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27/10/2009 | FRANCE | N°07LY02295

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 27 octobre 2009, 07LY02295


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 15 octobre 2007, présenté pour le MINISTRE DU BUGDET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;

Le MINISTRE DU BUGDET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0304257 du 29 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. et Mme Georges A des cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1997 à raison de l

a remise en cause d'un report d'imposition d'une plus-value de droits socia...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 15 octobre 2007, présenté pour le MINISTRE DU BUGDET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;

Le MINISTRE DU BUGDET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0304257 du 29 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. et Mme Georges A des cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1997 à raison de la remise en cause d'un report d'imposition d'une plus-value de droits sociaux ;

2°) de rétablir :

- à titre principal, sur le fondement de l'abus de droit, d'une part les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, auxquelles M. et Mme Georges A ont été assujettis au titre de l'année 1997 à concurrence de la décharge prononcée en première instance correspondant ainsi à un montant de 2 918,48 euros et celles relatives aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de la même année à concurrence de la décharge prononcée par le tribunal correspondant ainsi à un montant de 12 422 euros ;

- à titre subsidiaire, sur le principe de la fraude de la loi, d'une part les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, auxquelles M. et Mme Georges A ont été assujettis au titre de l'année 1997 à concurrence de la décharge prononcée en première instance correspondant ainsi à un montant de 2 918,48 euros et celles relatives aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de la même année à concurrence de la décharge prononcée correspondant ainsi à un montant de 12 422 euros ;

- à titre très subsidiaire, en cas de substitution des pénalités infligées par des pénalités pour manquement délibéré, ces pénalités dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 1997 à concurrence de la décharge prononcée en première instance correspondant ainsi à un montant de 2 918,48 euros et celles relatives aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de la même année à concurrence de la décharge prononcée correspondant ainsi à un montant de 12 422 euros ;

Le MINISTRE DU BUGDET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE soutient que :

- le tribunal a méconnu le caractère contradictoire de la procédure et entaché son jugement d'irrégularité dès lors qu'il n'a pu répliquer au mémoire de M. et Mme Georges A reçu la veille de l'audience ;

- le tribunal a dénaturé les faits en estimant que le cabinet Mazars avait été mandaté moins de 6 mois après la vente des actions ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'administration n'apportait pas la preuve de ce que la demande de report d'imposition des plus-values reposait sur une construction visant exclusivement à éluder ou atténuer les charges fiscales que le contribuable, s'il n'avait passé ces actes, aurait normalement supportées au titre de l'année 1997 eu égard à sa situation et à ses activités réelles alors que l'intention de développer une activité industrielle et commerciale pour la société Les Trois Arcs ne s'est manifestée que très tardivement ;

- les opérations d'apport et de cession des titres Veto-Centre et l'interposition de la SA Les Trois Arcs n'ont constitué qu'un montage juridique motivé que par des considérations fiscales en vue exclusivement de bénéficier du report d'imposition de la plus- value résultant de cette cession de titres, voire d'échapper définitivement à toute imposition en cas de transmission gratuite par Mme A des titres de la société Les Trois Arcs obtenus en échange de l'apport des titres Veto-Centre ; le recours à ce montage constitue un abus de droit ;

- à titre subsidiaire, il demande de substituer, comme base légale au redressement litigieux, le fondement de la fraude à la loi à l'abus de droit défini à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dès lors qu'il a établi que les contribuables se sont livrés à un montage leur permettant de se placer abusivement sur le terrain de l'article 160 I ter 4 du code général des impôts qui ne pouvait avoir été motivé par d'autre considération que celle de bénéficier d'un régime du sursis d'imposition de plus-values et donc d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales qu'ils auraient normalement supportées au titre de l'année 1997 s'ils n'avaient pas passé ces actes ; si ce fondement est retenu, il demande que soit substituées aux pénalités d'abus de droit celles prévues au même taux par le même article 1729 du code général des impôts pour manoeuvres frauduleuses dès lors que l'apport de titres a pour objet de permettre aux contribuables d'échapper à l'imposition de la plus- value sur la cession de titres en créant des apparences de nature à égarer l'administration et que les contribuables ne pouvaient l'ignorer ; si la Cour devait écarter les pénalités pour manoeuvres frauduleuses, il demande l'application de la majoration de 40% pour mauvaise foi, laquelle est établie à raison des mêmes circonstances ayant justifié les pénalités d'abus de droit ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire complémentaire présenté par le MINISTRE DU BUGDET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens sauf à ce qu'en raison d'une erreur de chiffrage, soient rectifiés, comme suit, les montants des impositions et pénalités à rétablir mentionnés dans son recours :

