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08/06/2010 | FRANCE | N°10LY00429

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 08 juin 2010, 10LY00429


Vu le recours, enregistré le 1er avril 2008 au greffe de la Cour, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :

1°) A titre principal :

- d'annuler l'article 1er du jugement n° 060591 du 4 décembre 2007 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a déchargé M. et Mme Georges A des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des suppléments de contributions sociales et des pénalités y afférentes auxquelles ils

restaient assujettis au titre des années 1998, 1999 et 2000 ;

- de rétablir M...

Vu le recours, enregistré le 1er avril 2008 au greffe de la Cour, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :

1°) A titre principal :

- d'annuler l'article 1er du jugement n° 060591 du 4 décembre 2007 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a déchargé M. et Mme Georges A des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des suppléments de contributions sociales et des pénalités y afférentes auxquelles ils restaient assujettis au titre des années 1998, 1999 et 2000 ;

- de rétablir M. et Mme Georges A aux rôles de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales pour les années 1998, 1999 et 2000 à raison des droits et pénalités dont la décharge a été prononcée à tort par le jugement attaqué ;

2°) à titre subsidiaire, si la Cour considérait que les contribuables n'ont pas été insuffisamment informés de la teneur des renseignements recueillis par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication :

- de remettre à la charge des intéressés les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998, 1999 et 2000, à hauteur des montants en base de 64 158 euros pour 1998, 43 201 euros pour la période du 1er janvier au 11 septembre 1999, 71 621 euros pour la période du 12 septembre au 31 décembre 1999, et 72 291 euros au titre de l'année 2000 ;

- de réformer en ce sens le jugement déféré ;

3°) à titre très subsidiaire si la Cour considérait que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses n'étaient pas fondées, de remettre à la charge de M. et Mme Georges A les pénalités de 40 % pour mauvaise foi auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1999 et 2000 ;

4°) de réformer le jugement en ce sens ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le Tribunal ne pouvait statuer par un même jugement sur des impositions ne concernant pas un même foyer fiscal ;

- le jugement est également irrégulier en ce que les premiers juges ont soulevé d'office le moyen tiré de ce que les contribuables auraient dû être informés par l'administration de la teneur des renseignements qu'elle a recueillis dans le cadre de l'exercice de son droit de communication ;

- c'est à tort que le Tribunal, pour décharger les impositions litigieuses, a jugé que l'administration s'était bornée à mentionner le seul exercice de son droit de communication sans préciser la teneur des renseignements qu'elle avait pu recueillir alors que les notifications de redressements des 3 décembre 2001 et 30 avril 2002 contiennent une telle information et que les contribuables ont été ainsi mis à même de pouvoir en demander communication ;

- c'est aussi à tort que le Tribunal a considéré que ce vice de procédure était de nature à vicier l'ensemble des procédures de redressement dès lors que l'exercice du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire a seulement permis d'effectuer une partie des redressements clairement identifiés ; les autres redressements ne sont pas fondés sur les informations obtenus dans le cadre de l'exercice de ce droit mais trouvent leur origine sur les constatation sur place ; l'irrégularité de procédure ne pouvait conduire qu'à une réduction des bases d'imposition ; les bases d'imposition doivent être rétablies ainsi à hauteur de 420 850 francs, 283 380 francs, 469 800 francs et 474 200 francs au titre respectivement de l'année 1998, de la période du 1er janvier au 11 septembre 1999, de celle du 12 septembre au 31 décembre 1999 et de l'année 2000 ;

- les requérants n'ont pas été privés d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

- les requérants n'ont fourni aucun élément de nature à démontrer l'exagération des impositions, tant pour les redressements notifiés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, que pour ceux notifiés dans la catégorie des revenus définis à l'article 62 du code général des impôts, qu'en ce qui concerne les revenus taxés d'office en tant que revenus d'origine indéterminée ;

- en ce qui concerne l'appréhension de recettes de la société Sotrec, l'importance des sommes prélevées et le caractère répété de ces agissements sont des éléments constitutifs de mauvaise foi et justifient l'application des majorations de 40% prévues à l'article 1729 du code général des impôts ;

