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16/03/2010 | FRANCE | N°07LY02583

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 16 mars 2010, 07LY02583


Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2007, présentée pour M. Denis A, domicilié 2 bis, rue Petitot à Dijon (21000) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700073 du 20 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 10 novembre 2006 par laquelle le conseil municipal de Fontenelle a décidé de déplacer le monument aux morts situé devant l'église pour l'implanter sur une place publique de la commune dans le cadre du réaménagement de cette place ;

2°) d'annu

ler pour excès de pouvoir la délibération susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge d...

Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2007, présentée pour M. Denis A, domicilié 2 bis, rue Petitot à Dijon (21000) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700073 du 20 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 10 novembre 2006 par laquelle le conseil municipal de Fontenelle a décidé de déplacer le monument aux morts situé devant l'église pour l'implanter sur une place publique de la commune dans le cadre du réaménagement de cette place ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Fontenelle la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le législateur avait exclu le monument aux morts, regardé comme un monument funéraire, de l'interdiction générale d'élever ou d'apposer tout signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, posée par l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905, alors que le législateur n'a entendu exclure de cette interdiction que les monuments funéraires situés dans les cimetières ;

- c'est également à tort que les premiers juges n'ont pas tenu compte de l'existence d'une croix représentant le tiers de la taille du monument, qui a pour effet de lui ôter son caractère pour ne constituer qu'un monument de nature religieuse ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en intervention volontaire, enregistré le 19 mai 2008, présenté pour la fédération départementale de la libre pensée de la Côte d'Or, représentée par son secrétaire fédéral en exercice, dont le siège se situe maison des associations, BP 12, 2 rue des Corroyeurs à Dijon (21068 cedex) ; elle conclut, par les mêmes moyens que la requête, à l'annulation du jugement du 20 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de la délibération du 10 novembre 2006 par laquelle le conseil municipal de Fontenelle a décidé de déplacer le monument aux morts situé devant l'église pour l'implanter sur une place publique de la commune dans le cadre du réaménagement de cette place, et à l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération susmentionnée ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 juillet 2008, présenté pour la commune de Fontenelle, représentée par son maire en exercice, qui conclut au rejet de la requête de M. A et de l'intervention de la fédération départementale de la libre pensée de la Côte d'Or, et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A et de la fédération départementale de la libre pensée de la Côte d'Or, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en ce que la délibération en litige n'est qu'une application d'une précédente délibération, qui n'a pas été contestée ;

- l'intervention de la fédération départementale de la libre pensée de la Côte d'Or est irrecevable, dès lors que le contentieux, qui n'est pas commandé par le souci du respect du principe de laïcité, ne relève pas de l'objet social de l'association, à laquelle il appartient d'établir qu'elle jouit de la personnalité morale ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le monument aux morts constitue un monument funéraire, au sens des dispositions de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905, qui prévoient une exception au principe d'interdiction au profit de ce type de monument ;

- la croix qui est posée sur le sommet de l'édifice n'est pas de nature à dénaturer le monument ;

Vu l'ordonnance du 3 juillet 2009 par laquelle la date de clôture de l'instruction a été fixée au 4 septembre 2009 ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 septembre 2009, présenté pour M. A, qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, que sa requête est recevable, dès lors que le déplacement du monument aux morts n'a été décidé que lors de la séance du conseil municipal du 10 novembre 2006 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mars 2010 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

Considérant que, par une délibération du 10 novembre 2006, le conseil municipal de Fontenelle a décidé de déplacer le monument aux morts érigé, en 1923, sur un emplacement situé devant l'église, pour l'implanter sur une place publique de la commune dans le cadre du réaménagement de cette place ; que M. A, habitant de la commune de Fontenelle, fait appel du jugement du 20 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite délibération ; que devant la Cour de céans, la fédération départementale de la libre pensée de la Côte d'Or a formé une intervention au soutien des conclusions de la requête de M. A ;

Sur l'intervention de la fédération départementale de la libre pensée de la Côte d'Or :

