Vu la requête, enregistrée par télécopie le 4 juin 2007 et régularisée par courrier le 6 juin 2007, présentée pour Mme Michèle A, domiciliée ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Lyon nos 0502058 - 0502059 du 27 mars 2007 en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er septembre 1996 au 31 août 1999 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997, 1998 et 1999 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le jugement attaqué est irrégulier en raison de l'absence de prise en compte d'un mémoire adressé par télécopie le 1er mars 2007 et régularisé par courrier avant la clôture de l'instruction ; que les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ont été méconnues, la vérification de comptabilité s'étant poursuivie après le 16 juin 2000, date de la dernière intervention sur place ; que la réponse à ses observations était insuffisamment motivée ; que la méthode de reconstitution de ses recettes est particulièrement sommaire, dès lors qu'elle ne retient que 25 % du chiffre d'affaires réalisé durant les périodes de soldes comme correspondant à la vente de produits soldés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 janvier 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que le délai de trois mois prévu par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales n'a pas été méconnu, la première intervention sur place ayant eu lieu le 20 mars 2000 et la dernière le 16 juin 2000 ; que la requérante n'a formulé aucune observation sur la notification de redressement du 9 novembre 2000 annulant et remplaçant celle du 28 septembre 2000 et qu'il a néanmoins été répondu aux observations faites par la contribuable sur la notification du 28 septembre 2000 ainsi qu'à des observations antérieures de son conseil ; que la comptabilité de la requérante était dépourvue de valeur probante ; que les impositions restant en litige ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que si la requérante soutient que les ventes de produits soldés représentent 80 % des ventes en période de soldes, elle ne l'établit pas ;
Vu l'ordonnance en date du 6 juillet 2009 fixant la clôture d'instruction au 28 août 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu la lettre en date du 19 janvier 2010 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 février 2010 :
- le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;
Considérant que Mme Michèle A, qui exploitait sous l'enseigne Confection Coraline un commerce de lingerie féminine et de prêt-à-porter à Lyon, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 1996 au 31 août 1999 ; que, suite à ce contrôle, l'administration fiscale a déclaré Mme A redevable d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée et a assujetti M. et Mme A à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 1997, 1998 et 1999 ; que Mme A a présenté au Tribunal administratif de Lyon une demande, enregistrée sous le n° 0502058, tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge et une demande, enregistrée sous le n° 0502059, tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie avec son époux ; que le Tribunal administratif de Lyon a joint ces deux demandes et prononcé la réduction de ces impositions par le jugement nos 0502058 - 0502059 du 27 mars 2007 ; que Mme A conteste ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de ses demandes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu et de celle de la taxe sur la valeur ajoutée, et quels que fussent en l'espèce les liens de fait et de droit entre ces deux impositions, le tribunal administratif devait statuer par deux décisions séparées à l'égard de deux contribuables distincts, M. et Mme A d'une part, et Mme A, en tant que seule redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part ; que le Tribunal administratif de Lyon ayant prononcé la jonction des instances nos 0502058 et 0502059 en méconnaissance de cette règle d'ordre public, son jugement doit être annulé, dans la limite des conclusions dont la Cour est saisie, en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A tendant à la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A ont été assujettis au titre des années 1997, 1998 et 1999 ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande n° 0502059 de Mme A, les conclusions de la requête afférentes au complément de taxe sur la valeur ajoutée laissé à la charge de Mme A restant enregistrées sous le n° 07LY01167 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la durée de la vérification :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales (...) dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...) ;
Considérant que la notification de redressement adressée au conseil de Mme A, le 9 novembre 2000, comme celle adressée à Mme A, le 28 septembre précédent, mentionnent que les opérations de vérification ont eu lieu du 20 mars au 16 juin 2000 ; qu'il n'est pas contesté que la première intervention sur place a effectivement eu lieu le 20 mars 2000 ; que si Mme A fait valoir que le vérificateur lui a demandé par lettre du 30 juin 2000, après l'expiration du délai de trois mois susmentionné, d'indiquer les montants des remises hors soldes qu'elle avait effectuées au cours des exercices clos en 1997 et 1998 et ceux de ses prélèvements personnels sur ses achats au cours des mêmes exercices, en l'invitant à une réunion dans les locaux de l'administration le 13 juillet 2000 pour faire le point sur son dossier, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que le vérificateur, qui procédait à la reconstitution de ses recettes après avoir écarté la comptabilité présentée, aurait examiné des documents comptables de l'entreprise après sa dernière intervention sur place, le 16 juin 2000 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la vérification de comptabilité aurait excédé la durée de trois mois fixée par l'article L. 52 précité doit être écarté ;
En ce qui concerne l'application de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ;