- les pénalités pour manoeuvres frauduleuses infligées en ce qui concerne l'appréhension des recettes de la société Euro CTH sont justifiées compte tenu de ce que, par ses agissements, le contribuable a manifesté sa volonté délibérée d'éluder l'impôt en restreignant et en égarant le pouvoir de contrôle de l'administration ; à titre subsidiaire, les pénalités pour mauvaise foi doivent être substituées aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses ;

- sont justifiées les majorations de 40 % prévues à l'article 1729 du code général des impôts concernant les avances et les soldes débiteurs des comptes courants de M. et Mme Georges A et du fils de cette dernière qui n'ont fait l'objet d'aucune imposition et ont servi à financer leur train de vie ;

- en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée, la mauvaise foi des contribuables est également établie compte tenu de l'importance des sommes qu'ils n'ont pas justifiées, du caractère répétitif de ces dissimulations, dont une partie provenait d'une société dont M. A était l'associé et le dirigeant, qui servaient à financer son train de vie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2008, présenté pour M. et Mme A, qui concluent au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 18 941 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité au motif qu'il aurait statué sur des demandes provenant de deux contribuables différents dès lors que M. A était le seul membre de son foyer fiscal au titre de l'année 1998 et de la première partie de l'année 1999, qu'il était membre d'un foyer fiscal constitué avec son conjoint au titre de la seconde partie de l'année 1999 et de l'année 2000 et qu'il n'existe aucun membre tiers entre ces deux foyers ;

- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité au motif que les premiers juges auraient soulevé d'office un moyen qu'ils n'auraient pas invoqué ;

- ils ont été privés d'un débat oral et contradictoire sur les pièces comptables saisies et détenues par l'autorité judiciaire obtenues par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication ; cette absence de débat constitue une erreur substantielle ayant eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense au regard de l'alinéa 2 de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- tous les redressements trouvent leur source dans l'ensemble des pièces comptables de la société Sotrec et de la société Euro CTH détenues par l'autorité judiciaire avant le début des opérations de vérification de comptabilité et pour lesquelles l'administration a exercé son droit de communication ;

- s'agissant des revenus d'origine indéterminée, la détention des pièces comptables par l'autorité judiciaire ne leur a pas permis de vérifier les sommes en cause ;

- concernant le bien-fondé des impositions, l'administration ne pouvait rejeter, compte tenu des pièces saisies par l'autorité judiciaire, les justificatifs relatifs au paiement de dettes des sociétés Sotrec et Euro CTH qu'ils ont joints à leurs réclamations, et dont ils produisent une copie à la Cour, au motif que la preuve du paiement par leurs soins ne pouvait être établie que par la production simultanée de la facture du fournisseur, de la copie du chèque de paiement et de l'affectation de ce paiement ;

- concernant les pénalités, leur bonne foi ne peut être mise en cause compte tenu de ce qu'ils ont justifié un grand nombre de crédits bancaires qualifiés de revenus d'origine indéterminée ainsi que le paiement des dettes des sociétés Sotrec et Euro CTH, que l'encaissement des recettes de ces deux sociétés a été nécessité par leur interdiction bancaire ; il ne peut leur être reproché d'avoir procédé à des manoeuvres frauduleuses dans la mesure où ils ne se sont pas enrichis personnellement ; le contexte de leur dossier ne leur a pas permis de se défendre utilement ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er décembre 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, sauf à ce qu'à titre subsidiaire, si la Cour considérait que les contribuables n'ont pas été insuffisamment informés de la teneur des renseignements recueillis par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, de remettre désormais à la charge des intéressés les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des pénalités y afférentes, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998, 1999 et 2000, à raison de redressements en base de 55 773 euros pour 1998, 35 786 euros pour la période du 1er janvier au 11 septembre 1999, 63 615 euros pour la période du 12 septembre au 31 décembre 1999, et 48 295 euros au titre de l'année 2000 ;

