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26/11/2009 | FRANCE | N°07LY00067

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 26 novembre 2009, 07LY00067


Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2007, présentée pour M. Mourad A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0203843 du 3 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser une indemnité de 18 500 euros qu'il estime insuffisante, en réparation des conséquences dommageables des soins qu'il a reçus dans cet établissement le 29 décembre 1999 ;

2°) de porter la condamnation du centre hospitalier universitaire de Grenoble à la somme de 41

758,31 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts,

3°) de...

Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2007, présentée pour M. Mourad A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0203843 du 3 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser une indemnité de 18 500 euros qu'il estime insuffisante, en réparation des conséquences dommageables des soins qu'il a reçus dans cet établissement le 29 décembre 1999 ;

2°) de porter la condamnation du centre hospitalier universitaire de Grenoble à la somme de 41 758,31 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts,

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Grenoble une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a engagé la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Grenoble à raison de l'infection nosocomiale dont il a été victime ; que les premiers juges ont en revanche sous-évalué ses préjudices ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 6 octobre 2008, le mémoire présenté pour le centre hospitalier universitaire de Grenoble qui conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, au rejet de la demande de M. A et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble présentées devant le tribunal administratif et au rejet de la requête ; il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont engagé sa responsabilité, l'infection contractée par M. A n'étant pas d'origine nosocomiale dès lors que les germes responsables étaient déjà présents dans son organisme antérieurement à l'opération du 29 décembre 1999 ; que, subsidiairement, les indemnités allouées à la victime et à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble sont excessives ;

Vu, enregistré le 8 janvier 2009, le mémoire présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; il soutient en outre qu'il n'était porteur d'aucun germe avant l'intervention du 29 décembre 1999 ;

Vu, enregistré le 2 février 2009, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble, qui conclut à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité la condamnation du centre hospitalier universitaire de Grenoble à la somme de 14 602,83 euros au titre des débours exposés pour le compte de M. A, à ce que ladite condamnation soit portée à la somme de 18 200,56 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, à ce que le centre hospitalier lui verse l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que rien ne permet de présumer que M. A était porteur de germes infectieux préalablement à l'intervention du 29 décembre 1999 ; que les prestations exposées pour le compte de M. A s'élèvent à la somme dont elle demande le remboursement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2009 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;

- les observations de Me Amblard, avocat de M. Mourad A et de Me Demailly, avocat du centre hospitalier de Grenoble ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Sur la responsabilité :

Considérant que pour contester, par la voie de l'appel incident, le principe de sa responsabilité, le centre hospitalier universitaire de Grenoble reprend en appel ses arguments de première instance ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en retenant la responsabilité du centre hospitalier dans la survenue de l'infection dont M. A a été victime, après avoir écarté l'allégation d'une autre origine ; qu'il suit de là, que le centre hospitalier régional universitaire de Grenoble n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble l'a déclaré responsable des conséquences dommageables de l'infection contractée par M. A lors de l'intervention chirurgicale pratiquée le 29 décembre 1999 dans ses services ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007 le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste du préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste du préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux frais médicaux :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble justifie avoir exposé un montant de 11 124,36 euros au titre des frais des hospitalisations du 19 janvier 2000 au 9 juin 2000 dont il résulte de l'instruction qu'elles sont en lien avec le processus infectieux imputable au centre hospitalier ; que la caisse justifie également, en appel, que les autres frais médicaux, pharmaceutiques et de transports dont elle demande le remboursement pour un montant de 3 597,73 euros sont en lien avec ladite infection ;

Quant aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a subi une période d'incapacité temporaire totale du 19 janvier au 28 juin 2000 dont il n'est pas sérieusement contesté qu'elle est en lien avec l'infection en litige ; que M. A n'apporte aucun élément relatif à une perte de revenu ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble justifie quant à elle avoir versé, du 19 janvier au 7 juin 2000, des indemnités journalières ayant pour objet de compenser les pertes de revenus de son assuré pour un montant de 3 478,47 euros ;

Considérant que si M. A allègue avoir été empêché, pendant toute cette période, d'exercer une activité secondaire de commerçant ambulant, il ne justifie pas de la réalité d'un préjudice économique à ce titre ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les complications infectieuses dont M. A a été victime ont engendré des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence ; que l'expert a retenu que M. A reste atteint d'une incapacité permanente partielle de 6 % imputable à l'infection nosocomiale et aux conséquences de cette dernière sur son état de santé, a fixé le préjudice de la douleur à 3,5/7 et le préjudice esthétique à 2/7 ; que, dans les circonstances de l'espèce, le centre hospitalier régional de Grenoble est fondé à soutenir que les premiers juges ont fait une évaluation excessive des préjudices de la victime en évaluant à 18 500 euros la somme accordée en réparation de ses préjudices personnels ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces préjudices, subis tant pendant la période d'incapacité totale que depuis la consolidation, en ramenant l'indemnité allouée à M. A à 10 500 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble est fondée à demander que le montant de la condamnation mise à la charge du centre hospitalier de Grenoble soit porté à la somme totale de 18 200,56 euros ; que le centre hospitalier est seulement fondé à demander que la condamnation prononcée à son encontre en faveur de M. A soit ramenée à la somme de 10 500 euros ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que M. A a demandé pour la première fois la capitalisation des intérêts dans sa requête enregistrée devant la Cour le 11 janvier 2007 ; qu'il ne peut être fait droit à cette demande que dans la mesure où les intérêts sur la somme mise à la charge du centre hospitalier par le jugement de première instance à compter du 26 septembre 2002, n'ont pas déjà, à la date du 11 janvier 2007, été versés avec le principal en exécution dudit jugement ; que, sous cette réserve, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts à la date du 11 janvier 2007 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble a droit à la somme maximale de 955 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il y a lieu de mettre cette somme à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de Grenoble, qui n'est pas partie perdante à l'égard de M. A dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble tendant à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Grenoble le paiement de la somme qu'elle demande au titre des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 18 500 euros que le centre hospitalier universitaire de Grenoble a été condamné à verser à M. A par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 3 novembre 2006 est ramenée à 10 500 euros.

Article 2 : Les intérêts dus par le centre hospitalier universitaire de Grenoble, à compter du 26 septembre 2002, sur la somme de 10 500 euros seront capitalisés à la date du 11 janvier 2007 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date sous la réserve énoncée dans les motifs du présent arrêt.

Article 3 : La somme de 14 602,38 euros que le centre hospitalier universitaire de Grenoble a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 3 novembre 2006 est portée à 18 200,56 euros. Le centre hospitalier universitaire de Grenoble versera, en outre, à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble une somme de 955 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 3 novembre 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : La requête de M. A, le surplus des conclusions du centre hospitalier universitaire de Grenoble et de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mourad A, au centre hospitalier universitaire de Grenoble, à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble et au ministre de la santé et des sports. Copie en sera adressée au docteur Philippe Delannoy (expert).

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2009 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2009.

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N° 07LY00067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY00067
Date de la décision : 26/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : AMBLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-11-26;07ly00067 ?
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