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04/05/2010 | FRANCE | N°09LY00227

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 5, 04 mai 2010, 09LY00227


Vu le recours, enregistré par télécopie le 5 février 2009 et régularisé le 9 février 2009 au greffe de la Cour, présenté par le PREFET DE LA DROME ;

Le PREFET DE LA DROME demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602782 du 22 décembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé pour excès de pouvoir sa décision en date du 11 avril 2006 refusant à Mme Naïma A la délivrance d'un titre de séjour y compris en ce qu'il l'a enjoint de réexaminer sa situation et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.

761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée p...

Vu le recours, enregistré par télécopie le 5 février 2009 et régularisé le 9 février 2009 au greffe de la Cour, présenté par le PREFET DE LA DROME ;

Le PREFET DE LA DROME demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602782 du 22 décembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé pour excès de pouvoir sa décision en date du 11 avril 2006 refusant à Mme Naïma A la délivrance d'un titre de séjour y compris en ce qu'il l'a enjoint de réexaminer sa situation et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif ;

Il soutient que la décision attaquée, qui a été prise par une autorité compétente, est suffisamment motivée ; que Mme A ne peut utilement se prévaloir du défaut de saisine de la commission du titre de séjour dès lors que les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux ressortissants algériens ; que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a refusé de procéder à la substitution de motifs sollicitée alors même que le caractère frauduleux du mariage ne fait aucun doute et que cette circonstance pouvait légalement fonder sa décision ; que la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 26 mai 2009, accordant à Mme A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le courrier du 2 septembre 2009 par lequel Mme A a été mise en demeure de produire ses observations ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 11 septembre 2009 et régularisé le 16 septembre 2009, présenté par le PREFET DE LA DROME qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 février 2010, présenté pour Mme A, qui conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à payer à son conseil la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1991 ; elle soutient qu'elle remplissait les conditions légales et n'a commis aucune fraude ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2010 :

- le rapport de M. Chanel, président ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

Considérant que, par décision en date du 11 avril 2006, le PREFET DE LA DROME a refusé à Mme A, pour absence de communauté de vie, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français sur le fondement des stipulations du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, par le jugement du 22 décembre 2008 attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ladite décision au motif que la communauté de vie n'était pas au nombre des conditions exigées par les stipulations du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien sans faire droit, faute de preuve du caractère frauduleux du mariage, à la substitution de motifs sollicitée par le préfet en défense ;

Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant, en premier lieu, que le PREFET DE LA DROME fait valoir que le caractère frauduleux du mariage était de nature à fonder sa décision en date du 11 avril 2006 refusant de délivrer à Mme A un titre de séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux de police produits au dossier, que le mariage a été arrangé par les familles respectives des époux, qu'aucune communauté de vie n'a jamais existé entre eux, que M. C, époux de Mme A, a, à plusieurs reprises, été sommé par son père d'accélérer les démarches nécessaires à la régularisation de la situation de cette dernière et a été contraint de se marier ; que, dans ces conditions, le caractère frauduleux du mariage doit être regardé comme établi ;

Considérant, en second lieu, que si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titre de séjour dès lors que ces ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l' articles L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dans sa rédaction alors en vigueur : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée en France ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ; que la portée de ces stipulations de l'accord franco-algérien n'est pas équivalente à celles des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant, sous certaines conditions dont celle, distincte, que la communauté de vie n'ait pas cessé, la délivrance d'un titre de séjour à un étranger conjoint d'un ressortissant français ; que, par suite, Mme A n'a été privée d'aucune garantie liée au motif substitué ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a refusé de faire droit à la substitution de motifs que sollicitait le PREFET DE LA DROME ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme A ;

Considérant, en premier lieu, que M. Eddy D, secrétaire général de la préfecture de la Drôme, signataire du refus de délivrance de titre de séjour opposé à l'intéressée le 11 avril 2006 bénéficiait, par arrêté du 7 février 2006, régulièrement publié le 14 février 2006 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Drôme, d'une délégation de signature du préfet de la Drôme l'autorisant à signer cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

Considérant en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que Mme A fait valoir qu'elle est parfaitement intégrée dans la société française ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée, qui reconnaît le caractère arrangé de son mariage, était en France depuis moins d'un an à la date de la décision attaquée ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée de séjour de la requérante en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA DROME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision en date du 11 avril 2006 du PREFET DE LA DROME portant refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme A ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme quelconque en application de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 22 décembre 2008 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Grenoble est rejetée ainsi que ses conclusions d'appel.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à Mme A. Copie en sera adressée au PREFET DE LA DROME.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

Mme Verley-Cheynel président-assesseur,

M. Monnier, M. Pourny et M. Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 4 mai 2010.

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N° 09LY00227


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 09LY00227
Date de la décision : 04/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : COSTA et MLADENOVA-MAURICE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-04;09ly00227 ?
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