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11/05/2010 | FRANCE | N°08LY00052

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 11 mai 2010, 08LY00052


Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2008, présentée pour la SOCIETE SAINT-CLAIR, dont le siège est CD 925 Lieu-dit Pré-Martin à Détrier (73110) ;

La SOCIETE SAINT-CLAIR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405814 du Tribunal administratif de Grenoble du 11 octobre 2007 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 septembre 2004 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial de la Savoie a autorisé la société Provencia à créer un supermarché à l'enseigne Champion, d'une surface de vente de 2 200 m²,

sur le territoire de la commune de la Rochette ;

2°) d'annuler cette autorisation...

Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2008, présentée pour la SOCIETE SAINT-CLAIR, dont le siège est CD 925 Lieu-dit Pré-Martin à Détrier (73110) ;

La SOCIETE SAINT-CLAIR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405814 du Tribunal administratif de Grenoble du 11 octobre 2007 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 septembre 2004 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial de la Savoie a autorisé la société Provencia à créer un supermarché à l'enseigne Champion, d'une surface de vente de 2 200 m², sur le territoire de la commune de la Rochette ;

2°) d'annuler cette autorisation ;

3°) de condamner solidairement l'Etat et la société Provencia à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE SAINT-CLAIR soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, il appartient au préfet d'établir qu'il devait recourir à la suppléance du secrétaire général, car étant absent ou empêché ; qu'en l'absence de cette preuve, le secrétaire général était incompétent pour présider la commission ;

- toute demande d'autorisation d'exploitation commerciale doit être compatible avec les objectifs du schéma de développement commercial du département, que les textes imposent de viser dans l'autorisation d'exploitation ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, le schéma du 22 juin 2004 révélant la volonté de mettre un terme au développement des projets à vocation alimentaire, les magasins de la zone couvrant déjà les besoins en la matière ; que, par suite, la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la détermination de l'environnement commercial est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que les données économiques dont la commission a disposé sont erronées et ont faussé son appréciation, notamment au regard de l'impact du projet sur l'appareil commercial de la zone de chalandise ; que le projet n'améliorera pas les conditions de fonctionnement de la concurrence et ne réduira pas l'évasion commerciale ; qu'aucune création d'emplois n'est dès lors envisageable ;

- en effet, en premier lieu, la définition de la zone primaire de chalandise est affectée d'une erreur manifeste ; qu'ainsi, le magasin Super U de Détrier aurait dû être mentionné dans cette zone ; que l'étude ne prend donc pas en compte l'impact commercial exact ; que la réalité commerciale se traduit par la présence de deux supermarchés de format similaire dans la même zone primaire ; que cette concurrence frontale, qui ne fait que doubler l'offre sans réellement l'élargir en terme de choix, porte la densité commerciale de la zone primaire à 935 m² pour 1 000 habitants, alors que la moyenne nationale est de 285 ; que cette densité démontre clairement un impact sur le petit commerce de la Rochette et le supermarché Super U de Détrier ; que l'offre similaire des deux magasins ne permet pas d'influer significativement sur l'évasion commerciale ; que, compte tenu des barrières naturelles, de l'attraction des supermarchés concurrents et de la présence de centres urbains dotés d'équipements commerciaux importants, la zone de chalandise n'est pas extensible ;

- en deuxième lieu, le marché théorique a été surévalué, comme le démontre l'étude d'un expert indépendant ; qu'en effet, le niveau des dépenses moyennes n'a pas fait l'objet d'une pondération, ce qui conduit à une surestimation du marché théorique global de l'ordre de 15,8 millions d'euros, soit plus que le chiffre d'affaires d'un supermarché du format envisagé par le projet ; que, si les dépenses qui ont été retenues sont exactes, elles ont été prises en compte en totalité, et n'ont pas été pondérées en fonction de l'offre réelle que peut proposer un supermarché de 2 200 m² de surface de vente ; que cette surévaluation concerne, à des niveaux différents, l'ensemble des dépenses non-alimentaires, qui représentent plus de la moitié des dépenses totales ;

