La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/2010 | FRANCE | N°07LY01562

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 08 avril 2010, 07LY01562


Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2007, présentée pour M. Jean-Claude A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0601404, en date du 31 mai 2007, en tant que le Tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande qui tendait à ce que le centre hospitalier d'Auxerre soit condamné à lui verser une somme de 141 842,88 euros, en limitant à un montant de 5 000 euros la somme que le centre hospitalier a été condamné à lui verser ;

2°) de condamner le centre hospitalier d'Auxerre à lui verse

r une somme totale de 141 842,88 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospita...

Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2007, présentée pour M. Jean-Claude A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0601404, en date du 31 mai 2007, en tant que le Tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande qui tendait à ce que le centre hospitalier d'Auxerre soit condamné à lui verser une somme de 141 842,88 euros, en limitant à un montant de 5 000 euros la somme que le centre hospitalier a été condamné à lui verser ;

2°) de condamner le centre hospitalier d'Auxerre à lui verser une somme totale de 141 842,88 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Auxerre une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les préjudices qu'il a subis, tant corporels que psychologiques et professionnels, n'ont pas été suffisamment indemnisés ;

- il a également subi un préjudice moral du fait des informations erronées qui lui ont été délivrées sur son état ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 novembre 2007, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne ; elle conclut :

- à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné le centre hospitalier d'Auxerre à lui verser la somme de 8 157,61 euros au titre de ses débours ;

- à la condamnation dudit centre hospitalier à lui verser l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, que le Tribunal lui a allouée pour un montant de 926 euros ;

- à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier d'Auxerre au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que c'est à bon droit que le Tribunal a condamné le centre hospitalier à lui rembourser ses débours ;

Vu la mise en demeure adressée le 8 janvier 2009 au centre hospitalier d'Auxerre, en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 16 mars 2009, présenté pour le centre hospitalier d'Auxerre ; il conclut :

- au rejet de la requête ;

- à l'annulation du jugement susmentionné et au rejet de la demande de M. A ainsi que des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne ;

Il soutient que :

- contrairement à ce que le Tribunal a retenu, une radiographie a été pratiquée le 24 octobre 2001, et aucune absence fautive d'examen ne peut donc lui être imputée ;

- subsidiairement, s'agissant de l'incapacité temporaire totale, de l'incapacité permanente partielle, du pretium doloris, du préjudice d'agrément, du retentissement psychologique et du préjudice professionnel, le Tribunal en a fait une appréciation suffisante ;

- s'agissant enfin du préjudice moral du fait des informations erronées qui lui ont été délivrées sur son état, ni l'existence d'une faute ni la matérialité du préjudice ne sont établis ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 mars 2009, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne ; elle conclut à la capitalisation des intérêts afférents aux sommes qui lui ont été allouées au titre de ses débours et, pour le surplus, aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 juillet 2009, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 mars 2010, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 mars 2010, présenté pour M. A ; il conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'arrêté du 1er décembre 2009 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2010 :

- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller ;

- les observations de Me Demailly, avocat du centre hospitalier d'Auxerre et de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;

Considérant que M. A, qui exerçait la profession de tourneur-fraiseur, a été victime, le 12 octobre 2001, d'un accident du travail, sa main droite ayant été happée et écrasée par une machine ; qu'il a été conduit au centre hospitalier d'Auxerre, où un diagnostic de luxation dorsale des métacarpo-phalangiennes D3-D4 a été posé, M. A étant immédiatement opéré ; qu'il est revenu à plusieurs reprises au centre hospitalier en raison de douleurs persistantes ; qu'un diagnostic d'algodystrophie neurodystrophie a tout d'abord été posé, avant que de nouveaux examens pratiqués en avril 2002 ne conduisent à identifier une sub-luxation antérieure radio-carpienne, et à l'opérer d'une ostéotomie de réaxation de l'extrémité inférieure du radius droit, puis à pratiquer la résection de la première rangée des os du carpe ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a estimé que le centre hospitalier avait tardé de manière fautive à pratiquer les examens permettant de poser un diagnostic complet, et l'a en conséquence condamné à verser, d'une part à M. A une somme de 5 000 euros, d'autre part à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne la somme de 8 157,61 euros qu'elle demandait au titre de ses débours, outre l'indemnité forfaitaire de l'article L. 3761-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur le principe de la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée en première instance, que si la radiographie pratiquée le 12 octobre 2001 montrait une luxation évidente des métacarpo-phalangiennes, elle était également inquiétante sur l'existence possible d'autres lésions et aurait nécessité un complément d'imagerie ; qu'il est constant que ce complément d'imagerie n'a pas été pratiqué immédiatement ; que, si le centre hospitalier affirme qu'il l'aurait été le 24 octobre 2001, l'expert a relevé que les clichés ne lui ont pas été présentés et qu'aucun élément n'en confirme l'existence, avant d'en conclure qu'aucune radiographie de contrôle n'a vraisemblablement été pratiquée à cette date ; que l'expert souligne que ce n'est que le 10 avril 2002 qu'une radiographie a été pratiquée, alors pourtant que le patient était revenu à de nombreuses reprises et que son état aurait appelé des investigations plus approfondies, au moins à la date du 21 novembre 2001 ; que, compte tenu de ces éléments, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que le centre hospitalier d'Auxerre avait commis une faute en ne réalisant pas plus rapidement les examens qui s'imposaient et qui auraient permis de poser le diagnostic approprié ;

