Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2007 par télécopie et régularisée le 12 avril 2007, présentée pour M. Carlos A, domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0201466 du Tribunal administratif de Grenoble du 19 décembre 2006 rejetant le surplus de sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994, 1995, 1996 et 1997, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal a jugé qu'il était domicilié fiscalement en France ; le lieu de son séjour principal, au sens de l'article 4 de la convention franco-espagnole, ne peut être déterminé ;
- il a exercé au cours des années litigieuses son activité professionnelle en Espagne où il possédait une base fixe et où ont été régulièrement déclarées et imposées les commissions qu'il a perçues en raison de cette activité ; les stipulations du 1. de l'article 14 de la convention franco-espagnole faisaient obstacle à son imposition en France ;
- le Tribunal a écarté à tort le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales en se fondant sur le fait qu'il était domicilié en France alors qu'il ne pouvait être déduit de ce fait qu'il exerçait aussi son activité professionnelle dans ce pays ;
- il a démontré l'exagération du montant des recettes reconstituées par le vérificateur ; ce dernier ne pouvait taxer des sommes supérieures au montant qu'il a déclaré en Espagne qu'il a justifié compte tenu des pièces produites ; le vérificateur n'a pas pris en considération les informations recueillies dans le cadre de l'assistance administrative ainsi que le livre de recettes confirmant les montants déclarés en Espagne ; le vérificateur n'a pas fait de rapprochement avec les crédits enregistrés sur le compte ouvert auprès d'une banque espagnole ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 28 novembre 2007, le mémoire en défense présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que le lieu de résidence habituelle de M. A était situé en France et qu'il y était fiscalement domicilié au titre des années litigieuses tant au regard des dispositions du 1. de l'article 4 B du code général des impôts qu'au regard des stipulations de l'article 4 de la convention franco-espagnole, compte tenu de ce que son foyer ou le lieu de séjour principal était en France, qu'il y exerçait une activité professionnelle et y avait le centre de ses intérêts économiques ;
- l'administration a établi, au vu des pièces saisies, que M. A exerçait à partir d'une base fixe en France, au sens de l'article 14 de la convention franco-espagnole, une activité d'intermédiaire au cours des années litigieuses ; les recettes y afférentes étaient imposables en France en vertu de ces stipulations ; la circonstance qu'il aurait acquitté des impositions en Espagne au titre de la même période ne permet pas d'établir que ces impositions correspondraient à des opérations d'entremise qui auraient été taxées à la fois en France et en Espagne ;
- le requérant ayant exercé une activité occulte en France, le délai de reprise de l'administration a été régulièrement étendu au delà du délai habituel de trois ans en vertu de l'article L. 169 alinéa 2 du livre des procédures fiscales ;
- le requérant, à qui incombe la charge de la preuve en vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, n'établit pas le caractère exagéré de la reconstitution de recettes effectuée à partir de l'ensemble des factures de ventes de carrelages saisies et compte tenu des motifs du jugement du Tribunal correctionnel de Grenoble du 25 novembre 2003 ; l'administration n'a pas été en possession du livre de recettes invoqué par le requérant et qui n'est pas probant ;
- l'Etat n'étant pas la partie perdante, il ne saurait être utilement condamné sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, le nouveau mémoire enregistré le 11 avril 2008 reçu par télécopie et régularisé, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que :
- l'appréciation de la notion de domicile fiscal au sens de l'article 4 B du code général des impôts doit être appréciée uniquement en fonction de sa situation personnelle et non de celle de son épouse et par période d'imposition ;
- l'administration ne justifie pas qu'il a exercé une activité en France à partir de locaux professionnels situés à Grenoble ;
- concernant la reconstitution de recettes, le taux des commissions versées par le client Azulindus et Marti représente un taux de 5% sur l'année civile, les commissions étaient partagées avec M. B, les attestations fournies confortent les éléments qu'il a déclarés et les commissions versées par les entreprises espagnoles ont fait l'objet de retenues à la source ;
- le jugement du tribunal correctionnel de Grenoble qui porte sur l'année 1998 ne peut être invoqué pour des années antérieures ;
- les impositions résultent de l'exploitation de documents recueillis au cours de visites et de saisies menées à son encontre en application des dispositions de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales lesquelles violent les stipulations du §1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme rendu le 21 février 2008 ;
Vu, enregistré le 21 novembre 2008, le nouveau mémoire présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que :
- concernant la résidence fiscale en France, les importantes dépenses de train de vie relevées en France ne sauraient être imputées à sa seule épouse ;
- l'exercice d'une activité d'entremise constante en France est établi à partir du nombre important de documents comportant l'adresse de Grenoble du contribuable qui ont été saisis par la direction nationale d'enquêtes fiscales et dont il produit un échantillon ;