- à titre principal, sur le fondement de l'abus de droit, d'une part les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, auxquelles M. et Mme Georges A ont été assujettis au titre de l'année 1997 à concurrence de la décharge prononcée en première instance correspondant ainsi à un montant de 1 099 453 euros et celles relatives aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de la même année à concurrence de la décharge prononcée par le Tribunal correspondant ainsi à un montant de 687 158 euros ;

- à titre subsidiaire, sur le principe de la fraude de la loi, d'une part les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, auxquelles M. et Mme Georges A ont été assujettis au titre de l'année 1997 à concurrence de la décharge prononcée en première instance correspondant ainsi à un montant de 1 099 453 euros et celles relatives aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de la même année à concurrence de la décharge prononcée correspondant ainsi à un montant de 687 158 euros ;

- à titre très subsidiaire, en cas de substitution des pénalités infligées par des pénalités pour manquement délibéré, ces dernières pénalités dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 1997 pour un montant de 229 052 euros et celles relatives aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de la même année pour un montant de 143 105 euros ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 7 novembre 2008 présenté pour M. et Mme Georges A qui concluent au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le tribunal n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure contentieuse dès lors que le mémoire communiqué à l'administration la veille de l'audience ne contenait aucune conclusion ni aucun moyen nouveaux ; en revanche, le dernier mémoire de l'administration fiscale, qui contenait un élément nouveau, a été reçu après l'audience ;

- le tribunal n'a pas dénaturé les faits concernant la date d'intervention du cabinet Mazars ;

- les opérations de création de la SA Les Trois Arcs avec apports de Mme A à cette société, de titres Veto-Centre en échange d'actions de la SA puis de cession de ces titres Veto-Centre à la SA Domes Finances réalisées n'avaient pas pour objet d'éluder l'impôt mais avait un objectif professionnel en permettant le report du paiement de l'impôt s'inscrivant dans le cadre d'un réinvestissement suite au retrait de Mme A de la société Veto-Centre ;

- conformément à la jurisprudence et à la doctrine administrative 13 L 1531 n° 20 du 1er juillet 2002, le fait d'opter pour la solution la plus avantageuse fiscalement ne permet pas de conclure à l'abus de droit lorsque les actes juridiques sur lesquels repose cette solution sont conformes à la réalité ;

- la procédure d'abus de droit de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales n'est pas applicable en présence d'un différé d'imposition ;

- l'opération ne constitue pas une fraude à la loi dès lors que l'opération avait pour objet un projet d'investissement dans le cadre d'une société, et eu égard à l'importance et à la nature de l'investissement et aux tentatives d'acquisition ;

- à titre subsidiaire, la pénalité de 80% ne peut être appliquée dès lors que l'administration ne prouve pas les manoeuvres frauduleuses et qu'ils n'ont créé aucune apparence de nature à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle ;

Vu le mémoire reçu par télécopie le 4 décembre 2008 et régularisé le 5 décembre 2008, présenté par le MINISTRE DU BUGDET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 31 décembre 2008, présenté pour M. et Mme Georges A, qui concluent aux mêmes fins et par les mêmes moyens que précédemment ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2009:

- le rapport de Segado, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

Considérant que le MINISTRE DU BUGDET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE relève appel de l'article 1er du jugement du 29 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. et Mme Georges A des cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1997 à raison de la remise en cause, par l'administration, d'un report d'imposition effectué en application des dispositions de l'article 160 du code général des impôts qui a été considéré comme constitutif d'un abus de droit ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'envoi à l'administration, par le greffe du Tribunal, de l'avis qui l'informait que l'affaire concernant M. et Mme A serait examinée à l'audience du 15 mai 2007, ceux-ci ont produit, le 5 mai 2007, une pièce nouvelle relative à une note d'honoraires du cabinet Mazars et Guerars datée du 18 février 1999 facturant à la SA Les Trois Arcs des prestations pour un montant de 291 214,03 francs ; que cette pièce a été versée à l'appui de leur mémoire complémentaire dans lequel ils déclaraient une nouvelle fois que la SA Les Trois Arcs avait été créée en vue d'acquérir une entreprise et que le cabinet Mazars avait été mandaté par cette société pour effectuer une étude de faisabilité en vue d'une telle acquisition ; qu'il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que le Tribunal s'est fondé sur cette pièce pour juger que l'administration ne rapportait pas la preuve de ce que la demande de report d'imposition des plus-values reposait sur une construction visant exclusivement à éluder ou atténuer les charges fiscales et qu'il revêtait le caractère d'une fraude à la loi ; que l'administration soutient sans être contredite qu'elle n'a reçu cette pièce que le 14 mai 2007, veille de l'audience et alors que l'instruction était close ; qu'elle n'a pu ainsi disposer d'un délai suffisant pour apporter une contradiction utile à l'argumentation de M. et Mme A tirée notamment de cette note d'honoraires dont ils faisaient nouvellement état ; qu'ainsi, le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure dont le caractère contradictoire n'a pas été assuré et qui, de ce fait, a été irrégulière ; que dès lors, l'article 1er du jugement attaqué doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme Georges A devant le Tribunal administratif de Grenoble tendant à la décharge des impositions et pénalités litigieuses ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 160 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : (...) I ter. (...) 4. L'imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une opération de fusion, scission ou d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l'article 92 B (...) ; qu'aux termes de l'article 92 B du même code dans sa rédaction alors applicable : (...) II. 1. A compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l'impôt sur les sociétés, l'imposition de la plus- value réalisée en cas d'échange de titres résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés, peut être reportée au moment où s'opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des titres reçus lors de l'échange (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : ... b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus... L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse... ;

Considérant que le fait, pour un contribuable, de placer et de maintenir sous le régime du report d'imposition prévu par les dispositions précitées de l'article 160 I. ter 4 du code général des impôts une plus-value réalisée à l'occasion d'un apport de droits sociaux ne déguise, par lui-même, ni une réalisation, ni un transfert de bénéfices ou de revenus, au sens du b) de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, l'administration n'était pas en droit de procéder aux redressements en litige, exclusivement fondés sur la remise en cause du bénéfice du régime de sursis d'imposition, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

Considérant que l'administration est en droit d'invoquer à tout moment de la procédure, même pour la première fois en appel, tous moyens nouveaux à la condition que la substitution de base légale demandée au juge ne prive le contribuable d'aucune garantie de procédure ; que, par ses écritures en défense, le ministre demande, à titre subsidiaire, le maintien du redressement sur le fondement de la fraude à la loi ;

Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est, en principe, opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration à ne pas tenir compte d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que ce principe s'applique également en matière fiscale, dès lors que le litige n'entre pas dans le champ d'application des dispositions particulières de l'article L.64 du livre des procédures fiscales, qui, lorsqu'elles sont applicables, font obligation à l'administration fiscale de suivre la procédure qu'elles prévoient ; qu'ainsi, hors du champ de ces dispositions, le service, qui peut toujours écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'il établit que ces actes ont un caractère fictif, peut également se fonder sur le principe susrappelé pour écarter les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant que l'administration soutient que l'apport par Mme Georges A, le 4 août 1997, de 1 430 actions de la SA Veto-Centre à la SA Les Trois Arcs créée le même jour, suivi le 29 août de leur vente à la SA Domes Finances, a été réalisé dans un but exclusivement fiscal aux fins d'éviter à Mme A de supporter immédiatement l'imposition des plus-values qui aurait été due si elle les avait vendues directement à la SA Domes Finances et de permettre ainsi aux contribuables de se placer abusivement dans le champ d'application des articles 160 I ter 4 et 92 B II du code général des impôts ; qu'à l'appui de ses allégations, l'administration fait valoir que la vente à un tiers de l'ensemble des 3 864 actions de la SA Veto-Centre détenues par Mme A et ses enfants était envisagée avant même la création de la SA Les Trois Arcs et l'apport par Mme A à cette société de 1 430 de ces 3 864 actions ; qu'elle soutient en outre que les actions de la SA Veto-Centre détenues par Mme A et ses enfants et par la SA Les Trois Arcs, dont Mme A possédait la quasi totalité du capital, ont été cédées dès le 29 août 1997, soit seulement vingt-cinq jours après la création de la SA Les Trois Arcs ; que l'administration se prévaut de cette chronologie et du court délai écoulé entre la création de la SA Les Trois Arcs et la cession des actions de la SA Veto-Centre qu'elle avait reçues en apport, ainsi que de l'absence d'intérêt pour cette société de détenir ces titres de la SA Veto-Centre pendant un délai aussi court, de l'absence de remploi du produit de la vente de ces titres à des fins principalement professionnelles, du caractère anormalement tardif des premières démarches entreprises par cette société en vue d'un tel remploi desdits fonds et de la circonstance que cette société avait opté pour l'impôt sur les sociétés dès sa création sans justification particulière ;