Sur le préjudice de M. A :

Considérant, en premier lieu, que l'expert désigné en première instance indique que le retard fautif a eu pour conséquence une augmentation de la souffrance endurée pendant la période de quatre mois et demi durant laquelle l'état de M. A n'a pas été diagnostiqué et traité ; qu'il évalue cette majoration de la douleur endurée à 3 points sur un total de 4,5 / 7 ; que M. A est fondé à demander que lui soit allouée à ce titre la somme de 5 000 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'expert indique que l'incapacité temporaire totale en lien direct avec le défaut de diagnostic doit être regardée comme s'étendant du 21 novembre 2001 au 10 avril 2002 ; qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'en dépit des indemnités journalières qu'il a perçues, cette situation a fait perdre à M. A une somme de 381 euros par mois, soit un montant total qui doit être évalué à 1 900 euros ;

Considérant, en troisième lieu, que dans le cas où la faute commise lors du traitement d'un patient a compromis ses chances d'éviter l'aggravation de son état, le préjudice résultant directement de la faute et qui doit être intégralement réparé doit être évalué à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du complément d'expertise décidé par le Tribunal, que le retard de diagnostic et de traitement dont M. A a été victime lui a fait perdre 40 à 50 % de chance d'éviter la résection de la 1ère rangée des os du carpe qui a été réalisée le 29 novembre 2002 ; que l'expert relève que cette opération a dû être suivie du port d'une attelle durant trois semaines, suivi d'une rééducation, 40 séances étant pratiquées durant l'année 2003 ; que l'expert a en revanche indiqué que ces circonstances n'avaient eu aucune incidence réelle sur l'incapacité partielle permanente dont M. A demeurera atteint ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence en ayant découlé en les évaluant à un montant de 5 000 euros ; que, compte tenu de l'ampleur de la chance perdue, le préjudice de perte de chance d'éviter cette intervention subi par M. A doit ainsi être évalué à un montant de 2 250 euros ;

Considérant, enfin, que si M. A demande la réparation du préjudice moral que lui aurait causé la délivrance d'informations erronées sur son état, il n'établit en tout état de cause pas avoir subi un tel préjudice ;

Sur les intérêts des sommes allouées à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne et leur capitalisation :

Considérant, en premier lieu, qu'en application des dispositions de l'article 1153 du code civil, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme non contestée de 8 157,61 euros qui lui a été allouée par le Tribunal au titre de ses débours, à compter du 9 mai 2007, date de son premier mémoire formulant cette demande indemnitaire ;

Considérant, en second lieu, que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne a demandé la capitalisation des intérêts pour la première fois dans son mémoire en date du 23 mars 2009 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande, tant à cette date, qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

Considérant qu'eu égard au montant fixé par l'arrêté susvisé du 1er décembre 2009, la somme allouée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne au titre de ces dispositions doit être portée au montant de 966 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal n'a pas porté la somme que le centre hospitalier d'Auxerre a été condamné à lui verser à un montant total de 9 150 euros ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne est par ailleurs fondée à soutenir, d'une part que les sommes qui lui ont été allouées au titre de ses débours doivent être assorties d'intérêt au taux légal à compter du 9 mai 2007, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés au 23 mars 2009 et à chaque échéance annuelle ultérieure, d'autre part que la somme qui lui a été allouée au titre des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale doit être portée à un montant de 966 euros ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Auxerre la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; qu'en revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier d'Auxerre est condamné à verser à M. A une somme de 9 150 euros, sous déduction des sommes qui ont pu lui être versées à titre provisionnel.

Article 2 : Le centre hospitalier d'Auxerre est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne une somme de 8 157,61 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2007, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés au 23 mars 2009 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : Le centre hospitalier d'Auxerre versera à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne une somme de 966 euros au titre des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : Les articles 1er et 2 du jugement du Tribunal administratif de Dijon en date du 31 mai 2007 sont annulés.

Article 5 : Le centre hospitalier d'Auxerre versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Claude A, au centre hospitalier d'Auxerre et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne. Copie en sera adressée au ministre de la santé et des sports.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 avril 2010.

''

''

''

''

1

2

N° 07LY01562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY01562
Date de la décision : 08/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : SCP BOEUF - DIDIER - PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-04-08;07ly01562 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award