Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2008, présentée pour la COPROPRIETE DE L'IMMEUBLE CENTRE D'AUMARD représentée par son syndic Foncia Voltaire, dont le siège est 55 avenue Voltaire Ferney-Voltaire (01211), et autres ;
La COPROPRIETE DE L'IMMEUBLE CENTRE D'AUMARD et autres demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0301261 du 18 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Ferney-Voltaire soit condamnée à leur verser des indemnités en réparation des conséquences dommageables de l'inondation dont ils ont été victimes dans la nuit du 14 au 15 novembre 2002 ;
2°) de condamner la commune de Ferney-Voltaire à leur verser lesdites indemnités, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 12 août 2004, date de dépot du rapport d'expertise, les intérêts étant eux mêmes capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Ferney-Voltaire une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que la commune n'a pas démontré l'entretien normal de la grille qu'elle a installée à l'entrée de la canalisation dès lors qu'il est acquis que c'est l'accumulation d'obstacles provenant du lit du ruisseau qui a participé au débordement et qu'elle n'a pu procéder à leur enlèvement ; que c'est à tort que le Tribunal a considéré que la canalisation ne constituait par un ouvrage public alors qu'elle a une utilité publique ; que la commune en a toujours assuré l'entretien et doit être regardée comme en étant le gardien ; que les copropriétaires sinistrés sont des tiers par rapport à cet ouvrage ; que subsidiairement, il appartenait au maire dans l'exercice de son pouvoir de police de prescrire les mesures de nature à éviter cette crue, notamment l'entretien des berges de la rivière ; que la transformation d'emplacements de parkings n'était ni inconnue de la commune ni interdite par elle ; que les pompes de relevage ont parfaitement fonctionné ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2009, présenté pour la commune de Ferney-Voltaire qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les moyens que la grille en elle-même est inopérante quant à la survenue du sinistre et qu'en tout état de cause elle l'a parfaitement et régulièrement entretenue ; qu'elle a également régulièrement entretenu le lit de la rivière ; que l'inondation tient exclusivement au défaut du diamètre de la canalisation qui ne constitue pas un ouvrage public ; qu'il n'est pas démontré que la canalisation avait été remise à la collectivité publique et que son utilité publique ne saurait pour autant lui donner le caractère d'ouvrage public dès lors qu'elle a été réalisée uniquement pour permettre la construction ; que la ville n'a jamais procédé à son entretien ; que dans la mise en oeuvre des pouvoirs de police d'entretien des cours d'eau, le maire agit au nom de l'Etat ; que la commune n'a pas été associée à la conception ou la réalisation de la canalisation souterraine ; que la destination des sous-sols a été profondément transformée par rapport à ce qui avait été prévu en violation des règles d'urbanisme ; que les pompes de relevage de la copropriété ont mal fonctionné empêchant l'évacuation des eaux ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 septembre 2009, présenté pour la COPROPRIETE DE L'IMMEUBLE CENTRE D'AUMARD et autres qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens et par les motifs en outre que le sinistre n'est pas imputable à un sous-dimensionnement de la canalisation ; que la commune étant intervenue sur la canalisation en posant une grille et étant propriétaire du sol situé au-dessus de la canalisation, celle-ci constitue un ouvrage public ; que la commune est propriétaire de la rivière en amont et a à ce titre une obligation d'entretien ; qu'en application de l'article L. 2212-2 5° du CGCT la commune aurait dû mettre en oeuvre des dispositions adéquates pour prévenir le sinistre et faire réaliser un bassin de rétention en amont ; que les aménagements réalisés dans les sous-sols sont sans lien avec la survenue de l'inondation ; que les pompes n'ont que pour objet de relever les eaux de ruissellement des rampes de garage et des eaux de lavage en sous-sol et ne sont pas dimensionnées pour évacuer le débit d'un ruisseau en crue ;
Vu le mémoire enregistré le 29 mars 2010, par lequel la commune de Ferney-Voltaire conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2010 :
- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;
- les observations de Me Rochefort, avocat de la COPROPRIETE DE L'IMMEUBLE CENTRE D'AUMARD et de Me Mercier-Durand, avocat de la commune de Ferney-Voltaire ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes.