- concernant la méthode de reconstitution de recettes, le vérificateur n'était pas en possession du livre de recettes dont se prévaut l'intéressé et le taux de commission retenu de 10% correspond à celui figurant dans un courrier d'un de ses clients daté du 10 août 1992 et est cohérent avec le taux moyen de rémunération constaté en 1998 en ce qui concerne les commissions versées par Azulindus y Marti qui constitue l'un de ses principaux clients ;
- les faits relevés par le juge pénal pour la seule année 1998 relatifs à l'exercice de son activité professionnelle en France sont transposables aux années précédentes ;
- il appartient à M. A de faire usage ou non de la faculté de faire appel ouverte par la loi du 4 août 2008 qui a modifié l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales afin de tirer les conséquences de l'arrêt de la la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 21 février 2008 Ravon ;
Vu, le nouveau mémoire enregistré le 5 décembre 2008 reçu par télécopie et régularisé, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que :
- concernant la méthode de reconstitution, l'administration n'a utilisé que les documents à charge et non tous ceux qui étaient en sa possession lesquels établissent le caractère exagéré des taux de commission ; les commissions ont été déclarées par les entreprises espagnoles et ont fait l'objet d'une retenue à la source ;
- il se réserve le droit dans le délai de deux mois à compter de la réception du mémoire en réplique du 21 novembre 2008 de faire usage de la faculté de faire appel contre l'ordonnance d'autorisation de visite et contre le déroulement des opérations de visite de saisie prévue par la loi du 4 août 2008 ;
Vu, le nouveau mémoire enregistré le 29 janvier 2009 reçu par télécopie et régularisé, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que la reconstitution de recettes a été effectuée à partir de l'ensemble des factures de vente saisies chez le contribuable, que ce dernier n'apporte pas la preuve que les recettes reconstituées feraient partiellement double emploi avec des commissions qui auraient été déclarées en Espagne, que le taux de commission de 10% est justifié ;
Vu, le nouveau mémoire enregistré le 26 mars 2009 reçu par télécopie et régularisé, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que :
- les recettes reconstituées ont pris en compte les commissions perçues au titre de son établissement stable situé en Espagne qui ont été versées par ses clients espagnols, déclarées à l'administration fiscale espagnole et fait l'objet d'une retenue à la source par ces sociétés ;
- à supposer que le domicile fiscal soit en France, l'administration devait appliquer les stipulations de l'article 24-1-a-i de la convention du 10 octobre 1995 par l'imputation d'un crédit d'impôt égal à l'impôt français ;
- la méthode de détermination du taux de commission retenue par le vérificateur est erronée et il justifie que ce taux est excessif ;
- l'importance des débits bancaires portés sur le compte du crédit lyonnais ne saurait établir l'existence de son domicile fiscal en France alors que ces débits prennent en compte des investissements immobiliers réalisés directement par son épouse, des virements de compte à compte, des loyers encaissés par son épouse pour le compte de ses enfants et les dépenses correspondantes ;
Vu, le nouveau mémoire enregistré le 11 mai 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que :
- le requérant n'établit toujours pas qu'il a été taxé à la fois en France et en Espagne au titre des mêmes opérations d'entremise ;
- le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'article 24-1 a-i de la convention du 10 octobre 1995 dès lors que les rappels d'impôt en litige ont été calculés sur des base qui ne comportent aucun revenu de source espagnole ;
- les débits portés sur le compte bancaire du Crédit Lyonnais retraçant de nombreuses dépenses de train de vie et des investissements immobiliers confortent l'existence d'une domiciliation fiscale en France du requérant ;
Vu l'ordonnance en date du 3 juillet 2009 fixant la clôture d'instruction au 21 août 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu, le nouveau mémoire enregistré le 22 juillet 2009 reçu par télécopie et régularisé, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre qu'il peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 24 de la convention dès lors que la reconstitution opérée par le vérificateur tient nécessairement compte des revenus attribués à l'Espagne et imposés dans ce pays ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention franco-espagnole susvisée, signée à Madrid le 27 juin 1973 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2009 :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;
Considérant qu'en vertu d'ordonnances des 22 juillet 1998 et 27 novembre 1998 prises par les présidents des tribunaux de grande instance de Grenoble, Bourgoin-Jallieu et Marseille, l'administration a, dans le cadre de la procédure organisée par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, procédé à des perquisitions et des saisies concernant M. A dans des garages lui appartenant à Grenoble, au siège de la société Brookdale, société de droit néerlandais représentée par M. A à Grenoble, au siège de l'office notarial de la SCP Valeron-Degugis-Desgranges, au Crédit Lyonnais à Grenoble, dans la résidence secondaire des époux A à Charavines (Isère) et chez Mme C, fille de M. A, à Marseille ; qu'en conséquence des constatations ainsi opérées, l'administration a procédé, d'une part, à une vérification de comptabilité de M. A, qui exerçait une activité d'intermédiaire ou de représentant pour le compte de fournisseurs majoritairement situés en Espagne à destination de clients situés dans des départements d'outre-mer français, sur la période du 1er janvier 1994 au 31 mars 1999 et, d'autre part, à un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle pour les années 1996, 1997 et 1998 ; que M. A relève appel du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 19 décembre 2006 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994, 1995, 1996 et 1997, ainsi que des pénalités y afférentes ;