Considérant, en premier lieu, que, sauf stipulation contraire, le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable, personne physique ou morale, pour recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition et y répondre emporte élection de domicile auprès de ce mandataire ; que, par suite, lorsqu'un tel mandat a été porté à la connaissance du service en charge de cette procédure, celui-ci est, en principe, tenu d'adresser au mandataire l'ensemble des actes de cette procédure ; qu'en particulier, le mandataire doit en principe être destinataire des plis par lesquels le service notifie au contribuable les redressements qu'il entend affecter aux bases de l'imposition du contribuable et les réponses qu'il formule aux observations présentées, le cas échéant, par l'intéressé sur ces redressements ; que, toutefois, l'expédition de tout ou partie des actes de la procédure d'imposition au domicile ou au siège du contribuable est réputée régulière et fait courir les délais de réponse à ces actes s'il est établi que le pli de notification a été effectivement retiré par le contribuable ou par l'un de ses préposés ; que Mme A a accusé réception le 3 octobre 2000 de la notification de redressement du 28 septembre 2000, au surplus annulée et remplacée par une nouvelle notification de redressement le 9 novembre 2000 ; que le moyen tiré de ce que cette notification du 28 septembre 2000 a seulement été adressée à Mme A au siège de son entreprise, alors qu'elle aurait dû l'être à son conseil, ne peut dès lors être accueilli ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement du 9 novembre 2000 adressée à Mme A et à son conseil s'est substituée à la notification de redressement du 28 septembre 2000 qui avait été adressée à Mme A en dépit du mandat donné à son conseil ; que l'administration fiscale n'était dès lors tenue de répondre qu'aux seules observations présentées sur cette notification de redressement du 9 novembre 2000 ; que Mme A qui n'a pas présenté d'observations en réponse à cette seconde notification de redressement ne saurait par suite utilement soutenir que la réponse du 22 février 2001 aux observations présentées le 30 octobre 2000 sur la notification de redressement du 28 septembre 2000 était insuffisamment motivée ;
Sur le bien-fondé des cotisations restant en litige :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) ;
Considérant que si la requérante n'était pas tenue d'avoir une caisse enregistreuse et une comptabilité matière, il lui incombait de procéder à l'enregistrement de ses recettes de manière à permettre la vérification de la concordance des ventes et des achats ; qu'il est constant que les bandes de caisse enregistreuse présentées à l'appui de la comptabilité mentionnaient seulement la catégorie d'articles, le nombre d'articles et le prix de vente, sans mentionner la dénomination des articles ou leur référence et qu'elles ne permettaient pas d'identifier précisément les articles vendus, sans que cette lacune ne fût compensée par un relevé détaillé des ventes effectuées ou par tout autre justificatif permettant de vérifier la concordance des ventes et des achats comptabilisés ; que, dès lors, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve dont elle a la charge de ce que la comptabilité de Mme A comportait de graves irrégularités la privant de toute valeur probante ; que l'administration fiscale était par suite fondée à écarter cette comptabilité, sans que pussent y faire obstacle les prévisions de la documentation administrative 4 G 3342 nos 13 à 17 du 15 mai 1993, lesquelles se bornent à énoncer que l'administration peut également écarter une comptabilité appuyées de justifications apparemment suffisantes lorsque des présomptions précises et concordantes permettent d'en contester la sincérité ; que les impositions restant en litige ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il appartient à Mme A d'apporter la preuve de leur exagération ;
Considérant que, pour procéder à la reconstitution des recettes, le vérificateur s'est basé sur un échantillon de 58 articles en vente dans la boutique de Mme A ; qu'à partir du nombre total d'articles en vente, de leur prix d'achat hors taxes et de leur prix de vente toutes taxes comprises, il a été déterminé un coefficient de marge moyen par catégorie d'articles ; que ce coefficient de marge moyen a été pondéré par le pourcentage d'achats revendus sur la période vérifiée déterminé à partir du volume d'achats revendus pour chaque catégorie d'articles, des factures d'achat présentées et de l'état des stocks d'entrée et de sortie ; que le coefficient de marge brute pondérée a ensuite été minoré afin de tenir compte de la marge plus réduite réalisée sur les produits soldés en période de soldes ; qu'enfin, il a été tenu compte des prélèvements de l'exploitante effectués à titre personnel, ainsi que des remises accordées aux clients hors période de soldes ; qu'une telle méthode n'est pas radicalement viciée dans son principe ;
Considérant que Mme A n'établit pas que l'échantillon de 58 articles retenus par le vérificateur serait insuffisamment représentatif pour permettre à ce dernier d'apprécier le montant réel de ses recettes ; que si elle soutient que les ventes de produits soldés représentaient 80 % des ventes du magasin en période de soldes, alors que le vérificateur avait retenu un pourcentage de 25 % seulement, les impositions restant en litige ont été établies, après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en retenant que les ventes de produits soldés représentaient 16 % des recettes totales, soit 46 % des recettes réalisées en période de soldes, nonobstant l'interdiction de solder certains articles imposée à la requérante par ses fournisseurs ; que les calculs théoriques de Mme A ne sont pas de nature à établir l'insuffisance de ce pourcentage ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant à sa charge au titre des années 1997, 1998 et 1999 ; que les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 4 du jugement du Tribunal administratif de Lyon nos 0502058 - 0502059 du 27 mars 2007 est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de Mme A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A restent assujettis au titre des années 1997, 1998 et 1999.
Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A restent assujettis au titre des années 1997 à 1999 et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Michèle A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 16 février 2010 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Monnier et Pourny, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 16 mars 2010.
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N° 07LY02990