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10/06/2010 | FRANCE | N°08LY00621

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 juin 2010, 08LY00621


Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2008, présentée pour M. Robert A, domicilié ..., et la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE RHONE-ALPES, dont le siège est 50 rue de St Cyr à Lyon (69251) ;

M. A et la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE RHONE-ALPES demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601827 du 22 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Creuzier-le-Neuf et la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier soient solidairement condamnées

à leur verser respectivement la somme de 17 824,71 euros et de 1 173,73 eu...

Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2008, présentée pour M. Robert A, domicilié ..., et la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE RHONE-ALPES, dont le siège est 50 rue de St Cyr à Lyon (69251) ;

M. A et la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE RHONE-ALPES demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601827 du 22 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Creuzier-le-Neuf et la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier soient solidairement condamnées à leur verser respectivement la somme de 17 824,71 euros et de 1 173,73 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'absence d'un réseau collectif d'assainissement et de la pollution d'un ruisseau traversant les propriétés de M. A ;

2°) de condamner la commune de Creuzier-le-Neuf et la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier à leur verser lesdites sommes ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Creuzier-le-Neuf et de la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;

Ils soutiennent que la commune de Creuzier-le-Neuf, qui était consciente de la pollution du ruisseau provoquée par l'absence de raccordement d'une partie des habitations au réseau d'assainissement collectif, aurait dû effectuer les travaux de raccordement dont l'étude de zonage réalisée en 1999 avait révélé la nécessité ; que, par ailleurs, le maire a commis une faute en s'abstenant de faire usage de ses pouvoirs de police de la salubrité qu'il détient en vertu de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; que la communauté d'agglomération, à qui il incombe de contrôler les installations d'assainissement, aurait dû inciter les habitants concernés à se raccorder au plus vite au réseau ; que le Tribunal n'a pas examiné l'ensemble des chefs de préjudices subis par M. A puisqu'il n'a pas statué sur sa demande concernant l'indemnisation des frais de protection et d'abreuvement des animaux qu'il a engagés, ni sur celle concernant les frais de recherche ; que M. A a subi un trouble de jouissance ; que, contrairement à ce qu'a conclu le tribunal administratif, il apporte suffisamment d'éléments pour déterminer l'existence d'un lien de causalité entre la pollution et l'accroissement des cas de hernies dans son troupeau ; que, par suite, le préjudice constitué par les pertes d'élevage, la perte de valeur des femelles ainsi que les frais d'intervention vétérinaires devra être indemnisé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2008, présenté pour la commune de Creuzier-le-Neuf qui conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que M. A et son assureur lui versent une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les moyens que si l'expertise a effectivement conclu à une pollution du cours d'eau en cause, elle exclut tout lien de causalité entre cette pollution et les pathologies des animaux ; que, les frais engagés par M. A pour la préservation de la santé de ses animaux n'ont aucun lien avec l'état de l'eau du ruisseau ; que les conclusions purement juridique de l'expert sont surabondantes et ne doivent pas être prises en compte ; que M. A a pris des mesures de précaution qui se sont avérées inutiles ; qu'il n'établit pas un lien de causalité entre la pollution du ruisseau et l'ensemble des préjudices dont il demande réparation ; que le tribunal administratif a pu à bon droit rejeter ses demandes d'indemnisation sans détailler le rejet de chacun des chefs de préjudice ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2008, présenté pour la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier qui conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que M. A et son assureur lui versent une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les moyens que si le ruisseau présentait effectivement une pollution par des rejets d'eaux usées domestiques provenant du village des Chambard, l'expertise a conclu que cette contamination bactériologique ne pouvait être tenue pour responsable des hernies ombilicales simples constatées sur les animaux de M. A ; que le service public d'assainissement non collectif n'est opérationnel que depuis le 1er janvier 2006 ; que, par conséquent, elle ne pouvait procéder au contrôle des habitations des Chambards avant cette date, les contrôles relevant alors du seul pouvoir de police du maire ; qu'en outre, l'article L. 1331-1 du code de la santé publique laisse un délai de 2 ans aux usagers pour se raccorder au réseau collectif ; qu'ainsi, elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité ; qu'à titre subsidiaire, il n'existe aucune relation de cause à effet entre la pollution et les hernies dont sont atteintes une partie des bêtes de M. A ; que, par ailleurs, en raison de cette absence de lien de causalité, l'intéressé ne saurait être indemnisé des frais engagés par lui pour empêcher ses animaux de boire dans le ruisseau non plus que de son trouble de jouissance, des pertes de production ou des frais de recherche engagés ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 décembre 2008, présenté pour M. A et la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE RHONE-ALPES qui concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et par les motifs, en outre, qu'ils ne demandent pas l'indemnisation des seuls préjudices consécutifs des hernies ombilicales constatées sur les animaux mais bien de différents chefs de préjudices comme ils l'ont fait devant le tribunal administratif ; qu'il ne s'agit pas d'une pollution classique mais de la présence d'eau souillée du fait du non raccordement d'un hameau communal au réseau d'assainissement ; que la pollution présentant des risques de pathologie infectieuse, M. A a dû prendre des mesures préventives pour éviter l'abreuvement de ses animaux par cette eau souillée ; que la disparition progressive du phénomène des hernies suite à la mise en place d'une clôture conservatoire tend à confirmer l'existence d'un lien de causalité entre pollution et hernie ; que l'expert ne s'est pas prononcé sur une question juridique en retenant que les frais engagés par M. A pour empêcher ses animaux de boire l'eau du ruisseau litigieux étaient justifiés ; que ce constat justifie également le remboursement des frais de recherche ainsi que l'indemnisation pour trouble de jouissance ; qu'en tout état de cause, la pollution d'une propriété privée du fait d'une responsabilité administrative entraine nécessairement un préjudice réparable ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 mai 2009, présenté pour M. A et la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE RHONE-ALPES qui concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et par les motifs, en outre, que le vétérinaire certifie par un document daté du 6 mars 2008 qu'aucun cas d'hernie ombilicale n'a été constaté au cours des campagnes 2006-2007 et 2007-2008, ce qui confirme le lien de causalité entre la pollution et les malformations ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 août 2009, présenté pour la commune de Creuzier-le-Neuf qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et par le motif, en outre, que c'est à bon droit que le Tribunal a rejeté la demande de réparation pour la perte d'arbres, le lien de causalité entre la pollution du ruisseau et la mort des arbres n'étant pas établi, l'eau contaminée étant au contraire plutôt bénéfique à la croissance végétale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2010 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;

