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11/02/2010 | FRANCE | N°07LY00371

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 11 février 2010, 07LY00371


Vu, enregistrée le 15 février 2007, la requête présentée pour M. Mohamed A, domicilié ... ;

Il demande à la Cour :

1°) la réformation du jugement n° 0204553 du Tribunal administratif de Grenoble du 22 décembre 2006 en tant qu'il a condamné le centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser la somme 22 457,83 euros ;

2°) de condamner le centre à faire droit à sa demande en portant cette somme à 143 241, 72 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2002 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire

de Grenoble le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de j...

Vu, enregistrée le 15 février 2007, la requête présentée pour M. Mohamed A, domicilié ... ;

Il demande à la Cour :

1°) la réformation du jugement n° 0204553 du Tribunal administratif de Grenoble du 22 décembre 2006 en tant qu'il a condamné le centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser la somme 22 457,83 euros ;

2°) de condamner le centre à faire droit à sa demande en portant cette somme à 143 241, 72 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2002 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;

Il soutient que :

- il a été victime d'une infection nosocomiale contractée au centre hospitalier ;

- l'ITT a duré du 25 septembre 1999 au 8 décembre 1999 ;

- il était enseignant mais n'a pu reprendre son poste à la rentrée scolaire 2002/2003, ayant été en arrêt de travail de septembre 1999 à septembre 2000 puis en mi temps thérapeutique jusqu'en juin 2001 avant de reprendre des taches accessibles entre 2001 et 2002 ;

- il devra être indemnisé de ses pertes de salaire de 7 457,83 euros ;

- au titre de l'ITT il a subi des troubles dans les conditions d'existence pour 1 143,37 euros ;

- une décompensation par suite de l'infection a eu lieu, cause d'IPP à 30% alors qu'il n'avait aucun antécédent psychiatrique, qui justifie une indemnité de 90 000 euros ;

- placé en congé de longue maladie et sur un poste de réadaptation, il est de nouveau en longue maladie depuis le 1er septembre 2007 et subit un manque à gagner de 3 293,33 euros par an, soit 26 346,64 euros ;

- son pretium doloris justifie une indemnité de 7 622, 45 euros ;

- son préjudice d'agrément est important, pouvant être indemnisé à hauteur de 7 622,45 euros et son préjudice moral s'élève à 3048, 98 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 26 juin 2007, le mémoire présenté par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche qui conclut à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné le centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser une somme de 7 490,86 euros ;

Vu, enregistré le 7 mai 2009, le mémoire en défense présenté pour le centre hospitalier universitaire de Grenoble qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme allouée à M. A au titre des troubles dans les conditions d'existence soit réduite ;

Il expose que :

- le requérant se borne à reproduire au titre de tous les chefs de préjudice allégués l'argumentation développée en première instance à l'exception de celle liée au préjudice professionnel ;

- il ne met pas à même la Cour d'apprécier les erreurs commises par le Tribunal ;

- il n'établit pas qu'au-delà de l'année scolaire 1999-2000 il aurait nécessairement bénéficié des rémunérations afférentes aux heures supplémentaires et à l'exercice de la fonction de professeur principal, le préjudice professionnel étant purement éventuel ;

- il n'est pas fondé à invoquer des pertes de salaires au-delà du 8 décembre 1999 ni une indemnité de 1 143,37 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence ;

- il n'établit pas qu'il y aurait un lien de causalité entre l'infection et ses troubles neurologiques ;

- les troubles dans les conditions d'existence et les préjudices d'agrément et moral ont été surévalués ;

Vu, enregistré le 12 mai 2009, le mémoire présenté pour la mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) qui conclut à ce que l'indemnité allouée soit portée à la somme de 6 308,21 euros, outre les intérêts légaux à compter du 7 décembre 2006, et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle expose que les sommes en cause sont en lien avec l'infection dont a été victime M. A ;

Vu, enregistrés les 26 et 30 octobre 2009, les mémoires complémentaires présentés pour M. A, qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, et porte sa demande indemnitaire à 211 277,83 euros, soutenant par ailleurs que :

- il a été placé en congé de longue maladie, n'exerçant plus la fonction d'enseignant ;

- tout espoir de progression de sa carrière a été anéanti ;

- il a été admis à la retraite pour invalidité avec reconnaissance de son inaptitude à exercer ses fonctions ;

- il a subi des pertes de gains importantes ;

Vu l'ordonnance en date du 5 novembre 2009 par laquelle la présidente de la 6ème chambre a fixé au 20 novembre 2009 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 janvier 2010 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les observations de Me Gerbi, avocat de M. A et de Me Demailly, avocat du centre hospitalier de Grenoble ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que M. A, enseignant né en 1949, qui souffrait de coliques néphrétiques a été admis le 19 septembre 1999 au service de néphrologie du centre hospitalier de Grenoble où, à la suite de l'apparition de fièvres, a été diagnostiquée une septicémie à staphylocoques dorés ; qu'il a saisi le Tribunal administratif de Grenoble qui, par un jugement du 22 décembre 2006, a estimé que cette infection nosocomiale révélait une faute du centre hospitalier dans l'organisation et le fonctionnement du service et l'a condamné à verser à l'intéressé une indemnité de 22 457,83 euros en réparation des conséquences dommageables de cette infection, et notamment des séquelles d'ordre psychiatrique ou neurologique dont il est resté atteint ; que par ce même jugement le Tribunal a alloué une indemnité de 17 688 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble, une indemnité de 3 449,67 euros à la mutuelle générale de l'éducation nationale et une indemnité de 7 490,86 euros à l'Etat ; que font appel de ce jugement M. A qui estime insuffisante l'indemnité allouée et, incidemment, le centre hospitalier, qui considère que les troubles neurologiques dont souffre l'intéressé sont sans lien avec l'infection nosocomiale, ainsi que la MGEN, qui conclut à la majoration de l'indemnité obtenue en première instance ;

