La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/04/2010 | FRANCE | N°08LY02910

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 20 avril 2010, 08LY02910


Vu le recours, enregistré le 30 décembre 2008, présenté pour le PREFET DU RHONE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703621 du 18 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 21 août 2006 rejetant la demande de titre de séjour que lui avait présentée M. Kennedy A, ainsi que sa décision du 4 octobre 2006 rejetant le recours gracieux formé par ce dernier ;

2°) de rejeter la demande présentée pour M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 1 000 euro

s à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il...

Vu le recours, enregistré le 30 décembre 2008, présenté pour le PREFET DU RHONE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703621 du 18 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 21 août 2006 rejetant la demande de titre de séjour que lui avait présentée M. Kennedy A, ainsi que sa décision du 4 octobre 2006 rejetant le recours gracieux formé par ce dernier ;

2°) de rejeter la demande présentée pour M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 1 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que M. A a produit un faux acte d'état civil à son arrivée sur le territoire français et qu'il appartenait aux premiers juges de sanctionner cette fraude ; que ses décisions des 21 août et 4 octobre 2006 n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'intéressé étant sans charge de famille, sans ressources, sans domicile, n'ayant aucune attache familiale en France et ayant vécu l'essentiel de son existence au Nigéria ; que l'intéressé ne justifie ni de sa minorité à son entrée en France, ni de son état civil et que sa demande de protection a été rejetée par les autorités compétentes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 septembre 2009, présenté pour M. A, qui conclut au rejet du recours du PREFET DU RHONE et à la condamnation de l'Etat à verser à Me Couderc, une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour lui de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que les pièces versées aux débats dans l'instance n° 08LY02911 conduiront la Cour à confirmer l'appréciation des premiers juges, s'agissant de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la réalité de son intégration sociale et professionnelle en France, malgré une fragilité psychique incontestable, et à l'impossibilité de reconstruire une vie privée et familiale normale dans son pays d'origine ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 20 octobre 2009, accordant à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance en date du 26 novembre 2009 fixant la clôture d'instruction au 24 décembre 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2010 :

- le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;

- les observations de Me Couderc, avocat de M. A ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Couderc ;

Considérant que le PREFET DU RHONE conteste le jugement n° 0703621 du 18 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 21 août 2006 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A, ressortissant nigérian, ensemble la décision du 4 octobre 2006 rejetant le recours gracieux formé par M. A à l'encontre de cette décision ;

Considérant, en premier lieu, que la production par le PREFET DU RHONE d'un document établi par un cabinet d'avocats mandaté par le consulat général de France à Lagos affirmant l'absence d'authenticité d'un acte de naissance mentionnant M. A comme étant né le 21 mars 1987 à Maiduguri, Nigeria, ne saurait suffire à établir, malgré le caractère douteux de cet acte, l'existence d'une fraude de l'intéressé sur son âge et son état civil, alors qu'il a été confié au service de protection de l'enfance du Rhône jusqu'au 21 mars 2005, par une décision du juge des enfants du 3 septembre 2004, et que la date du 21 mars 1987 est également mentionnée comme étant sa date de naissance sur sa carte d'étudiant, pour une période antérieure à son entrée en France, et dans un courrier de l'ambassade du Nigéria à Paris postérieur à cette entrée ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien­être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est entré en France en 2004 alors qu'il était encore mineur ; qu'il a été confié au service de protection de l'enfance du département du Rhône, jusqu'à sa majorité, et a suivi des cours de français avant d'obtenir un certificat de formation générale témoignant d'une réelle volonté d'intégration, même si, à la date des décisions attaquées, il n'avait encore ni domicile personnel, ni emploi, sa situation administrative lui interdisant de travailler ; que si le PREFET fait valoir l'absence d'attaches familiales en France de M. A et conteste ses allégations relatives à sa situation dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a perdu son père en 1991 et sa mère en mai 2004, sans que le maintien d'attaches familiales au Nigéria ne soit établi ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de M. A en France et à l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine, et alors même que certains documents produits par l'intéressé quant aux risques allégués dans ce pays sont d'une authenticité douteuse, le PREFET DU RHONE ne pouvait lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sans méconnaître les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions des 21 août et 4 octobre 2006 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A, qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige, soit condamné à payer à l'Etat une somme quelconque, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant, en second lieu, que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Couderc, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de Me Couderc, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du PREFET DU RHONE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Couderc, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Kennedy A. Copie en sera adressée au PREFET DU RHONE.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Monnier et Pourny, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 20 avril 2010.

''

''

''

''

1

2

N° 08LY02910


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY02910
Date de la décision : 20/04/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-04-20;08ly02910 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award