- en troisième lieu, le marché disponible est insuffisant pour envisager la création d'un supermarché de 2 200 m² ; que, compte tenu de l'évaluation réaliste du marché théorique, qui s'établit à environ 53 millions d'euros, le marché disponible s'évalue à 22,5 millions d'euros ; que le chiffre d'affaires prévisionnel est évalué à 10,6 millions d'euros ; que le chiffre avancé de 80 % de captation de l'évasion commerciale permettant de parvenir à ce chiffre d'affaires est illusoire, car supposant 48 % de captation de l'évasion totale ; que ce taux de captation, alors qu'un taux de l'ordre de 20 à 30 % est habituellement retenu, est trop élevé pour assurer la faisabilité du projet ; qu'en réalité, ce dernier ne pourra se réaliser qu'en prélevant sur l'appareil commercial existant, et notamment sur le magasin super U situé à proximité immédiate ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal a estimé que le projet améliorera les conditions de fonctionnement de la concurrence ;

- en quatrième lieu, une évasion commerciale quasiment incompressible existe ; que c'est à tort que le Tribunal a estimé que le projet réduira l'évasion commerciale ; qu'en effet, tous les avis et commentaires, et y compris ceux de la société Provencia, s'accordent à relever l'existence, à la périphérie immédiate de la zone de chalandise, d'une offre commerciale importante, à Pontcharra et Laissaud ; que l'on constate un flux naturel très difficilement réductible vers Pontcharra et Laissaud ; qu'une évasion existe également vers Chambéry, notamment pour les dépenses non-alimentaires ; que le niveau incompressible de l'évasion globale de la zone de chalandise peut être estimé à 13 ou 15 millions d'euros ; qu'il en résulte un impact évident du projet sur l'appareil commercial existant ;

- en cinquième lieu, les chiffres précédents démontrent que le dossier sous-estime l'impact du projet sur l'environnement commercial ; que, compte tenu des correctifs démographique et touristique à apporter au marché réellement disponible, celui-ci peut être estimé entre 10,6 et 13 ,5 millions d'euros globalement, et entre 2,3 à 3 millions d'euros pour la partie alimentaire ; que les informations fournies dans le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation de la commission et révèlent une erreur manifeste d'appréciation ; que le supermarché Champion aura un réel impact sur l'appareil commercial déjà implanté, notamment en matière alimentaire ; que l'impact est encore plus marqué pour ce qui la concerne, du fait d'une concurrence frontale, dans la même zone primaire ; que la pérennité du supermarché Super U est même compromise ; que les conclusions de la société Sogem démontrent, sans la moindre ambiguïté et en toute objectivité, que le projet n'est pas approprié à la zone et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans la détermination de l'environnement commercial ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2008, présenté pour la société Provencia, qui demande à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner la SOCIETE SAINT-CLAIR à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Provencia soutient que :

- il appartient au requérant de rapporter la preuve que les circonstances de fait n'auraient pas permis à l'administration de considérer le préfet comme empêché ; qu'en l'espèce, la requérante, qui admet implicitement que le préfet pouvait valablement se faire représenter par le secrétaire général, n'apporte pas le moindre commencement de preuve pour démontrer que l'empêchement du préfet n'aurait pas été réel ;

- le schéma départemental de développement commercial n'a pas de valeur contraignante ; que, dès lors que la commission départementale d'équipement commercial n'était pas tenue d'apprécier le projet au regard de ce schéma, il ne peut lui être reproché d'avoir commis une erreur d'appréciation sur ce fondement ; que l'évolution démographique ne semble pas avoir été prise en compte par le schéma ; que le projet ne peut que renforcer l'attraction de la commune de la Rochette, dont l'équipement commercial bénéficiera ainsi d'une nouvelle clientèle ; que la décision attaquée est bien fondée, quand bien même elle s'écarterait de préconisations trop rigides ;

- le service instructeur n'a pas estimé nécessaire de rectifier la délimitation de la zone de chalandise ; qu'il ressort de la carte de la zone de chalandise que le supermarché Super U, qui se situe à proximité du projet, représente, dans cette zone, l'unique concurrent de ce dernier ; que, compte tenu du périmètre extrêmement limité de la zone d'influence du projet, la commission a parfaitement eu connaissance de cette proximité et du possible impact commercial du projet sur ledit supermarché ; que l'impact du projet aurait été limité dans l'hypothèse où la demande n'aurait pas inclus ce supermarché dans la zone de chalandise, ce qui n'est pas le cas ; que la requérante compare la densité commerciale dans la zone de chalandise primaire, et non dans l'ensemble de la zone de chalandise ;