Considérant que la fédération départementale de la libre pensée de la Côte d'Or, associée déclarée en préfecture ainsi qu'il ressort des pièces qu'elle a produites, représentée par son secrétaire fédéral, conformément à ses statuts, également produits, a pour objet, notamment, en vertu de l'article 2 modifié desdits statuts, de contribuer à sauvegarder ou à affermir le caractère laïque de notre Etat (...) en engageant, éventuellement, toutes actions à cet effet. ; qu'elle a, dès lors, intérêt à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de la délibération en litige, au motif allégué d'une violation des dispositions de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat, prohibant l'apposition de signes et emblèmes religieux sur les monuments publics et dans les emplacements publics ; que son intervention doit, par suite, être admise ;

Sur la requête de M. A :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête par la commune de Fontenelle ;

Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la distinction même faite par le législateur entre les terrains de sépulture dans les cimetières et les monuments funéraires , que cette dernière expression s'applique à tous les monuments destinés à rappeler le souvenir des morts, mêmes s'ils ne recouvrent pas de sépultures et quel que soit le lieu où ils sont érigés ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient M. A, le monument élevé à la mémoire des morts de la guerre de 1914-1918, initialement sur un emplacement situé devant l'église de ladite commune, doit être considéré comme un monument funéraire au sens des dispositions précitées de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905, nonobstant la circonstance qu'il n'a pas été érigé dans un cimetière ; que, par suite, l'apposition de signes ou emblèmes religieux sur ce monument n'était pas interdite par cet article ;

Considérant, en second lieu, qu'il appartient au maire, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, d'édicter des mesures locales nécessaires au maintien de l'ordre et de la tranquillité publics, et notamment d'interdire l'apposition sur le monument aux morts de la commune de signes ou emblèmes religieux de nature à enlever à ce monument son véritable caractère ; que, toutefois, la circonstance, à la supposer établie, que la présence, au sommet du monument aux morts de la commune de Fontenelle, d'une croix portant l'inscription Dieu - Patrie, pourrait être regardée, eu égard en particulier à sa taille et à ladite inscription, comme un emblème religieux de nature à enlever à ce monument son véritable caractère, est sans incidence sur la légalité, au regard des dispositions de la loi du 9 décembre 1905, de la délibération en litige, qui au demeurant n'a pas pour objet d'autoriser l'apposition d'un signe ou emblème religieux sur le monument, mais seulement le déplacement de ce monument, comportant dès l'origine une croix ; que M. A ne peut davantage se prévaloir utilement, à l'encontre de la délibération en litige, qui ne constitue ni une décision prise par le maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ni un refus par ledit maire de prendre une décision au titre de ces mêmes pouvoirs, de l'illégalité de ladite délibération au regard des pouvoirs de police du maire de la commune de Fontenelle ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de sa requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions de la commune de Fontenelle tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que la fédération départementale de la libre pensée de la Côte d'Or, intervenante volontaire, n'a pas la qualité de partie à la présente instance ; que, dès lors, les conclusions de la commune de Fontenelle tendant à ce que soit mise à la charge de ladite fédération départementale une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Fontenelle à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens ;

Sur l'amende pour recours abusif :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ; qu'il ressort des pièces du dossier que la requête présentée par M. A présente, dans les circonstances de l'espèce, le caractère d'un recours abusif au sens de cet article ; que, par suite, M. A doit être condamné à payer une amende de 1 000 euros sur le fondement desdites dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la fédération départementale de la libre pensée de la Côte d'Or est admise.

Article 2 : La requête de M. A est rejetée.

Article 3 : M. A est condamné à payer une amende de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Article 4 : M. A versera la somme de 1 500 euros à la commune de Fontenelle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le surplus des conclusions de la commune de Fontenelle tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Denis A, à la commune de Fontenelle et à la fédération départementale de la libre pensée de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2010, à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Reynoird et M. Seillet, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 16 mars 2010.

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N° 07LY02583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY02583
Date de la décision : 16/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : DOMINIQUE CLEMANG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-03-16;07ly02583 ?
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