- les observations de Me Poulet, avocat de la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes.

Considérant que M. A, qui exerce l'activité d'éleveur de bovins sur le territoire des communes de Creuzier-le-Neuf et Creuzier-le-Vieux, se plaint de la pollution du ruisseau traversant la pâture qu'il exploite sur plusieurs parcelles dont il est propriétaire ; que l'intéressé et son assureur ont recherché la responsabilité solidaire de la commune de Creuzier-le-Neuf et de la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui, par un jugement du 22 janvier 2008, a rejeté leur demande ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la pollution par des germes pathogènes des eaux traversant la propriété est imputable au déversement, dans le ruisseau en cause, d'eaux usées en provenance du hameau des Chambards situé, sur la commune de Creuzier-le-Neuf, en amont des parcelles exploitées par M. A ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maire de Creuzier-le-Neuf a été alerté, dès 1999, de cette pollution ; que, toutefois, en se bornant à prévenir la communauté d'agglomération de cet état de fait et à l'inciter à effectuer les travaux nécessaires pour y remédier, sans faire usage des pouvoirs de police de la salubrité qu'il détient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, pour notamment interdire les rejets ou mettre en place un approvisionnement en eau alternatif, le maire de la commune de Creuzier-le-Neuf a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; que, de son côté, la communauté de commune Vichy Val d'Allier, devenue compétente en matière d'assainissement à la suite du transfert intervenu à compter du 6 février 2002, en mettant plusieurs années avant de réaliser le réseau d'assainissement de nature à remédier aux déversements polluants a également commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, par suite, les requérants sont fondés à rechercher la responsabilité solidaire de la commune de Creuzier-le-Neuf et la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier à réparer leurs préjudices en lien avec cette pollution ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que si M. A soutient que ses bovins sont touchés par des hernies ombilicales du fait de l'absorption de l'eau polluée par les femelles gestantes, il ne résulte pas de l'instruction que l'affection dont sont victimes une partie des veaux nouveau-nés ait pour origine la contamination bactérienne de l'eau ; que, par conséquent, les préjudices constitués par les frais vétérinaires, les pertes d'élevage ainsi que la perte de valeur de certaines femelles ne sont pas directement imputables à la pollution ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que si la qualité des eaux analysées permettait l'abreuvement du bétail, elle présentait toutefois un risque potentiel de contamination grave compte tenu de la présence de bactéries fécales ; que les mesures préventives prises par M. A pour mettre son bétail à l'abri d'un tel risque de contamination, approuvées par l'expert, notamment par l'installation d'une clôture et d'un abreuvoir pour un montant de 4 160,75 euros, sont de nature à lui ouvrir droit à réparation ; qu'il en va de même des frais qu'il a dû exposer pour faire analyser les eaux pour des sommes de 93,31 euros en ce qui le concerne et de 1 173,73 euros en ce qui concerne son assureur ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de jouissance subis par M. A du fait de cette situation avant le raccordement effectif en 2006 des effluents en cause au réseau d'assainissement, en évaluant ce préjudice à 1 000 euros ; que, par suite, les préjudices dont M. A et la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE RHONE-ALPES sont fondés à demander réparation s'établissent respectivement aux sommes de 5 254,06 euros et de 1 173,73 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A et la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE RHONE-ALPES, sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes indemnitaires ;

Sur les frais d'expertise exposés en première instance :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre ces frais à la charge solidaire de la commune de Creuzier-le-Neuf et de la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A et la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE RHONE-ALPES, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnés à payer à la commune de Creuzier-le-Neuf et à la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions susvisées, de mettre solidairement à la charge de la commune de Creuzier-le-Neuf et de la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier le paiement à M. A et à la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE RHONE-ALPES de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par eux tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 janvier 2008 est annulé.

Article 2 : La commune de Creuzier-le-Neuf et la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier sont solidairement condamnées à verser une somme de 5 254,06 euros à M. A et une somme de 1 173,73 euros à la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE RHONE-ALPES.

Article 3 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge de la commune de Creuzier-le-Neuf et la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier.

Article 4: La commune de Creuzier-le-Neuf et la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier verseront à M. A et à la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE RHONE-ALPES une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Creuzier-le-Neuf et la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier et le surplus des conclusions de la requête de M. A et de la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE RHONE-ALPES sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Robert A, à la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE RHONE-ALPES, à la commune de Creuzier-le-Neuf et à la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Verley-Cheynel, président de la formation de jugement,

MM. Picard et Stillmunkes, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 10 juin 2010.

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N° 08LY00621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00621
Date de la décision : 10/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : SCP BOEUF - DIDIER - PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-10;08ly00621 ?
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