Sur le préjudice indemnisable :

Considérant que lors de son hospitalisation, M. A a subi un déficit de motricité des membres supérieur et inférieur gauches provoqué par une méningite bactérienne en lien avec la septicémie à staphylocoques dorés contractée par l'intéressé ; que mis immédiatement sous traitement l'intéressé a vite récupéré mais se plaint depuis lors de troubles neuro-psycho-comportementaux ; qu'il résulte de l'instruction et en particulier de l'avis du sapiteur que s'est adjoint l'expert désigné par le Tribunal que si l'élément encéphalitique de la méningo-encéphalite dont a été victime M. A ne peut être établi, cet ensemble lésionnel et ses conséquences cliniques sont à l'origine de la modification de la personnalité antérieure jusque là parfaitement compensée de celui-ci ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, les troubles d'ordre psychiatrique ou neurologique dont souffre l'intéressé doivent, comme l'a jugé le Tribunal, être regardés comme en lien avec l'infection nosocomiale contractée initialement ;

Sur les droits à réparation de M. A et de la mutuelle générale de l'éducation nationale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du III de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 applicable aux évènements ayant occasionné des dommages et n'ayant pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée et, par suite, à la présente affaire : Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droits conservent contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droits les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. / Conformément à l'article 1152 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n 'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. / Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice (...) ;

Considérant qu'en application de ces dispositions le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et de recours subrogatoires de l'Etat ou d'organismes de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de l'Etat et de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'Etat et à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'Etat et l'organisme de sécurité sociale ne peuvent exercer leur recours que s'ils établissent avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence envisagées indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

Considérant que par la notification de débours et le certificat du médecin conseil qu'elle produit, la MGEN justifie avoir pris en charge les dépenses médicales et pharmaceutiques de son assuré en relation avec la faute commise par le centre hospitalier pour un montant total de 6 119,45 euros ;

Quant aux pertes de revenus :

Considérant que pour la période du mois d'octobre 1999 au mois de juin 2000, M. A justifie de pertes de revenus non réparées par les sommes versées à ce titre par la MGEN et par l'Etat, d'un montant de 7 457,83 euros, qui correspondent aux heures supplémentaires et aux fonctions de professeur principal dont il n'a pu s'acquitter ; que, en revanche, l'exercice de ces activités pour les années ultérieures ne pouvant être tenu pour certain, il ne justifie pas, en dépit de ses qualités, de pertes de revenus à ce titre ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point ;

Considérant que la MGEN justifie avoir versé à l'intéressé des allocations journalières pour un montant de 188,76 euros ; qu'il y a lieu de lui accorder cette somme ;

Quant à l'incidence professionnelle :

Considérant qu'en raison du handicap psycho-comportemental résultant de l'accident, M. A a perdu une chance de progression professionnelle dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 15 000 euros ;

En ce qui concerne le préjudice personnel de M. A :

Considérant que M. A a présenté, en lien avec la faute, une incapacité temporaire totale de soixante quinze jours entre septembre et décembre 1999 ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et alors que le taux d'incapacité permanente partielle de 30 % dont se prévaut l'intéressé n'est pas justifié, le Tribunal n'a pas inexactement apprécié les troubles provoqués par son état de santé dans les conditions de son existence, les souffrances endurées et ses préjudices d'agrément et moral en fixant à 15 000 euros la somme que doit supporter à ce titre le centre hospitalier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise, que les sommes de 22 457,83 euros et de 3 449,67 euros allouées par le Tribunal à M. A et à la MGEN doivent être portées respectivement à 37 457,83 euros et à 6 308,21 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que la MGEN a droit à ce que la somme qui lui est accordée porte intérêts à compter du 7 décembre 2006 ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Grenoble le paiement à M. A et à la MGEN d'une somme de 1 500 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 22 457,83 euros que le centre hospitalier de Grenoble a été condamné à verser à M. A par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 22 décembre 2006 est portée à 37 457,83 euros.

Article 2 : La somme de 3 449,67 euros que le centre hospitalier de Grenoble a été condamné à verser à la MGEN par l'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 22 décembre 2006 est portée à 6 308,21 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2006.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 22 décembre 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier de Grenoble versera à M. A et à la MGEN une somme de 1 500 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohamed A, au centre hospitalier de Grenoble, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, à la mutuelle générale de l'éducation nationale et au ministre de la santé et des sports.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 février 2010.

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N° 07LY00371


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY00371
Date de la décision : 11/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : BALESTAS et DETROYAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-02-11;07ly00371 ?
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