Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2008, présentée pour M. et Mme Jacques A, domiciliés au ... ;
M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701066 du 25 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;
2°) de prononcer la décharge demandée et la restitution, avec intérêts de droit, des sommes ayant éventuellement déjà fait l'objet d'un règlement ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. et Mme A soutiennent que :
- l'administration, qui a constaté dans ses propositions de rectification que les opérations en cause étaient fictives et s'est située sur le terrain de l'abus de droit, n'a pas suivi la procédure de répression des abus de droit et ils n'ont pu ainsi bénéficier des garanties qui y sont attachées ;
- en vertu de la théorie de l'apparence, ils peuvent bénéficier pleinement du dispositif de déduction fiscal dès lors qu'ils ont été de bonne foi, ayant été victimes d'une escroquerie, et qu'il y avait une apparence de légalité des opérations effectuées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 20 janvier 2009, le mémoire en défense présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- l'administration ne s'est pas située sur le terrain de l'abus de droit et n'avait pas à suivre la procédure de répression d'abus de droit dès lors qu'elle n'a pas entendu dénoncer le caractère fictif d'un acte ou le fait qu'un acte ait été passé dans le seul but d'éluder l'impôt, qu'elle s'est bornée à constater le défaut de tout investissement en raison de l'absence de livraison des chauffe-eaux et que les requérants ne remplissaient pas ainsi l'une des conditions indispensables pour bénéficier des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; c'est à bon droit que le Tribunal ne s'est pas prononcé sur l'incidence du caractère fictif de l'opération ; au surplus, le contenu de la proposition de rectification qui qualifie de fictif la vente de chauffe-eaux solaires est sans incidence dès lors que lors de la phase juridictionnelle, l'administration s'est fondée sur le défaut de réalisation des investissements pour procéder aux redressements ;
- les redressements sont justifiés dès lors qu'il a été démontré que les investissements n'ont pas été réalisés, que les requérants ne remplissaient pas ainsi l'une des conditions exigées par l'article 199 undecies B du code général des impôts pour bénéficier de la réduction d'impôt, qu'ils ne peuvent se borner à prétendre que l'opération d'investissement avait une apparence de réalité pour bénéficier de cette réduction ; au demeurant, à supposer que la condition relative à l'acquisition ait été réalisée, la condition tenant à la conservation des investissements productifs pendant au moins cinq ans n'était pas également remplie compte tenu de ce que la SEP Europe a été dissoute le 31 octobre 2006 ;
- l'Etat n'étant pas la partie perdante, il ne peut être condamné sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, enregistré le 16 octobre 2009, le nouveau mémoire présenté pour M. et Mme A, qui concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que l'assemblée générale extraordinaire qui a prononcé la dissolution de la société s'est tenue après le contrôle, que cette circonstance ne peut ainsi être invoquée par l'administration pour valider le redressement et conforte par ailleurs son argumentation concernant l'application de la théorie de fait ;
Vu l'ordonnance en date du 1er octobre 2009, prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative fixant la clôture de l'instruction au 30 octobre 2009 à 16 h 30 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 janvier 2010 :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;
Considérant que M. A avait souscrit, le 25 novembre 2004, 103 648 parts sur 103 649 de la SEP Europe, immatriculée en Guyane, qui avait notamment pour objet, dans les secteurs visés par le dispositif législatif d'aide fiscale à l'investissement outremer, l'acquisition, la location de biens immobiliers ou mobiliers à caractère productif dont des appareils domestiques non électriques utilisant des énergies renouvelables ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet, l'administration a remis en cause, dans le cadre de la procédure contradictoire, la réduction d'impôt dont avaient bénéficié M. et Mme A sur le fondement de l'article 199 undecies B du code général des impôts en raison de l'acquisition par la SEP Europe auprès de la Sarl Solarinox, le 30 décembre 2004, de 136 chauffe-eaux fonctionnant à l'énergie solaire destinés à être installés chez des particuliers ; que, par le jugement attaqué du 25 mars 2008, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 à la suite de ce redressement ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices de revenus... ; qu'à supposer même, comme l'allèguent les requérants, que l'administration puisse être regardée comme ayant implicitement fondé le redressement en litige, lors des propositions de rectification adressées aux époux A et à la SEP Europe, sur le caractère fictif d'actes conclus par cette société, il résulte de l'instruction que, pour justifier le redressement litigieux, l'administration, tant dans sa décision du 20 avril 2007 rejetant la réclamation préalable des époux A, que devant le juge du fond, a fait valoir que la remise en cause du droit à déduction dont ont bénéficié les requérants au titre des revenus de l'année 2004 résultait uniquement de l'absence de réalisation de l'investissement de la SEP Europe et non de la remise en cause de la réalité d'un contrat ou d'une convention ; qu'ainsi l'administration ne s'est pas placée sur le terrain de l'abus de droit ; que, par suite, M. et Mme A ne sauraient utilement se prévaloir des garanties procédurales prévues par les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales régissant la procédure de répression des abus de droit ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux revenus de l'année 2004 : I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer... dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. / ... La réduction d'impôt est de 50 % du montant hors taxes des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique. Ce taux est porté à 60 % pour les investissements réalisés en Guyane dans les limites définies par les règles communautaires relatives aux aides d'Etat. ... Ces taux sont majorés de dix points pour les investissements réalisés dans le secteur de la production d'énergie renouvelable / ...Si, dans le délai de cinq ans de son acquisition ou de sa création ou pendant sa durée normale d'utilisation si elle est inférieure, l'investissement ayant ouvert droit à réduction d'impôt est cédé ou cesse d'être affecté à l'activité pour laquelle il a été acquis ou créé, ou si l'acquéreur cesse son activité, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année au cours de laquelle cet événement est intervenu. Le revenu global de cette même année est alors majoré du montant des déficits indûment imputés en application du I bis... ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au contribuable de remplir l'ensemble des conditions qui y sont définies dont notamment celle tenant à la réalisation effective des investissements neufs objet de cette réduction d'impôt ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la SEP Europe, qui a été placée en liquidation en 2006 et a été dissoute par l'assemblée générale extraordinaire du 31 octobre 2006, n'a pas réalisé effectivement les investissements objet de la réduction d'impôt en litige et qui portaient sur l'acquisition et la livraison en Guyane de 136 chauffe-eaux fonctionnant à l'énergie solaire ; qu'en l'absence de la réalisation effective de ces investissements, les époux A ne remplissaient donc pas l'une des conditions exigées par l'article 199 undecies B précité pour bénéficier de la réduction d'impôt prévue par ces dispositions, sans qu'ils puissent utilement soutenir que les opérations d'achat et de livraison des chauffe-eaux avaient à leur égard une apparence de légalité, qu'ils ignoraient qu'elles constituaient en réalité des opérations fictives et qu'ils ont été victimes d'une escroquerie ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la réduction d'impôt dont avaient bénéficié M. et Mme A au titre de l'année 2004 sur le fondement de l'article 199 undecies B du code général des impôts à raison de l'absence de réalisation effective des investissements ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande en décharge ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées leurs conclusions tendant au remboursement des sommes déjà versées avec les intérêts moratoires sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, ainsi que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Jacques A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2010, où siégeaient :
- M. Chanel, président de chambre,
- MM. Pourny et Segado, premiers conseillers,
Lu en audience publique, le 16 février 2010.
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N° 08LY01214
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