Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2008, présentée pour M. Agron A et son épouse, Mme Merita B, domiciliés ...;
M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0801328, 0801330 du 25 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés en date du 23 mai 2008 par lesquels le préfet de l'Yonne leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et d'une décision désignant le pays à destination duquel ils seraient reconduits à l'expiration de ce délai ;
2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux du 23 mai 2008 susmentionnés ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de leur délivrer une carte de séjour temporaire mention vie privée et familiale ou, à défaut, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, à un nouvel examen de leur situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 196 euros, au profit de Me Rodrigues, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Ils soutiennent que c'est à tort que le préfet de l'Yonne leur a refusé un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité d'accompagnants d'un enfant malade, leur fils Roberto ne pouvant bénéficier d'une prise en charge médicale dans leur pays d'origine ; que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en refusant de régulariser leur situation ; qu'ils seraient exposés à des traitements inhumains et dégradants dans leur pays d'origine ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 18 juin 2009, présenté pour M. et Mme A, qui maintiennent leurs conclusions par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 18 juin 2009 et régularisé par courrier le 22 juin 2009, présenté pour le préfet de l'Yonne qui conclut au prononcé d'un non lieu ;
Il soutient qu'il a entrepris de régulariser la situation de M. et Mme A ;
Vu l'ordonnance en date du 15 juin 2009 fixant la clôture d'instruction au 17 juillet 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu la décision en date du 19 janvier 2009 accordant à M. et Mme Agron A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2009 :
- le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;
Considérant que M. et Mme A contestent le jugement du Tribunal administratif de Dijon nos 0801328, 0801330 du 25 novembre 2008, rejetant leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés nos 2008-470 et 2008-471 du 23 mai 2008 par lesquels le préfet de l'Yonne a refusé à chacun d'eux la délivrance d'un titre de séjour en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision portant désignation du Kosovo comme pays de destination ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées pour le préfet de l'Yonne :
Considérant que si le préfet de l'Yonne fait valoir que le litige est devenu sans objet dès lors qu'il a entrepris de régulariser la situation de M. et Mme A, il n'a adressé à la Cour aucune copie de titre de séjour délivré aux requérants ; que, par suite, il appartient à la Cour de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux attaqués :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui ;
Considérant que M. et Mme A, respectivement nés au Kosovo en 1975 et 1977, sont entrés clandestinement en France en février 2003, accompagnés de leurs quatre enfants, respectivement nés en 1998, 1999, 2001 et 2002 ; qu'ils ont déposé une demande d'asile en juin 2003, se disant menacés dans leur pays d'origine en raison de leur appartenance à la communauté rom ; que cette demande ayant été rejetée, ils se sont maintenus sur le territoire français où ils ont donné naissance à trois enfants, nés en 2004, 2006 et 2007 ; qu'ils ont obtenu la délivrance d'autorisations provisoires de séjour, de janvier 2007 à janvier 2008, en raison de l'état de santé de leur cinquième enfant ; que, dès lors, eu égard à la durée du séjour des intéressés en France où cinq de leurs enfants sont régulièrement scolarisés, à l'importance de leurs attaches familiales dans ce pays où résident, en situation régulière, de nombreux membres de leur famille et au fait qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'ils aient conservé des attaches familiales dans leur pays d'origine, le préfet de l'Yonne ne pouvait leur refuser la délivrance d'un titre de séjour sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, les arrêtés attaqués doivent être annulés en tant qu'ils portent refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire français et fixation de pays de destination ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de l'Yonne nos 2008-470 et 2008-471 du 23 mai 2008 ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant qu'au vu de son motif, l'annulation des refus de titre de séjour attaqués implique nécessairement que le préfet de l'Yonne délivre à M. et Mme A la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale prévue par les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet de délivrer cette carte aux intéressés, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. et Mme A ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rodrigues, avocate de M. et Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille cent quatre-vingt-seize euros au profit de Me Rodrigues, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon nos 0801328, 0801330 du 25 novembre 2008 et les arrêtés du préfet de l'Yonne nos 2008-470 et 2008-471 du 23 mai 2008 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation de pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Yonne de délivrer la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale prévue par l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à M. et Mme A, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de mille cent quatre-vingt-seize euros à Me Rodrigues, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Agron A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2009 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 27 octobre 2009.
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N° 08LY02854