Il soutient en outre que :

- le tribunal a irrégulièrement statué par une décision unique sur les impôts dus par deux foyers fiscaux ;

- le Tribunal ne pouvait soulever d'office le moyen qui n'est pas d'ordre public tiré de ce que les contribuables n'auraient pas été informés de la teneur des renseignements recueillis par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication ;

- les renseignements recueillis par l'administration dans le cadre de l'exercice régulier de son droit de communication sont expressément indiqués dans les notifications de redressements permettant aux contribuables d'en contester utilement le contenu et la portée ;

- le moyen tiré de ce vice de procédure ne pouvait concerner que les redressements établis à partir des renseignements obtenus dans le cadre de l'exercice de ce droit de communication et n'était de nature à entraîner que la réduction des bases d'imposition ; les bases d'imposition doivent être ainsi rétablies à hauteur de 55 773 euros, 35 786 euros, 63 615 euros et 48 295 euros au titre respectivement de l'année 1998, de la période du 1er janvier au 11 septembre 1999, de celle du 12 septembre au 31 décembre 1999 et de l'année 2000 ;

- les requérants ne peuvent utilement prétendre avoir été privés d'un débat contradictoire au seul motif qu'ils n'auraient pas été mis à même de consulter les pièces comptables que l'administration a examiné auprès des autorités judiciaires à la suite de l'exercice de son droit de communication dès lors qu'elle n'est pas tenue d'en faire part, avant la fin de la vérification, au contribuable en vue de lui permettre d'en discuter les éléments ni tenue de l'informer de la possibilité de demander au juge judiciaire l'accès aux documents saisis ; ils n'établissent pas en outre avoir demandé communication de ces documents ;

- le caractère contradictoire de la procédure d'examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle a été respecté par l'administration ;

- les pièces produites devant la Cour sont les mêmes que celles présentées au stade de la réclamation et ne sont pas de nature à justifier les sommes restant en litige ;

- l'administration apporte la preuve de la mauvaise foi et des agissements frauduleux de M. A ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 mars 2009, présenté pour M. et Mme A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Ils soutiennent en outre qu'il appartient à l'administration de justifier de la régularité de la mise en recouvrement des impositions par la production de l'extrait de l'homologation du rôle et la preuve de la publication de la délégation ; qu'ils ont été privés d'un débat contradictoire, dans le cadre de la procédure d'examen contradictoire de l'ensemble de leur situation fiscale personnelle, concernant les pièces, de nature comptable, saisies par les autorités judiciaires qui ne leur ont pas été communiquées et qui ont servi de fondement aux redressements litigieux ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 septembre 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre qu'il justifie de la régularité de la mise en recouvrement des impositions ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 novembre 2009, présenté pour M. et Mme A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Ils soutiennent en outre que le ministre n'a pas produit la délégation publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du Cantal justifiant de la compétence du directeur divisionnaire qui a procédé à l'homologation des rôles ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 novembre 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Il soutient en outre qu'il justifie, par la production de l'arrêté de délégation et sa publication au recueil des actes administratifs de la préfecture, de la compétence du directeur divisionnaire pour homologuer les rôles ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 décembre 2009, présenté pour M. et Mme A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens sauf à ce que l'Etat soit désormais condamné à verser à M. et Mme A une somme de 21 930 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance du 17 mars 2010 prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative fixant la clôture de l'instruction au 2 avril 2010 à 16 h 30 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2010 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