Considérant que de fortes précipitations ont affecté la région de Ferney-Voltaire le jour précédant le débordement du ruisseau l'Ouye, survenu dans la nuit du 14 au 15 novembre 2002, à la suite duquel les sous-sols de l'immeuble Centre d'Aumard ont été inondés ; que la COPROPRIETE DE L'IMMEUBLE CENTRE D'AUMARD représentée par son syndic et quatorze occupants de l'immeuble ont recherché la responsabilité de la commune et font appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes indemnitaires ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, pour les besoins de la construction en 1978 de l'immeuble Centre d'Aumard, le promoteur a de sa propre initiative fait canaliser le ruisseau l'Ouye, cours d'eau non domanial, sur toute sa longueur qui traverse la parcelle d'assiette, au moyen d'une buse enterrée ; que cet ouvrage, dont il n'est pas établi qu'il aurait été transféré à la commune postérieurement aux travaux de construction, ni que cette dernière participerait à son entretien et pas plus qu'il aurait été incorporé au réseau communal d'évacuation des eaux pluviales, ne saurait dans ces conditions engager par sa présence ou son fonctionnement la responsabilité de la commune ; que, par suite, si l'expert qui a été désigné en référé par le président du Tribunal administratif de Lyon a mentionné que la canalisation de diamètre 1 200 était d'une capacité insuffisante pour permettre l'évacuation tant d'une crue de fréquence décennale que de la crue du 14 novembre 2002 dont le débit devait être à peine inférieur, cette insuffisance n'engage pas la responsabilité de la commune ;
Considérant, en deuxième lieu, que le ruisseau l'Ouye n'est pas aménagé pour recevoir les eaux pluviales dans sa traversée de la commune de Ferney-Voltaire et n'est pas incorporé au réseau d'assainissement communal ; que si l'expert a également relevé que l'urbanisation progressive du bassin versant de l'Ouye a entrainé une augmentation des débits de ruissellement et l'accroissement du débit du ruisseau, ce phénomène, qui n'était d'ailleurs pas imprévisible lorsque la canalisation a été construite, ne constitue pas par lui-même une opération de travaux publics dont la commune de Ferney-Voltaire devrait supporter les conséquences dommageables pour les tiers ;
Considérant, en troisième lieu, que les requérants soutiennent que le débordement de la rivière a été provoqué par l'encombrement de la grille établie à l'entrée de la conduite précitée, qui aurait empêché l'écoulement normal des eaux ; qu'il résulte de l'instruction que cette double grille a été mise en place par la commune en 1982 et 1983, à l'extrémité du ruisseau qui s'écoule en plein air sur le domaine communal, afin d'assurer la sécurité des personnes et des animaux ; que s'il résulte de l'instruction que l'encombrement de cet ouvrage, à l'égard duquel les requérants ont, eu égard à son objet et ses conditions d'utilisation, la qualité d'usagers, est susceptible d'accélérer le débordement de la rivière à cet endroit, le rapport d'expertise relève que les services techniques de la ville de Ferney-Voltaire ont, pendant la crue du 14 novembre 2002, procédé au dégagement quasi permanent des débris végétaux de la grille litigieuse ; que, dès lors, la responsabilité de la commune de Ferney-Voltaire, qui doit être regardée dans ces circonstances comme apportant la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage public dont s'agit, ne saurait être engagée sur le terrain des dommages de travaux publics à l'égard de la COPROPRIETE DE L'IMMEUBLE CENTRE D'AUMARD et autres ;
Considérant, en dernier lieu, qu'en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires les y contraignant, les communes n'ont pas l'obligation d'assurer la protection des propriétés voisines des cours d'eau contre l'action naturelle des eaux ; que si les requérants font grief au maire de Ferney-Voltaire de ne pas avoir pris, dans le cadre des pouvoirs de police municipale dont il dispose en application du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, la mesure propre, selon eux, à prévenir la crue de l'Ouye par la réalisation, en amont de l'agglomération, d'un bassin de rétention préconisée par l'expert, aucune faute ne peut être retenue à la charge de la commune sur ce fondement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COPROPRIETE DE L'IMMEUBLE CENTRE D'AUMARD et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Ferney-Voltaire ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Ferney-Voltaire, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la COPROPRIETE DE L'IMMEUBLE CENTRE D'AUMARD et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant en revanche qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Ferney-Voltaire tendant à ce que soit mis à la charge de la COPROPRIETE DE L'IMMEUBLE CENTRE D'AUMARD et autres le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COPROPRIETE DE L'IMMEUBLE CENTRE D'AUMARD et autres est rejetée.
Article 2 : La COPROPRIETE DE L'IMMEUBLE CENTRE D'AUMARD et autres versera à la commune de Ferney-Voltaire, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COPROPRIETE DE L'IMMEUBLE CENTRE D'AUMARD, à M. Samuel D, à M. E, à la SOCIETE LA CLE D'IVOIRE représentée par son liquidateur, à M. F, à M. Denis B, à M. G, à M. C, à la SOCIETE CIP représentée par son liquidateur, à la SOCIETE ISP, à M. A, à la SOCIETE GRAND CAFE, à la SOCIETE CREPERIE D'AUMARD, à la SOCIETE CRAVATE D'OR, à la SOCIETE FONCIA VOLTAIRE et à la commune de Ferney-Voltaire.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Verley-Cheynel, président de la formation de jugement,
MM. Picard et Stillmunkes, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 10 juin 2010.
''
''
''
''
1
5
N° 08LY01256