Vu, I, sous le n° 08LY01717, la requête enregistrée le 25 juillet 2008, présentée pour le PREFET DU RHÔNE ;
Le PREFET DU RHÔNE demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0803250, en date du 3 juillet 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé pour excès de pouvoir sa décision, en date du 8 avril 2008, fixant la Guinée comme le pays à destination duquel Mme Tiguida A pourra être reconduite d'office ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de Mme A tendant à l'annulation de cette décision ;
Il soutient que dès lors que les parents s'y opposent, les deux filles de la requérante ne courent pas le risque d'être excisées, aucune forme de contrainte n'étant par ailleurs établie ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 20 octobre 2008, présenté pour Mme A ; elle conclut :
- au rejet de la requête du PREFET DU RHÔNE ;
- à l'annulation de l'article 3 du jugement susmentionné en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du PREFET DU RHÔNE, en date du 8 avril 2008, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- à l'annulation pour excès de pouvoir de ces dernières décisions ;
- à ce qu'il soit enjoint au PREFET DU RHÔNE de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois, ou subsidiairement de lui délivrer une assignation à résidence avec droit au travail, dans le même délai, ou à tout le moins de réexaminer son dossier dans le même délai, sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour à lui délivrer dans un délai de huit jours ;
- à ce que la somme de 1 196 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la fixation de la Guinée comme pays de renvoi soumet ses filles à un risque d'excision, et méconnaît dès lors les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; elle méconnaît également l'intérêt supérieur de ces enfants, au sens des stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ils méconnaissent également l'intérêt supérieur de ses enfants, au sens des stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ; ils sont enfin entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- compte tenu de son état de santé, le refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'obligation de quitter le territoire français méconnaît quant à elle les dispositions de l'article L. 511-4 du même code ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2008, présenté pour le PREFET DU RHÔNE ; il conclut :
- au rejet des conclusions de Mme A ;
- à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme A, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- pour le surplus, aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Il ajoute que :
- il n'a pas porté d'atteinte excessive au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale ;
- la requérante peut obtenir les soins qui lui sont nécessaires dans son pays d'origine ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 novembre 2009, présenté pour Mme A ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu, II, sous le n° 08LY01718, la requête enregistrée le 25 juillet 2008, présentée pour le PREFET DU RHÔNE ;
Le PREFET DU RHÔNE demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0803249, en date du 3 juillet 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé pour excès de pouvoir sa décision, en date du 8 avril 2008, désignant la Guinée comme le pays à destination duquel M. Hera A pourra être reconduit d'office ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ;
Il soutient que dès lors que les parents s'y opposent, les deux filles de la requérante ne courent pas le risque d'être excisées, aucune forme de contrainte n'étant par ailleurs établie ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 20 octobre 2008, présenté pour M. A ; il conclut :
- au rejet de la requête du PREFET DU RHÔNE ;
- à l'annulation de l'article 3 du jugement susmentionné en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du PREFET DU RHÔNE, en date du 8 avril 2008, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- à l'annulation pour excès de pouvoir de ces dernières décisions ;
- à ce qu'il soit enjoint au PREFET DU RHÔNE de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois, ou subsidiairement de lui délivrer une assignation à résidence avec droit au travail, dans le même délai, ou à tout le moins de réexaminer son dossier dans le même délai, sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour à lui délivrer dans un délai de huit jours ;
- à ce que la somme de 1 196 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la fixation de la Guinée comme pays de renvoi soumet ses filles à un risque d'excision, et méconnaît dès lors les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît également l'intérêt supérieur de ces enfants, au sens des stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ils méconnaissent également l'intérêt supérieur de ses enfants, au sens des stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ; ils sont enfin entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2008, présenté pour le PREFET DU RHÔNE ; il conclut :
- au rejet des conclusions de M. A ;
- à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. A, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- pour le surplus, aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Il ajoute que :
- il n'a pas porté d'atteinte excessive au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale ;
- il n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants du requérant ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 novembre 2009, présenté pour M. A ; il conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2009 :
- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller,
- les observations de Me Rodrigues, avocat de M. et de Mme A,
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que, par deux jugements en date du 3 juillet 2008, le Tribunal administratif de Lyon, saisi par M. et par Mme A, d'une part a annulé les décisions du PREFET DU RHÔNE en date du 8 avril 2008 désignant la Guinée comme pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office, d'autre part a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes, qui tendaient également à l'annulation des refus de séjour qui leur avaient été opposés ainsi que des obligations de quitter le territoire français qui assortissaient ces refus ; que le PREFET DU RHÔNE interjette appel de ces jugements en tant qu'il a annulé ses décisions fixant le pays de renvoi ; que M. et Mme A, par la voie de l'appel incident, en interjettent appel en tant qu'ils ont rejeté le surplus de leurs conclusions ;
Considérant que les requêtes du PREFET DU RHÔNE présentent les mêmes questions à juger ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;