Considérant que M. Georges A, qui a notamment fait l'objet d'un examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle au titre de l'année 1998 et de la période du 1er janvier au 11 septembre 1999, date de son mariage avec Mme Annie B, a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 1998 et 1999 ; qu'il a ainsi fait l'objet d'une imposition distincte de celle de Mme B pour ces périodes ; que, par ailleurs, à la suite notamment d'un examen contradictoire de l'ensemble de leur situation fiscale personnelle pour la période du 12 septembre au 31 décembre 1999 et l'année 2000 au cours desquelles ils étaient soumis à une imposition commune à la suite de leur mariage, M. A et son épouse ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 1999 et 2000 ; que M. et Mme A ont demandé la décharge de l'ensemble de ces impositions et des pénalités y afférentes ; que, par le jugement n° 060591 du 4 décembre 2007, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, dans l'article 1er, prononcé la décharge demandée et, dans l'article 2, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme A tendant au sursis de paiement ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande l'annulation de l'article 1er de ce jugement déchargeant M. et Mme A de ces impositions et pénalités ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : 1 Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérées comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis. / Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention Monsieur ou Madame ... ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Georges A a épousé Mme Annie B le 11 septembre 1999 ; que, dès lors, la demande présentée devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand par M. et Mme Georges A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que les pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujetti au titre des années 1998, 1999 et 2000, concernaient deux foyers distincts au regard des dispositions de l'article 6 du code général des impôts ; que, par suite, eu égard à la nature de l'impôt sur le revenu, le tribunal administratif ne pouvait pas statuer par un seul jugement sur les cotisations supplémentaires auxquelles M. et Mme Georges A ont été assujettis au titre des années 1999 et 2000 et sur celles auxquelles M. Georges A a été seul assujetti au titre des années 1998 et 1999 ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à la régularité du jugement, le ministre est fondé à soutenir que l'article 1er du jugement attaqué a été rendu en méconnaissance de cette règle d'ordre public et qu'il doit être annulé en tant qu'il statue sur l'imposition établie au seul nom de M. et Mme Georges A au titre des années 1999 et 2000 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de M. et Mme Georges A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des suppléments de contributions sociales et des pénalités y afférentes auxquelles les époux A ont été assujettis au titre des années 1999 et 2000 enregistrées sous le n° 10LY00429, les conclusions de la requête de M. Georges A afférentes aux impositions établies à son seul nom au titre des années 1998 et 1999 restant enregistrées sous le n° 08LY00747 pour qu'il y soit statué par un arrêt distinct ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu... ; qu'aux termes de l'article L. 47 : Un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ; que ces dispositions ne font pas obligation à l'administration, lorsqu'elle exerce son droit de communication auprès des tiers, en consultant au cours de l'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle d'un contribuable des documents qui ont été saisis par l'autorité judiciaire, et alors même qu'elle entend utiliser pour les besoins de cet examen les documents obtenus par l'exercice du droit de communication et qu'il s'agirait de pièces comptables relatives à des sociétés qui ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité, d'en faire part, avant la clôture de la vérification, au contribuable intéressé en vue de lui permettre d'en discuter les éléments ; que, par suite, les moyens tirés de ce que, faute d'un tel débat contradictoire sur les pièces comptables relatives aux sociétés Euro CTH et Sarl Sotrec consultées par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès des autorités judiciaires, la procédure suivie à l'égard de M. et Mme A aurait été irrégulière au regard des articles L. 12 et L. 47 du livre des procédures fiscales et aurait constitué ainsi une irrégularité substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, doivent être écartés ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1658 du code général des impôts : Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet. Pour l'application du premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs au directeur des services fiscaux et aux collaborateurs de celui-ci ayant au moins le grade de directeur divisionnaire. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture. ; que les arrêtés pris en application de ces dispositions qui autorisent les préfets à déléguer aux directeurs des services fiscaux et à leurs collaborateurs ayant au moins le grade de directeur divisionnaire leur pouvoir d'homologation des rôles établis par ces chefs de service, n'ont pas à désigner nominativement les fonctionnaires recevant cette délégation de pouvoir ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les impositions litigieuses ont été mises en recouvrement par voie de rôles homologués par M. Jean-Pierre C, directeur divisionnaire, les 16 octobre et 23 décembre 2003, agissant en vertu d'un arrêté n° 99-1607 pris par le préfet du Cantal le 5 août 1999, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 30 septembre 1999, donnant délégation de pouvoir au directeur des services fiscaux du Cantal et à ses collaborateurs ayant au moins le grade de directeur divisionnaire pour signer ce type de décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions portant homologation des rôles n'ont pas été régulièrement prises par une autorité compétente doit être écarté comme manquant en fait ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 62 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues à l'article 3-IV du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié ou dans celles prévues à l'article 239 bis AA... Le montant imposable des rémunérations visées au premier alinéa est déterminé, après déduction des cotisations et primes mentionnées à l'article 154 bis, selon les règles prévues en matière de traitements et salaires. ; qu'aux termes de l'article 109-1 du code général des impôts : Sont considérés comme revenus distribués : ...2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) et qu'aux termes de l'article 111 du même code : Sont notamment considérés comme revenus distribués : a) Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes ; (...) c) Les rémunérations et avantages occultes (...) ;