Sur le domicile fiscal:
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française et qu'aux termes de l'article 4 B du même code : 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. ; que, pour l'application des dispositions du paragraphe a) du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des années en litige, les époux A ont disposé en France d'une résidence principale à Grenoble, où résidaient également leurs deux enfants majeurs, ainsi que d'une résidence secondaire à Charavines ; que Madame A habitait de façon permanente dans ces résidences dont elle était propriétaire et possédait deux véhicules immatriculés dans le département de l'Isère, M. A disposant en France d'un de ces deux véhicules selon un contrat d'assurance le désignant comme conducteur principal et indiquant Grenoble comme lieu de stationnement habituel ; que M. A avait ainsi, pour les années en litige, son foyer en France au sens du a) de l'article 4 B du code général des impôts et devait être ainsi regardé comme ayant son domicile fiscal en France, alors même qu'il disposait d'un appartement et de locaux en Espagne où il exerçait une activité d'agent commercial, quelle qu'ait été la durée respective de ses séjours dans ces pays et sans qu'il puisse utilement se prévaloir de son régime matrimonial de séparation des biens ; qu'il était donc en principe passible de l'impôt sur le revenu en France pour l'ensemble de ses revenus sur le fondement des dispositions précitées des articles 4 A et 4 B du code général des impôts à moins qu'il n'établisse que ses revenus sont imposables en Espagne en raison des stipulations de la convention franco-espagnole relatives au domicile fiscal ;
En ce qui concerne l'application de la convention franco-espagnole :
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la convention franco-espagnole susvisée, signée à Madrid le 27 juin 1973 1. Au sens de la présente Convention, l'expression résident d'un Etat contractant désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a) Cette personne est considérée comme un résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent. Lorsqu'elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; b) Si l'Etat où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou qu'elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractant, elle est considérée comme un résident de l'Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle ; c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des Etats contractants ou qu'elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme un résident de l'Etat dont elle possède la nationalité ; (...) ; qu'il résulte de ces stipulations que, lorsqu'une personne qui entre dans leur champ d'application a un foyer d'habitation permanent en France et en Espagne, elle est imposable dans celui de ces deux Etats où elle a, en outre, le centre de ses intérêts vitaux, ou bien, si ce centre ne peut être déterminé avec certitude, dans celui où elle séjourne habituellement ou , à défaut, dans celui dont elle possède la nationalité ; qu'il résulte également de ces stipulations, que toute résidence dont une personne dispose de manière durable est, pour elle, au sens de la convention, un foyer d'habitation permanent ;
Considérant qu'il est constant que M. A avait été imposé en Espagne à l'impôt sur le revenu au cours des années litigieuses à raison des revenus provenant de son activité d'agent commercial exercée dans ce pays ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que le requérant, qui avait aussi son domicile fiscal en France en vertu des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts précitées, était également résident en France au sens du 1. des stipulations précitées ; que, par suite, M. A était ainsi résident des deux états au sens du 1. de l'article 4 de la convention ; que, pendant les années vérifiées, M. A disposait de manière durable et permanente d'une résidence en France, à Grenoble et d'un appartement en Espagne, à Salou, qui constituaient, tous deux, des foyers d'habitation permanents au sens de la convention précitée ; que si M. A fait valoir que le centre de ses intérêts vitaux se situait en Espagne dès lors que la grande majorité de ses donneurs d'ordres y étaient établis et qu'il y disposait de revenus, d'un compte bancaire et des biens immobiliers et de valeurs mobilières, il résulte, toutefois, de l'instruction que, compte tenu de ses liens personnels et économiques en France, le centre de ses intérêts vitaux se trouvait dans ce pays où habitaient de manière permanente son épouse ainsi que ses deux enfants majeurs, où son foyer fiscal détenait plusieurs comptes bancaires et, par rapport à l'Espagne, un patrimoine immobilier bien plus important, où étaient établis les clients des entreprises pour lesquels il servait d'intermédiaire, et où il y exerçait aussi, à partir de sa résidence de Grenoble, une activité d'agent commercial lui procurant des revenus nettement supérieurs à ceux déclarés en Espagne ;
