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900088 du 23 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 28 octobre 2008 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination, et a refusé de l'assigner à résidence avec droit au travail ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de faire injonction au préfet du Rhône :

- à titre principal, concernant le refus de séjour, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention vie privée et familiale dans le mois suivant l'arrêt ;

- en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois qui suit l'arrêt jusqu'à la nouvelle instruction de sa demande ;

- en cas d'annulation de la décision fixant le pays de destination, de lui délivrer une assignation à résidence avec droit au travail dans le délai d'un mois qui suit l'arrêt ;

- à titre subsidiaire, en cas d'annulation de la décision rejetant sa demande d'assignation à résidence, de lui délivrer une assignation à résidence avec droit au travail dans le mois qui suit l'arrêt, conformément aux dispositions de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

M. A soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant des conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire sera annulée par exception d'illégalité du refus de titre, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant des conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination sera annulée par exception d'illégalité du refus de titre et de la décision portant obligation de quitter le territoire, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- concernant la décision refusant de lui délivrer une assignation à résidence, le préfet a commis une erreur de droit en ne répondant pas expressément à sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce refus est insuffisamment motivé et il remplissait les conditions prévues par ledit article L. 513-4 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2010, présenté pour le préfet du Rhône, par Me Tomasi, qui conclut au rejet de la requête et demande de condamner M. A à lui verser une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne purement et simplement à reprendre ses conclusions de première instance ;

- à titre subsidiaire, le refus de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ; en l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour, le requérant ne peut exciper de l'illégalité de cette décision pour contester la légalité de l'obligation de quitter le territoire ; cette dernière décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ; en l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire, le requérant ne peut exciper de l'illégalité de ces décisions pour contester la légalité de la décision fixant le pays de destination ; cette dernière décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il n'a pas, comme le Tribunal, commis d'erreur de droit, la décision fixant le pays de destination devant être regardée comme révélant une décision de refus d'assigner à résidence ; la décision refusant de l'assigner à résidence n'est pas insuffisamment motivée et n'est pas mal fondée ;

Vu enregistré le 8 avril 2010, le mémoire présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu la décision du 1er octobre 2009 accordant à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2010:

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- les observations de Me Vernet, représentant M. A ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Vernet.

Considérant que M. A, ressortissant de la République démocratique du Congo né en 1974, est entré irrégulièrement en France à la date déclarée du 30 août 2004 à l'âge de 30 ans ; qu'il a déposé une demande tendant au bénéfice de l'asile qui a été rejetée par une décision de l' Office de protection des réfugiés et apatrides du 15 novembre 2004, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 4 mai 2005 ; qu'il a sollicité, le 25 juin 2005, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et, à titre subsidiaire, une assignation à résidence avec droit au travail, et a renouvelé ces demandes le 8 juillet 2008 ; que M. A relève appel du jugement n° 0900088 du 23 avril 2009 du Tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande tendant à l'annulation des décisions du 28 octobre 2008 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, et de celle refusant de l'assigner à résidence avec droit au travail ;

Sur le refus de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que M. A, célibataire et sans enfant, fait valoir qu'il est bien intégré en France où il bénéficie d'une promesse d'embauche et où réside sa soeur, installée à Troyes, titulaire d'une carte de résident ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a toujours vécu jusqu'à son entrée récente en France et qu'il serait dans l'impossibilité de reconstituer le centre de sa vie privée et familiale en dehors de la France ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et des conditions et de la durée du séjour de M. A en France, la décision de refus de séjour attaquée ne peut être regardée comme ayant porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée, compte tenu des circonstances de l'espèce sus-décrites, d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

Considérant, en premier lieu, que, pour demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire, le requérant ne saurait, pour les motifs précédemment indiqués, exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

Considérant, en second lieu, que, compte tenu des circonstances de l'espèce sus-décrites, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a pas ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale, en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que M. A soutient qu'il appartient à l'ethnie Kongo, qu'il a été enrôlé de force au début de l'année 1999 dans les milices Ninja opposées au gouvernement, qu'il a été tatoué et contraint de participer à des opérations militaires menées par la rébellion jusqu'à ce qu'il ait pu fuir ces milices à la fin de l'année 1999 ; qu'il craint d'être reconnu en raison des tatouages qu'il porte et qui l'identifient en tant que rebelle ; qu'il soutient être menacé par les autorités congolaises en raison de sa participation à ces actes de rébellion, ainsi que par les milices Ninja qu'il a quittées et qui le considèrent comme un traître ; que cependant, et compte tenu de l'évolution de la situation de la République du Congo entre 2005 et la date de la décision attaquée, les éléments produits par le requérant, notamment des coupures de presse et un rapport d'Amnesty International portant sur la situation du pays et les rapports entre le gouvernement et les anciennes milices Ninja et leurs dirigeants, ou la décision de la Commission de recours des réfugiés qui a rejeté en 2005 sa demande d'asile sur le fondement de l'article 1er F, b) de la convention de Genève et du b) de l'article L. 712-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il s'est rendu coupable de crimes graves de droit commun dans son pays lors des opérations militaires menées par les milices Ninja, ne suffisent à établir que le requérant était exposé, à la date de la décision attaquée, à des risques actuels et personnels, au sens de l'article 3 susmentionné de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur le refus d'assigner à résidence avec droit au travail :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-4 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français (...) et qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays peut, par dérogation aux dispositions du titre V du présent livre, être astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés ; ; que le bénéfice de l'assignation à résidence prévue par ces dispositions est subordonnée à la double condition que l'intéressé ne puisse pas regagner son pays d'origine et ne puisse pas être admis dans un autre pays ;

Considérant qu'en faisant état, dans la décision du 28 octobre 2008 portant refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire fixant le pays de destination, de ce que M. A pourra être reconduit d'office dans le pays dont il a la nationalité après avoir mentionné que l'intéressé n'établit pas que sa vie et sa liberté est menacée ou qu'il est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de l'exécution de la présente décision, et en indiquant que l'intéressé n'est pas fondé à invoquer les dispositions précitées de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier, le préfet du Rhône a entendu prendre aussi une décision rejetant la demande du requérant tendant au bénéfice de l'assignation à résidence, laquelle décision de refus doit être regardée, par l'indication de ces mentions, comme étant suffisamment motivée, en fait et en droit, au regard des prescriptions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que le requérant ne saurait dès lors soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit en ne statuant pas sur sa demande d'assignation à résidence ; qu'enfin, comme il a été dit précédemment, M. A n'établit pas qu'il ne pourrait pas se rendre dans son pays d'origine ; que, par suite, et alors même qu'il a sollicité son admission au séjour dans plusieurs pays notamment d'Europe et d'Afrique et qu'il s'est vu opposer un refus par les autorités diplomatiques ou consulaires de ces pays, le préfet a pu légalement refuser de faire droit à sa demande d'assignation à résidence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet, que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le préfet sur le fondement de ces dernières dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet du Rhône tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Chriss A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie sera adressée au Préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2010, où siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 22 juin 2010.

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N° 09LY02319

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02319
Date de la décision : 22/06/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : COUDERC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-22;09ly02319 ?
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