Considérant, que, concernant la période du 12 septembre au 31 décembre 1999, l'administration a constaté à partir des comptes de la société Euro CTH, dont il était associé majoritaire ainsi que gérant, qui avaient enregistré ses rémunérations de gérant, et des crédits du compte bancaire du contribuable corroborant ces écritures comptables, que M. A n'avait pas déclaré l'ensemble de ses rémunérations de gérant ; qu'elle a ainsi regardé ces sommes comme étant des rémunérations qui lui ont été allouées en qualité de gérant majoritaire imposables dans la catégorie des traitements et salaires en vertu des dispositions de l'article 62 du code général des impôts précité ; que, concernant cette même période et l'année 2000, elle a aussi constaté, à partir des écritures de son compte courant d'associé et d'un compte d'attente, corroborées par la copie de chèques de cette société qui ont été encaissés sur son compte bancaire, que la Sarl Euro CTH lui avait consenti des avances en compte courant qui ont été regardées comme étant des avances mises à sa disposition en qualité d'associé imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du a. de l'article 111 du code général des impôts ; qu'elle a aussi relevé, pour ce qui concerne l'année 2000, que les comptes courants d'associés que détenaient Mme A et son fils David au sein de la société Euro CTH, tous deux membres du même foyer fiscal composé avec M. A, avaient tous deux un solde débiteur qui ont été aussi regardés par l'administration comme des avances mises à leur disposition en leur qualité d'associé constituant des revenus distribués au sens du a. dudit article 111 ; qu'enfin, les éléments recueillis à la suite de la vérification de la société Euro CTH et des documents saisis par les autorités judiciaires, corroborés par la copie des chèques portés au crédit de leur compte bancaire et la copie des factures de cette société, ont conduit l'administration à constater que M. A avait aussi appréhendé, pendant les périodes d'imposition en litige, des recettes de la société Euro CTH sur leurs comptes bancaires qui ont été regardées comme des sommes non prélevées sur les bénéfices de la société et mises à sa disposition en qualité d'associé, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2° du 1. de l'article 109 dudit code ;

Considérant que, pour contester ces redressements, M. et Mme A soutiennent que les sommes ainsi perçues ne pouvaient constituer des revenus mais correspondaient à des paiements de dettes des sociétés Sotrec et Euro CTH qu'ils acquittaient personnellement en raison de l'interdiction bancaire frappant ces sociétés du fait de difficultés de trésorerie ; qu'ils produisent à l'appui de leurs allégations, les mêmes documents que ceux communiqués à l'administration portant notamment sur des copies de chèques qu'ils ont émis, des relevés bancaires et des listes de créanciers sociaux de ces sociétés qu'ils ont dressées ; que, toutefois, l'administration a retenu, parmi les documents ainsi produits, ceux pour lesquels elle a pu établir une corrélation entre la copie du chèque présentée, l'enregistrement sur le compte fournisseur et le compte courant des intéressés, et a réduit en conséquence le montant des redressements en matière de revenus de capitaux mobiliers ; que, pour les sommes restant en litige et pour lesquelles l'administration n'a pas été en mesure d'établir un lien avec les dettes des deux sociétés, les requérants ne produisent pas de justificatifs, telles des factures, correspondant aux dettes de ces deux sociétés qu'ils prétendent avoir acquittées ; que, pour justifier l'absence de production de tels documents, ils ne sauraient se prévaloir du fait que les autorités judiciaires avaient saisi des pièces comptables des sociétés alors qu'il n'est établi ni qu'ils ont contacté ces autorités judiciaires, ni qu'il ont été dans l'impossibilité d'en obtenir communication auprès de ces autorités, ni qu'ils ne pouvaient solliciter, notamment auprès des débiteurs en cause, les factures et justifications de ces dettes et paiements ; que, par suite, M. et Mme A, qui n'invoquent aucun moyen concernant le bien-fondé des redressements relatifs aux revenus d'origine indéterminée, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a regardé les sommes qu'ils ont ainsi perçues en leur qualité d'associé ou de gérant majoritaire, comme étant des revenus imposables ;