Considérant que, dans ces conditions, les liens personnels et économiques étant les plus étroits en France, le requérant doit être regardé comme étant un résident de France au sens du a) du 2. de l'article 4 de la convention précitée où il se trouvait, par conséquent, fiscalement domicilié tant au regard des dispositions du code général des impôts que des stipulations de la convention franco-espagnole précitées ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée, en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts (...) à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie. II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance (...).L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite, à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal prévu au IV (...) IV. Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur le champ par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu (...) Si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés. L'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés qui a lieu en présence de l'officier de police judiciaire ; l'inventaire est alors établi. V. Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont, dès qu'ils ont été établis, adressés au juge qui a autorisé la visite ; une copie de ces mêmes documents est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant. Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des locaux dans les six mois de la visite (...) VI. L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en oeuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L 47. ;
Considérant que M. A soutient que les redressements litigieux ont été pris sur le fondement des éléments saisis par l'administration en usant de la procédure définie par l'article L. 16 B précité alors qu'en vertu de l'arrêt de la cour européenne des droits de l'homme du 21 février 2008 Ravon et autres, cet article a violé les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de la seule possibilité qui était offerte aux personnes concernées par ces opérations de visite et saisie de se pourvoir en cassation contre la décision d'autorisation des visites ainsi que des modalités de contrôle par le juge des mesures d'exécution de ces opérations ;
Considérant qu'il résulte toutefois des dispositions du IV de l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, que les personnes visées par une ordonnance ou par des opérations de visite et de saisie prises sur le fondement de l'article L. 16 B et pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de cette loi, bénéficient de la possibilité de faire appel contre cette ordonnance alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ainsi que de former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie devant le premier président de la cour d'appel dans le délai de deux mois à compter de la notification d'un courrier de l'administration les informant de l'existence de ces voies de recours et, en l'absence d'une telle information de la part de l'administration, sans condition de délai ; que l'administration a informé M. A de ces possibilités ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un appel ait été introduit à l'encontre des ordonnances autorisant les visites domiciliaires ; qu'ainsi, dès lors que le requérant a été mis à même d'obtenir un contrôle effectif, en fait et en droit, de la régularité des décisions prescrivant les visites ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur leur fondement, la circonstance que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008, méconnaissait les stipulations de l'article 6 § 1 n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
S'agissant de la mise en oeuvre par l'administration du délai spécial de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ;
Considérant qu'il résulte notamment des éléments recueillis dans le cadre de la procédure organisée par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dont de nombreux courriers et télécopies adressés au fournisseurs et clients ainsi que des factures sur lesquels figuraient l'adresse et des coordonnées téléphoniques correspondant à sa résidence grenobloise, que le requérant exerçait en France, au cours de ces années 1994 à 1997, une activité d'intermédiaire ou de représentant pour le compte de fournisseurs de matériaux de construction, surtout de carrelage, majoritairement situés en Espagne, à destination de clients français, à partir de sa résidence principale grenobloise où un bureau était aménagé à cette fin qui, contrairement à ce qu'allègue le requérant, ne revêtait pas un caractère accessoire ; qu'il est constant que M. A n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire à raison de son activité d'agent commercial ainsi exercée en France et qu'il ne s'est pas fait connaître au centre des formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ; que, par suite, l'administration était fondée en 1999 à exercer son droit de reprise sur les revenus du requérant des années 1994 et 1995 provenant de cette activité ;
S'agissant de la reconstitution du chiffre d'affaires :
Considérant que les redressements dont M. A a fait l'objet au titre des impositions en litige portent sur les revenus tirés de son activité d'agent commercial exercée en France et imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en vertu des dispositions de l'article 92 du code général des impôts ; que ces redressements lui ont été notifiés à la suite d'une procédure d'imposition d'office ; qu'en vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des cotisations supplémentaires d'impôt mises à sa charge lui incombe ;