- contrairement à ce qu'affirme la requérante, le marché théorique du projet n'a pas été surévalué ; qu'elle a appliqué une méthode de calcul parfaitement reconnue par les chambres de commerce et d'industrie ; que ce sont les ménages de la zone de chalandise qui constituent le marché théorique du projet, et non l'offre qui serait proposée par un supermarché ; que le raisonnement suivi par la requérante est totalement incohérent, le marché théorique ne pouvant être défini en fonction de l'offre susceptible d'être proposée par le projet, mais par la demande de la population de la zone de chalandise ; que ce marché théorique est ensuite pondéré par le taux d'emprise estimé du supermarché, afin d'aboutir au marché potentiel du projet ; que le marché disponible global est d'environ 38 millions d'euros ; que selon l'estimation même de la requérante, un tiers des achats alimentaires potentiels des habitants de la zone de chalandise n'est pas satisfait par l'offre commerciale actuelle ; qu'il n'est donc nullement illusoire de retenir que 80 % du chiffre d'affaires sera réalisé sur l'évasion commerciale ;

- on peut estimer que la supermarché Super U de Pontcharra réalise 30 à 35 % de son chiffre d'affaires sur la zone primaire du projet, soit 8 à 9 millions d'euros ; que cet impact n'est pas de nature à bouleverser l'analyse de l'existence d'un marché disponible, d'environ 30 millions d'euros, supérieur au chiffre d'affaires qui serait réalisé par le projet ; que l'influence du magasin Intermarché de Laissaud, qui n'est pas directement situé sur l'axe routier très fréquenté, est extrêmement limitée ; que, contrairement à ce qu'affirme la requérante, il n'existe aucun supermarché Intermarché à Chambéry ; que l'existence d'une évasion incompressible, mais limitée, ne remet pas en cause l'existence d'un marché disponible suffisant pour que le projet réalise 80 % de son chiffre d'affaires sur l'évasion commerciale restante ;

- le rapport de la DDCCRF rappelle que la zone de chalandise est sous-équipée en comparaison de la densité commerciale du département et de la France ; que cette sous-densité se maintient après les projets réalisés, tous situés en dehors de la zone de chalandise ; qu'il y a donc le plus grand risque qu'une évolution favorable du commerce en dehors de cette zone en vienne à entraîner une évasion commerciale, contraire aux principes de la loi SRU et au principe de la limitation des déplacements ; que cette sous-densité autorise nécessairement le projet ; qu'en outre, comme le souligne la requérante, l'existence d'une évolution démographique très positive, de plus de 10 %, à laquelle s'ajoute une population touristique significative, constituent deux éléments correctifs qui viennent potentiellement augmenter le marché théorique et, par voie de conséquence, le marché disponible global ; que les calculs effectués par la SOCIETE SAINT-CLAIR pour déterminer l'impact de l'évolution démographique et de la population touristique sur la marché théorique sont incohérents ; que l'arrivée d'une nouvelle enseigne dans la zone de chalandise est de nature à stimuler la concurrence ; qu'elle ne peut être tenue pour responsable du fait que la SOCIETE SAINT-CLAIR, malgré un marché potentiel important, ne semble pas en mesure d'accéder à une rentabilité financière satisfaisante ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 février 2009, présenté pour la SOCIETE SAINT-CLAIR, tendant aux mêmes fins que précédemment, le montant de la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative étant porté à 5 000 euros ;

La SOCIETE SAINT-CLAIR soutient en outre que l'arrêté du 21 juillet 2004 fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial appelée à statuer sur la demande ne procède pas à une désignation nominative des membres des compagnies consulaires ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 31 mars 2009, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 avril 2009 ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 avril 2009, présenté pour la société Provencia, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

La société Provencia soutient en outre que le nouveau moyen de la SOCIETE SAINT-CLAIR est inopérant, en raison de l'article 102-IV de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, qui valide les autorisations qui auraient été accordées par une commission dont l'arrêté fixant la composition ne serait pas nominatif ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2009, présenté pour la SOCIETE SAINT-CLAIR, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

La société requérante soutient en outre que la loi de validation invoquée en défense par la société Provencia est irrégulière, car contraire à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 5 mai 2009, la clôture de l'instruction a été reportée au 4 juin 2009 ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 mai 2009, présenté pour la société Provencia, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