Sur les pénalités :

En ce qui concerne les pénalités pour manoeuvres frauduleuses :

Considérant, que l'administration a constaté, à la suite notamment de la vérification de la comptabilité de la société Euro CTH dont M. A était l'associé majoritaire ainsi que le gérant, son épouse et le fils de cette dernière étant aussi associés de cette société, de l'examen des documents saisis par les autorités judiciaires et des factures établies par les clients de cette société figurant dans leurs dossiers fiscaux, d'une part, que la société n'avait pas porté dans ses écritures des recettes commerciales correspondant à des factures qui avaient été soustraites de sa comptabilité, d'autre part, que M. A avait, de manière répétée, encaissé ces recettes sur ses comptes bancaires en y déposant les chèques des clients relatifs à ces factures qui avaient été émis à l'ordre de la société mais dont le requérant a modifié le nom du bénéficiaire en y apposant le sien ; que de tels agissements répétés, destinés à dissimuler toute trace de ces opérations et propres à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle, sont constitutifs de manoeuvres frauduleuses ; que, l'administration doit, dès lors, être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'existence de manoeuvres frauduleuses concernant l'appréhension par le contribuable des recettes de la société Euro CTH, et est donc fondée à infliger à M. et Mme A sur les droits résultant des sommes en cause, des pénalités de 80 % pour manoeuvres frauduleuses sur le fondement des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts alors applicables ;

En ce qui concerne les pénalités pour mauvaise foi :

Considérant, qu'en se prévalant, pour ce qui concerne les pénalités pour mauvaise foi infligées au titre de ces deux années à la suite des redressements concernant les avances sur compte courant de la société Euro CTH et les revenus d'origine indéterminée, de ce que les contribuables ont bénéficié de ces avances en compte courant en leur qualité de gérant et/ou d'associés, de ce qu'il ont prélevé ces sommes sans les déclarer comme étant des revenus imposables, de l'importance des crédits bancaires injustifiés et du caractère répété des dissimulations constatées, le ministre établit la volonté délibérée, de la part des contribuables, d'éluder l'impôt ; que l'administration doit, dès lors, être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'absence de bonne foi des requérants et est donc fondée à leur appliquer, sur les droits en cause, des pénalités de 40 % pour mauvaise foi sur le fondement des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts alors applicable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. et Mme Georges A ne sont pas fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales et pénalités y afférentes auxquelles ils restaient assujettis au titre des années 1999 et 2000 ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit tenu de payer à M. et Mme Georges A quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 060591 en date du 4 décembre 2007 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé en tant qu'il a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales et pénalités y afférentes auxquels les époux A ont été assujettis au titre des années 1999 et 2000.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. et Mme A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales et pénalités y afférentes auxquelles ils restaient assujettis au titre des années 1999 et 2000 sont rejetées.

Article 3 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales et pénalités y afférentes auxquelles les époux A restaientrestaientresty- assujettis au titre des années 1999 et 2000 sont remises intégralement à leur charge.

Article 4 : Les conclusions de M. et Mme A tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à M. et Mme Georges A.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

M. Pourny et M. Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 8 juin 2010.

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N° 10LY00429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00429
Date de la décision : 08/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : FIDAL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-08;10ly00429 ?
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