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23/03/2010 | FRANCE | N°08LY01403

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 23 mars 2010, 08LY01403


Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2008, présentée par le CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER, représenté par son directeur général, dont le siège est 95 boulevard Pinel à Bron (69677) ;

Le CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703188 du 13 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon, à la demande de Mme Dominique A :

- a annulé la décision du 6 avril 2007 par laquelle son directeur l'a exclue de ses fonctions pour une durée de trois mois, dont un mois avec sursis ;

- lui a enjoint de rétablir Mme

A dans ses droits, notamment en lui versant, dans le délai de deux mois, l'intégralité d...

Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2008, présentée par le CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER, représenté par son directeur général, dont le siège est 95 boulevard Pinel à Bron (69677) ;

Le CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703188 du 13 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon, à la demande de Mme Dominique A :

- a annulé la décision du 6 avril 2007 par laquelle son directeur l'a exclue de ses fonctions pour une durée de trois mois, dont un mois avec sursis ;

- lui a enjoint de rétablir Mme A dans ses droits, notamment en lui versant, dans le délai de deux mois, l'intégralité de son traitement non perçu pendant la durée de son exclusion, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) de rejeter la demande de Mme A présentée devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu la méconnaissance des dispositions de l'article 9 du décret n° 89-822 du 7 novembre 1989, dès lors que le simple fait de ne pas mettre aux voix toutes les propositions de sanctions ne saurait entacher à lui seul la procédure d'illégalité, dès lors que les propositions de sanctions émises tant par l'administration que par les représentants du personnel ont été mises au voix et que si la procédure avait été strictement respectée, aucune sanction n'aurait pu être adoptée à la majorité, de sorte que la situation de l'intéressée aurait été la même, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'étant pas liée par l'avis du conseil de discipline ;

- Mme A a manqué à son devoir de réserve et de discrétion professionnelle et s'est rendue coupable de violation du secret de la correspondance, de menaces et de manque de modération ;

- la sanction n'est pas disproportionnée par rapport aux griefs retenus à l'encontre de Mme A ;

- le CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER pouvait affecter Mme A au service des tutelles, ce qui correspond à l'intérêt du service ;

- c'est à tort que les premiers juges ont condamné le CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER, en l'absence de service fait, à verser l'intégralité des traitements à Mme A pendant son exclusion temporaire de fonctions ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 février 2009, présenté pour Mme A, qui conclut au rejet de la requête, et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, au regard des dispositions combinées des articles R. 811-13 et R. 412-1 du code de justice administrative, faute d'avoir été accompagnée du jugement attaqué ;

- l'irrégularité de l'avis du conseil de discipline émis lors de sa séance du 22 mars 2007 entache d'illégalité la décision en litige ;

- la décision est insuffisamment motivée en ce qu'il appartenait à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, compte tenu du sens de l'avis émis par le conseil de discipline, de justifier des raisons qui l'ont conduite à prononcer une sanction plus sévère que celle proposée par le conseil ;

- il ne peut lui être reproché un manquement à l'obligation de réserve, qui ne concerne que des déclarations faites à des personnes étrangères au service alors que ses déclarations ultérieures, à l'extérieur, n'ont eu pour but que d'exercer légitimement ses droits de la défense ;

- le manque de discrétion professionnelle ne saurait être sanctionné, n'ayant eu pour unique objectif que de faire cesser une situation délictueuse ;

- en l'absence de témoins, les menaces alléguées ne sont pas établies ;

- il n'y a pas eu violation du secret de la correspondance électronique ;

- elle n'a pas été en mesure de s'expliquer sur les autres faits de même nature évoqués par la décision de sanction qui, au demeurant, sont légitimes ;

- son attitude, loin d'être excessive, a été citoyenne ;

- la sanction est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, le comportement justifiant tout au plus un blâme ;

- la sanction est entachée de détournement de pouvoir ;

- c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que l'annulation de la sanction impliquait nécessairement qu'elle soit rétablie dans ses droits, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, et si la Cour estimait que le tribunal a outrepassé ses pouvoirs, il devrait être considéré qu'elle a sollicité une indemnité correspondant au montant des traitements non perçus, alors que le CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER n'a contesté ni la recevabilité de la demande, ni son montant ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 mai 2009, présenté par le CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- l'omission matérielle de production du jugement attaqué est régularisée par la production de la copie dudit jugement ;

- la décision attaquée est suffisamment motivée ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 décembre 2009, présenté pour Mme A, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs ;

Vu l'ordonnance en date du 21 décembre 2009 par laquelle la date de clôture de l'instruction a été fixée au 21 janvier 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

Vu le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mars 2010 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- les observations de Me Delay, pour Mme A ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à Me Delay ;

