Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 22 juin 2007, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND ;
Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0400342, en date du 5 décembre 2006, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser, en réparation du décès de M. Michel A, d'une part, au titre de leurs préjudices propres, respectivement, une somme de 132 232,87 euros à sa veuve, Mme Chantal A, et une somme de 5 000 euros à chacun de ses deux enfants, Mme Valérie A et M. Christophe A, d'autre part, en leur qualité d'ayants-droit, une somme globale de 15 000 euros à Mmes Chantal et Valérie A et à M. Christophe A ;
2°) de rejeter la demande de Mmes Chantal et Valérie A et de M. Christophe A ;
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que le Tribunal a retenu l'existence d'une infection nosocomiale, alors que l'infection est endogène ; cette infection s'assimilerait en tout état de cause à un cas de force majeure ; elle n'est au surplus pas à l'origine du décès ;
- la chance de survie perdue ne peut être regardée comme sérieuse, et l'indemnisation ne pourrait en tout état de cause porter que sur la seule fraction de chance perdue ;
- les indemnités allouées sont excessives ;
- la perte d'une chance de survie n'est pas transmissible aux ayants-droit ;
- une information appropriée a été délivrée, aucune alternative thérapeutique n'existant au demeurant ;
- l'opération a été réalisée dans les règles de l'art ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er août 2007, présenté pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) ; il conclut à sa mise hors de cause ;
Il soutient qu'aucune demande n'est formulée à son encontre, et que les dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique issues de la loi du 4 mars 2002, ainsi que celles issues de la loi du 30 décembre 2002, ne sont effectivement pas applicables, rationae temporis ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2008, présenté pour Mmes Chantal et Valérie A et M. Christophe A ;
Ils concluent :
- au rejet de la requête ;
- à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- l'infection provoquée par le bacille pyocyanique multirésistant et par la pseudomonas aeruginosa doit être regardée comme nosocomiale ;
- l'infection est à l'origine du décès et rien n'indique que seule une chance de survie aurait été perdue ;
- seul le préjudice correspondant à la douleur subie a été demandé en tant qu'ayant droit, les autres préjudices étant leurs préjudices propres ;
Vu les pièces dont il résulte que le caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et la mutuelle nationale des hospitaliers, qui n'ont pas produit d'observations, ont été régulièrement mises en cause ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 avril 2010, présentée pour Mmes Chantal et Valérie A et M.Christophe A ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2010 :
- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller ;
- les observations de Me Demailly, avocat du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND et de Me Bonicel, avocat de Mmes Chantal et Valérie A et de M. Christophe A ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
- les nouvelles observations de Me Bonicel, avocat de Mmes Chantal et Valérie A et de M. Christophe A ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que M. A a fait l'objet d'une intervention chirurgicale au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND le 1er août 2001, pour retirer une tumeur cancéreuse du lobe pulmonaire supérieur droit ; qu'une déchirure de la veine pulmonaire a nécessité une pneumonectomie ; que les suites opératoires ont été marquées par de graves complications et plusieurs infections ; qu'il est décédé le 13 juin 2002 ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND à verser, en réparation du décès de M. Michel A, d'une part, au titre de leurs préjudices propres, respectivement, une somme de 132 232,87 euros à sa veuve, Mme Chantal A, et une somme de 5 000 euros à chacun de ses deux enfants, Mme Valérie A et M. Christophe A, d'autre part, en leur qualité d'ayants-droit, une somme globale de 15 000 euros à Mmes Chantal et Valérie A et à M. Christophe A ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par les premiers juges, que les infections dont M. A a été atteint ont été contractées lors de son hospitalisation et présentent un caractère nosocomial ; que, contrairement à ce que soutient le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND, il n'est pas établi que ces infections, notamment celle procédant d'un bacille pyocyanique multirésistant, trouveraient leur source dans des germes endogènes, ni qu'elles résulteraient d'un cas de force majeure ; que cette situation révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service, de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'expert relève que le décès de M. A, survenu après un choc septique, est la conséquence directe et certaine des infections susmentionnées ; qu'il constate toutefois que les lésions anatomiques sévères subies, ainsi qu'une défaillance multi-viscérale, ont très fortement contribué à l'affaiblissement du patient, et doivent être regardées comme étant également à l'origine de son décès, de telle sorte que les infections nosocomiales lui ont en réalité uniquement fait perdre une chance de survie ; que cette analyse rejoint celle développée par l'expert désigné par la CRCI d'Auvergne ; que, compte tenu des éléments fournis par ces deux experts, dont le second estime la chance perdue à 2/7, la chance de survie obérée par les infections nosocomiales doit être évaluée à 30 % ; que le préjudice résultant directement de la faute commise par le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu, la réparation qui incombe à cet hôpital devant dès lors être limitée à une fraction de ce dommage déterminée en fonction de l'ampleur de la chance ainsi perdue ;
Considérant, enfin, qu'en se bornant à indiquer que l'indemnisation accordée est excessive, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND ne fournit pas les précisions nécessaires pour permettre d'apprécier le bien-fondé de son moyen ; qu'il ne peut utilement alléguer que le préjudice résultant de la perte d'une chance de survie ne serait pas transmissible aux ayants-droit, alors qu'en tout état de cause le seul préjudice propre de M. Michel A indemnisé entre les mains de ses héritiers est celui résultant de la douleur endurée ; que les préjudices retenus par le Tribunal, dont le principe et le montant ne sont pas en eux-mêmes davantage contestés, doivent dès lors être maintenus, dans la limite de la fraction susmentionnée de 30% ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas limité les sommes qu'il a été condamné à verser aux montants respectifs, d'une part, de 39 669,86 euros à Mme Chantal A, de 1 500 euros à Mme Valérie A et de 1 500 euros à M. Christophe A, au titre de leurs préjudices propres, d'autre part de 4 500 euros à Mmes Chantal et Valérie A et à M. Christophe A, en leur qualité d'ayants-droit ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions dont obstacle à ce que soit mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mmes Chantal et Valérie A et par M. Christophe A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme globale que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND a été condamné à verser à Mmes Chantal et Valérie A et à M. Christophe A, en leur qualité d'ayants-droit de M. Michel A, est ramenée au montant de 4 500 euros.
Article 2 : La somme que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND a été condamné à verser à Mme Chantal A au titre de ses préjudices propres est ramenée au montant de 39 669,86 euros.
Article 3 : La somme que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND a été condamné à verser à Mme Valérie A au titre de ses préjudices propres est ramenée au montant de 1 500 euros.
Article 4 : La somme que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND a été condamné à verser à M. Christophe A au titre de ses préjudices propres est ramenée au montant de 1 500 euros.
Article 5 : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 5 décembre 2006 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt, sans modification des conditions d'intérêts et de capitalisation des intérêts.
Article 6: Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND, ainsi que les conclusions présentées par Mmes Chantal et Valérie A et par M. Christophe A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND, à Mme Chantal A, à M. Christophe A, à Mme Valérie A, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à la mutuelle nationale des hospitaliers. Copie en sera adressée à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux et au ministre de la santé et des sports.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Stillmunkes, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 mai 2010.
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N° 07LY00388