Considérant que pour reconstituer les recettes de cette activité d'agent commercial exercée en France, l'administration s'est fondée, en l'absence de toute information de la part du contribuable sur le chiffre d'affaires réalisé et sur ses conditions d'exploitation, sur les documents saisis par la brigade d'intervention interrégionale de Lyon dans le cadre de la mise en oeuvre des procédures de l'article L. 16 B, et notamment sur l'ensemble des factures de vente de carrelages saisies chez le contribuable qui ont servi à déterminer, pour chacune des années en litige, le montant du chiffre d'affaires réalisé pour ses nombreux fournisseurs à destination des clients français auquel elle a appliqué un taux de commission de 10% ;
Considérant, en premier lieu que, pour critiquer cette reconstitution, M. A fait valoir que le vérificateur n'aurait pas pris en compte l'ensemble des informations obtenues par l'administration dans le cadre de l'assistance administrative, que les montants des commissions ne pouvaient être supérieurs à ceux déclarés en Espagne, que ces montants étaient corroborés par un livre de recettes tenu par ses soins et par le fait que l'examen de sa situation fiscale personnelle n'a pas révélé l'existence de commissions sur ses comptes bancaires autres que celles portées sur ses déclarations professionnelles en Espagne ; que, toutefois, les pièces produites par le requérant, notamment les déclarations déposées auprès des services fiscaux espagnols, les attestations de certains des fournisseurs espagnols rédigées postérieurement aux redressements en litige ou des tableaux récapitulatifs établis par ses soins et le livre de recettes qui ne concerne qu'un seul de ses fournisseurs, ne sont appuyées par aucune facture mentionnant le montant des commissions versées ou aucun élément probant ; qu'elles ne permettent pas ainsi d'établir que les opérations que l'administration a prises en compte dans la détermination du chiffre d'affaires à partir des factures saisies à son domicile français ne se rattachaient pas à son activité réalisée en France et devaient être exclues du montant des recettes reconstituées et que le montant des recettes retenu pour chacune des années en litige revêtait un caractère excessif ;
Considérant, en second lieu, que le vérificateur a retenu un taux de commission de 10% qui correspond au taux figurant dans un contrat commercial conclu avec l'entreprise Henagres ainsi qu'au taux moyen des commissions perçues au titre de l'année 1998 de la société Azulindus y Marti établi à partir des documents communiqués par les autorités espagnoles dans le cadre de l'assistance administrative internationale recensant des taux de commission variant de 0,38% à 20,57% ; que les pièces transmises par le requérant, notamment un livre de recettes, des attestations de certains des fournisseurs espagnols rédigées postérieurement aux redressements litigieux, des tableaux chiffrés concernant le versement de commissions qui auraient été déclarées aux autorités espagnoles, n'établissent pas que le taux ainsi retenu par l'administration était excessif et devait être fixé à 5% alors que ne sont produits ni les factures ni les contrats conclus avec ses clients relatifs aux commissions dues ; qu'il ne justifie pas en outre ses allégations quant à un partage avec M. B des commissions versées par ses clients ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune des critiques susmentionnées n'est de nature à établir le caractère radicalement vicié ou même excessivement sommaire de la méthode retenue par le vérificateur, ni le caractère exagéré des impositions contestées ;
En ce qui concerne l'application de la convention franco-espagnole :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention franco-espagnole susvisée alors applicable: 1. Les revenus qu'un résident d'un Etat contractant tire d'une profession libérale ou d'autres activités indépendantes de caractère analogue ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que ce résident ne dispose de façon habituelle dans l'autre Etat contractant d'une base, les revenus sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à ladite base fixe... ;
Considérant, que si M. A soutient, sans être contredit, qu'il exerçait aussi une activité d'agent commercial en Espagne depuis un bureau situé à Salou (Tarragone) revêtant la nature d'activité indépendante au sens de l'article 14 de la convention franco-espagnole précitée et dont les revenus auraient été imposés en Espagne suivant ses déclarations, il ne résulte cependant pas de l'instruction que les revenus imposés en France qui ont été reconstitués à partir des éléments saisis à son domicile grenoblois auraient été imputables, en tout ou partie, à cette base fixe située en Espagne ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que les revenus non commerciaux résultant de son activité d'agent commercial exercée en France et reconstitués par l'administration étaient imposables, même pour partie, en Espagne en vertu des stipulations conventionnelles de l'article 14 précitées ;
Considérant, en second lieu, que M. A ne peut utilement se prévaloir à l'encontre des impositions litigieuses relatives aux revenus afférents aux années 1995, 1996 et 1997, des stipulations du i) du a) du 1. de l'article 24 de la convention franco-espagnole signée le 10 octobre 1995 dès lors qu'en vertu de l'article 32 de ladite convention, elles trouvaient à s'appliquer pour la première fois, en ce qui concerne les impôts sur le revenu, aux revenus afférents à l'année 1998 qui n'est pas en litige en appel ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Grenoble n'a fait que partiellement droit à sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Carlos A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2009, où siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Monnier et Segado, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2009
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N° 07LY00759