Considérant que le CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER fait appel du jugement du 13 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon, à la demande de Mme A, secrétaire médicale, a, d'une part, annulé la décision du 6 avril 2007 par laquelle son directeur l'a exclue de ses fonctions pour une durée de trois mois, dont un mois avec sursis et, d'autre part, lui a enjoint de rétablir Mme A dans ses droits, notamment en lui versant l'intégralité de son traitement non perçu pendant la durée de son exclusion ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par Mme A :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles R. 412-1 et R. 811-13 du code de justice administrative, les requêtes d'appel doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées d'une copie du jugement attaqué ;

Considérant, toutefois, que si la requête, enregistrée le 19 juin 2008 au greffe de la Cour de céans, n'était pas accompagnée d'une copie du jugement attaqué, alors que la notification de ce jugement mentionnait cette obligation, et qu'ainsi le CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER s'exposait alors à un rejet pour ce motif de sa requête, il a, ultérieurement, ainsi qu'il était en droit de le faire même après l'expiration du délai d'appel, joint à son mémoire, enregistré le 15 mai 2009, une copie dudit jugement, qui, au demeurant, figurait déjà dans le dossier de première instance transmis à la Cour par le greffe du Tribunal administratif de Lyon ; que dès lors la fin de non-recevoir opposée à la requête par Mme A, tirée du défaut de production du jugement attaqué, doit être écartée ;

Sur la légalité de la décision en litige :

Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 7 novembre 1989 susvisé, relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : Le conseil de discipline, compte tenu des observations écrites et des déclarations orales produites devant lui, ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire. / A cette fin, le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l'accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée, jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un tel accord. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les membres de la commission administrative paritaire réunie en conseil de discipline, le 22 mars 2007, pour examiner la situation de Mme A, se sont partagés à égalité, en premier lieu, sur la proposition de l'administration d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois, assortie d'un sursis de deux mois, et, en second lieu, sur celle des représentants du personnel, du blâme ; qu'aucune autre proposition de sanction n'a été mise aux voix ; qu'ainsi, la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article 9 du décret du 7 novembre 1989 n'a pas été respectée ; que cette irrégularité entache d'illégalité la décision d'exclusion temporaire de fonctions prise par le directeur du CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER, nonobstant la circonstance que les propositions de sanctions émises tant par l'administration que par les représentants du personnel ont été mises au voix, la circonstance, à la supposer établie, que si la procédure avait été respectée, aucune sanction n'aurait pu être adoptée à la majorité, et alors même que l'administration n'était pas tenue de suivre l'avis du conseil de discipline ;

Sur les conclusions de la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Lyon aux fins d'injonction :

Considérant que l'annulation de la décision du 6 avril 2007 par laquelle le directeur du CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER a exclu Mme A de ses fonctions pour une durée de trois mois, dont un mois avec sursis, implique nécessairement que celle-ci soit rétablie dans ses droits à avancement, à pension et sociaux ; qu'elle n'implique pas, en revanche, en l'absence de service accompli par Mme A durant sa période d'éviction du service, qu'il soit enjoint à l'administration de lui verser son traitement ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal a, par le jugement attaqué, fait injonction au CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER de verser à Mme A l'intégralité de son traitement non perçu pendant la durée de son exclusion ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon lui a enjoint de verser à Mme A l'intégralité de son traitement non perçu pendant la durée de son exclusion ;

Sur les conclusions indemnitaires de Mme A :

Considérant que, dans la demande qu'elle a présentée devant le Tribunal administratif de Lyon, Mme A s'est bornée à conclure, sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, à ce qu'il soit enjoint au CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER, de retirer toutes les conséquences directes de la décision d'exclusion temporaire de fonctions ; que de telles conclusions ne constituaient pas des conclusions de nature indemnitaire, en l'absence de demande tendant expressément à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER, auquel, au demeurant, n'avait été adressée aucune réclamation préalable et qui n'avait pas entendu lier le contentieux sur ce point, à indemniser Mme A du préjudice subi du fait de la privation de son traitement, nonobstant la circonstance qu'au titre de ses conclusions aux fins d'injonction Mme A ait sollicité le paiement du traitement non perçu durant sa période d'exclusion de fonctions ; que, dès lors, les conclusions présentées par Mme A dans la présente instance, aux fins de condamnation du CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu'elle affirme avoir subi en raison de la privation de son traitement durant sa période d'éviction du service, dont au demeurant elle ne justifie pas et qui ne pourrait être regardé comme la conséquence de l'illégalité dont a été entachée la décision en litige qu'en l'absence de justification au fond de la mesure prise, qui sont nouvelles en appel, sont irrecevables ;

Sur les conclusions de Mme A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 0703188 du 13 mai 2008 du Tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a enjoint au CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER de verser à Mme A l'intégralité de son traitement non perçu pendant la durée de son exclusion, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER et à Mme Dominique A.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2010 à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Reynoird et M. Seillet, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 23 mars 2010.

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N° 08LY01403


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY01403
Date de la décision : 23/03/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : CABINET ISEE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-03-23;08ly01403 ?
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