Sur les appels principaux du PREFET DU RHÔNE :
Considérant que, si l'excision pratiquée sur une personne contre sa volonté doit être regardée comme une pratique cruelle, dégradante et inhumaine, au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. et Mme A se bornent à produire des rapports généraux qui font état d'un maintien d'une pratique de l'excision dans certaines régions de la Guinée, en dépit de sa prohibition par le code pénal guinéen, sans fournir aucune précision personnelle ni aucun élément les concernant, de nature à établir que leurs filles encourraient effectivement ce risque en cas de retour en Guinée, alors même qu'ils affirment être tous deux opposés à cette pratique ; que, dès lors, c'est à tort que le Tribunal administratif de Lyon s'est fondé, pour annuler les décisions fixant la Guinée comme pays de renvoi, sur ce qu'elles feraient courir à leurs filles un risque d'excision, contraire aux stipulations de l'article 3 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. et Mme A contre les décisions fixant le pays de renvoi, tant en première instance qu'en appel ;
Considérant, en premier lieu, que les décisions fixant la Guinée comme pays de destination exposent les éléments de fait et de droit sur lesquels elles se fondent ; qu'elles sont dès lors suffisamment motivées ;
Considérant, en second lieu, que dès lors que le risque d'excision forcée des filles de M. et Mme A n'est pas établi, le moyen tiré de ce que ce risque d'excision méconnaîtrait leur intérêt supérieur au sens des stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ; qu'il en est de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'appel incident de Mme A :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, que si le médecin inspecteur de santé publique, consulté par le préfet, a mentionné que l'état de santé de Mme A nécessitait une prise en charge médicale, il a toutefois relevé que son absence n'entraînerait pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'en tout état de cause ces soins pouvaient être prodigués dans le pays d'origine de l'intéressée ; qu'au surplus, il a, en septembre 2007, constaté que cette prise en charge ne s'imposait que pour une durée de six mois ; que les certificats médicaux produits par la requérante, qui n'évoquent que des troubles urinaires majorés par un état de grossesse, ne contredisent pas ces appréciations ; que le PREFET DU RHÔNE n'a, en conséquence, pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, née en Guinée en 1984 et de nationalité guinéenne, est entrée en France en 2002 ; que son époux, né en Guinée en 1976 et également de nationalité guinéenne, était pour sa part entré en France en 2000 ; que leurs demandes d'asile ayant été rejetées, ils se sont néanmoins maintenus en situation irrégulière, en dépit des refus de séjour et des arrêtés de reconduite à la frontière dont ils ont fait l'objet ; que Mme A a seulement été autorisée à séjourner en France pour une durée de six mois, de mai à novembre 2006, en raison de son état de santé ; qu'à la date de la décision attaquée, le couple avait trois enfants, nés respectivement en 2002, 2004 et 2007 ; que Mme A a elle-même indiqué que le reste de sa famille était demeuré dans son pays d'origine ; qu'eu égard à la durée et aux conditions de son séjour, le PREFET DU RHÔNE n'a pas, en refusant en avril 2008 à Mme A la délivrance d'un titre de séjour, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, eu égard aux buts que sa décision poursuivait ; que, pour les mêmes motifs, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante ;
Considérant, enfin, que pour les mêmes motifs, le PREFET DU RHÔNE n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur des enfants de Mme A, nonobstant la seule circonstance que certains d'entre eux auraient fait l'objet d'une brève scolarisation en France à la date de sa décision ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant, en premier lieu, que pour les motifs qui viennent d'être indiqués concernant l'état de santé de Mme A, le PREFET DU RHÔNE n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en second lieu, que pour les motifs qui ont été exposés, le PREFET DU RHÔNE n'a pas davantage porté une atteinte excessive au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ; qu'il n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants ;
Sur l'appel incident de M. A :
Considérant que, pour les motifs qui viennent d'être exposés, les moyens tirés de la méconnaissance du droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale, de la méconnaissance de l'intérêt supérieur de ses enfants, et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions attaquées sur sa situation personnelle doivent être écartés ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le PREFET DU RHÔNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions fixant le pays de renvoi ; qu'en revanche, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les mêmes jugements, le Tribunal a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que la présente décision, qui, d'une part confirme le rejet par le Tribunal des conclusions à fin d'annulation des refus de séjour opposés à M. et Mme A ainsi que des obligations de quitter le territoire français assortissant ces refus, d'autre part rejette leurs conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions fixant le pays de renvoi, n'appelle pas de mesures d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme A doivent dès lors être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, en premier lieu, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A la somme demandée par le PREFET DU RHÔNE au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par le PREFET DU RHÔNE et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 0803250 du Tribunal administratif de Lyon en date du 3 juillet 2008 est annulé.
Article 2 : L'article 1er du jugement n° 0803249 du Tribunal administratif de Lyon en date du 3 juillet 2008 est annulé.
Article 3 : Les conclusions des demandes de M. et de Mme A tendant à l'annulation des décisions fixant le pays de renvoi en date du 8 avril 2008 sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes du PREFET DU RHÔNE est rejeté.
Article 5 : Les conclusions incidentes de M. et de Mme A sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au PREFET DU RHÔNE.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2009 à laquelle siégeaient :
Mme Verley-Cheynel, président de la formation de jugement,
MM. Picard et Stillmunkes, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 14 janvier 2010.
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