La Société Provencia soutient en outre que la loi de validation procède d'un intérêt général suffisant ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 9 juin 2009, la clôture de l'instruction a été reportée au 3 juillet 2009 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 relatif à l'autorisation d'exploitation commerciale de certains magasins de commerce de détail et de certains établissements hôteliers, aux observatoires et aux commissions d'équipement commercial ;

Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2010 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les observations de Me Conti, avocat de la SOCIETE SAINT-CLAIR et celles de Me Le Fouler, avocat de la société d'exploitation Provencia ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- la parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;

Considérant que la SOCIETE SAINT-CLAIR demande à la Cour d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 11 octobre 2007 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 septembre 2004 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial de la Savoie a autorisé la société Provencia à créer un supermarché à l'enseigne Champion, d'une surface de vente de 2 200 m², sur le territoire de la commune de la Rochette ;

Considérant, en premier lieu, que le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ; qu'aux termes du IV de l'article 102 de la loi susvisée du 4 août 2008 : Sont validées, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les autorisations d'exploitation d'équipements commerciaux délivrées jusqu'au 1er janvier 2009, en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré du caractère non nominatif de l'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial ayant délivré l'autorisation ;

Considérant que la présente requête, dirigée contre une autorisation d'équipement commercial, est relative à une contestation portant sur des droits et obligations de caractère civil au sens de ces stipulations ; que l'Etat ne peut, sans méconnaître les stipulations précitées de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, porter atteinte au droit de toute personne à un procès équitable en prenant des mesures législatives à portée rétroactive dont la conséquence est la modification des règles que le juge doit appliquer pour statuer sur des litiges dans lesquels l'Etat est partie, sauf lorsque l'intervention de ces mesures est justifiée par des motifs impérieux d'intérêt général ; que le IV précité de l'article 102 de la loi du 4 août 2008, qui réserve expressément les droits nés des décisions passées en force de chose jugée, a pour objet, dans le contexte de l'évolution de la réglementation sur ce point introduite par le décret du 24 novembre 2008, qui n'exige pas la désignation nominative des élus membres de la commission, non de valider intégralement les autorisations délivrées par les commissions départementales d'équipement commercial, mais seulement de rendre insusceptible d'être invoqué devant le juge de l'excès de pouvoir le moyen tiré du caractère non nominatif de l'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial ayant pris des décisions d'autorisation contestées jusqu'au 1er janvier 2009 ; que cette validation entend limiter les conséquences, auxquelles l'administration ne peut remédier, d'une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux précisant que les dispositions législatives applicables à la procédure de demande d'autorisation d'équipement commercial imposent au préfet, au stade de l'arrêté fixant la composition de la commission, de désigner nominativement par avance les personnes susceptibles de représenter les personnalités membres de la commission départementale d'équipement commercial ; qu'alors qu'un grand nombre de recours soulevant ce moyen sont pendants devant la juridiction administrative, cette validation est justifiée par le souci de l'Etat de limiter, eu égard à l'importance économique du secteur en cause, l'insécurité juridique découlant, pour les entreprises bénéficiaires des autorisations et pour les personnes ayant conclu des contrats avec ces entreprises, du risque d'annulations contentieuses, pour ce motif d'illégalité, des autorisations délivrées, annulations qui, en contraignant les entreprises bénéficiaires d'une autorisation à interrompre leur activité sous peine de sanctions pénales ou administratives, sont susceptibles d'avoir des conséquences négatives importantes sur le service offert aux consommateurs et sur l'emploi ; que cette validation ne met en cause pour les parties ni la possibilité de contester ces décisions d'autorisation pour d'autres motifs, tirés tant de leur légalité interne qu'externe, ni la possibilité de contester par tous moyens les décisions de refus d'autorisation ; qu'ainsi, les dispositions du IV de l'article 102 de la loi du 4 août 2008 sont justifiées par un motif impérieux d'intérêt général et ne sauraient, dès lors, être regardées, nonobstant leur application aux litiges pendants devant le juge à la date de leur entrée en vigueur, comme portant une atteinte excessive au principe du droit à un procès équitable énoncé par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE SAINT-CLAIR n'est pas fondée à soutenir que les dispositions du IV de l'article 102 de la loi du 4 août 2008 porteraient atteinte au droit à un procès équitable garanti par les stipulations de cet article ; que, dès lors, le moyen tiré de l'absence de caractère nominatif de la désignation des membres des compagnies consulaires par l'arrêté préfectoral du 21 juillet 2004 fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial de la Savoie ne peut être utilement invoqué par ladite société à l'encontre de l'autorisation attaquée du 9 septembre 2004 de cette commission ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 45 du décret susvisé du 29 avril 2004 : I - En cas d'absence ou d'empêchement du préfet, sans que ce dernier ait désigné par arrêté un des sous-préfets en fonction dans le département pour assurer sa suppléance, celle-ci est exercée de droit par le secrétaire général de la préfecture ; qu'en vertu de ces dispositions, le secrétaire général de la préfecture de la Savoie a pu régulièrement remplacer le préfet pour assurer la présidence de la commission départementale d'équipement commercial qui s'est réunie le 9 septembre 2004 ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, il lui appartient de démontrer que le préfet n'aurait pas été absent ou empêché pour présider cette commission ; qu'en l'absence de toute précision de sa part sur ce point, le moyen tiré de ce que le secrétaire général n'était pas compétent pour suppléer le préfet ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que le schéma de développement commercial du département de la Savoie ne présentant aucune valeur contraignante, la SOCIETE SAINT-CLAIR ne peut utilement faire valoir que l'autorisation attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ce schéma et serait incompatible avec ses objectifs ;

Considérant, en quatrième lieu, que le décret susvisé du 9 mars 1993 ne prévoyant ni n'impliquant la délimitation de sous-zones de chalandise, le fait que la zone primaire mentionnée dans la demande aurait dû, comme le soutient la SOCIETE SAINT-CLAIR, inclure le supermarché Super U qui lui appartient est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant, en dernier lieu, que, pour l'application des dispositions combinées de l'article 1er de la loi susvisé du 27 décembre 1973 et des articles L. 720-1 à L. 720-3 alors applicables du code de commerce, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs du projet appréciés, d'une part, en tenant compte de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, à la satisfaction des besoins des consommateurs et, d'autre part, en évaluant son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé ;

Considérant que la SOCIETE SAINT-CLAIR soutient que le marché théorique de la zone de chalandise a été surévalué et que le marché disponible est en réalité insuffisant, en raison notamment d'un taux d'évasion commerciale incompressible, ce qui aboutira à un fort prélèvement sur l'appareil commercial existant dans cette zone et, par suite, à un écrasement du petit commerce ; qu'il ressort des pièces du dossier que la densité commerciale de la zone de chalandise serait, après la réalisation du projet litigieux, de 336 m² pour 1 000 habitants ; que cette densité est supérieure à la moyenne nationale, qui s'établit à 285 m² pour 1 000 habitants ; que, toutefois, ladite densité de 336 est inférieure à la densité du département, de 351 m² pour 1 000 habitants ; qu'en outre, le dynamisme démographique de la zone de chalandise et la fréquentation touristique sont susceptibles d'atténuer les conséquences négatives du projet autorisé sur l'équilibre existant entre les établissements commerciaux ; qu'enfin, comme le mentionne la décision attaquée, le projet comporte des effets positifs, tenant au fait qu'il s'inscrit dans une démarche globale de restructuration de la commune de la Rochette, à l'amélioration des conditions de choix des consommateurs, à la diminution de l'évasion commerciale et, enfin, à la création de 41 emplois, correspondant à 35 emplois en équivalent temps-plein ; qu'il résulte ainsi de l'ensemble des effets que le projet est susceptible d'entraîner que la commission départementale d'équipement commercial de la Savoie n'a pas méconnu les objectifs fixés par le législateur en accordant l'autorisation demandée par la société Provencia ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SOCIETE SAINT-CLAIR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la société Provencia, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnés à payer à la SOCIETE SAINT-CLAIR la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société requérante le versement d'une somme quelconque au bénéfice de la société Provencia sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE SAINT-CLAIR est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Provencia tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE SAINT-CLAIR, à la société Provencia et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2010 à laquelle siégeaient :

M. Fontbonne, président,

M. Arbaretaz et M. Chenevey, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 11 mai 2010.

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N° 08LY00052

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00052
Date de la décision : 11/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FONTBONNE
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : DROIT PUBLIC CONSULTANTS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-11;08ly00052 ?
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