Considérant que les demandeurs font cependant valoir que la vente des actions de la SA Veto-Centre résultait d'une décision de retrait des titres que Mme A détenait en raison d'un désaccord avec son frère dirigeant de cette société ; que la création de la SA Les Trois Arcs avec l'apport par Mme A à cette société de 1 430 titres de la SA Veto-Centre puis leur revente à la société Domes-Finances, s'inscrivait dans un projet de réinvestissement d'ordre professionnel du produit de la vente de ces titres contrairement à la vente par Mme A des 2 434 actions qu'elle détenait encore, laquelle cession s'insérait dans le cadre d'un processus de transmission de son patrimoine, le produit de leur vente ayant été donné à ses enfants ;

Considérant qu'il résulte notamment des pièces produites par les demandeurs et en particulier une attestation établie le 3 novembre 2008 que le cabinet Mazars et Guerars, société spécialisée dans l'audit et le conseil aux entreprises, et de différents courriers et documents de travail relatifs à cette opération d'acquisition, que ce cabinet avait été mandaté par la SA Les Trois Arcs à partir du mois de février 1998, six mois après la vente des titres de la SA Veto-Centre à la SA Domes Finances, en vue de l'acquisition d'une activité industrielle ; qu'à partir du mois de mai 1998, après avoir identifié comme cible d'acquisition le groupe Aqua Bio 7 (AB 7) comprenant principalement la société AB7 industrie, ce cabinet a effectué les démarches en vue de mener à bien cette acquisition dont le montant avoisinait celui du produit de la cession des actions de la SA Veto-Centre par la SA Les Trois Arcs ; qu'il a ainsi procédé à une étude de faisabilité pour le compte de cette dernière comprenant notamment des visites des sites industriels et une analyse de l'outil industriel et commercial, l'établissement d'une situation intermédiaire au 30 septembre 1998 de différentes sociétés de ce groupe ; que ce même cabinet a mené les négociations avec les époux A et les dirigeants de ce groupe, lesquelles ont finalement échoué à la fin de l'année 1998, ces derniers préférant la procédure d'apurement collectif du passif aux nouvelles propositions de la SA Les Trois Arcs ; qu'il a alors effectué des démarches aux fins de présenter pour le compte de sa cliente, la SA Les Trois Arcs, une proposition de plan de redressement de ce groupe qui est restée sans réponse ; que le cabinet Mazars et Guerars a facturé à la société Les Trois Arcs le 18 février 1999 ses honoraires relatifs à son intervention dans ce projet d'acquisition pour un montant de 291 214,03 francs ; que si, à la date du contrôle fiscal et de la notification de redressements, la société n'avait pas réinvesti les sommes en question, il résulte notamment d'une attestation de ce même cabinet de conseil qu'il avait été sollicité par la société Les Trois Arcs aux fins de rechercher une nouvelle cible après l'échec des négociations concernant la société Aqua Bio 7 et que les recherches ont été suspendues à la demande de la société à la suite de la réception de la notification de redressements, datée du 20 octobre 1999, eu égard au montant des redressements, lequel représentait, pénalités comprises, une somme totale de 1 871 953,25 euros, soit un peu moins de la moitié du produit de la cession des titres SA Veto-Centre par la SA Les Trois Arcs, montant pouvant expliquer la décision de suspendre, dans l'attente du règlement de ce litige fiscal, toute décision d'investissement à opérer dans le cadre de la SA Les Trois Arcs ;

Considérant que, dans ces conditions, compte tenu des démarches ainsi effectuées aux fins de réinvestir dans une activité industrielle et commerciale le produit de la vente des actions de la SA Veto-Centre détenues par la société Les Trois Arcs, et eu égard à l'importance et à la nature de l'investissement que les intéressés entendaient réaliser, qui, d'une part, avaient justifié la constitution d'une société à cette fin et qui, d'autre part, supposaient un certain délai concernant tant la détermination du projet d'acquisition que la concrétisation de cet achat pouvant porter sur un secteur d'activité différent de ceux dont avaient eu à connaître les demandeurs, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que, par les actes de droit privé passés à l'occasion de la création de la société Les Trois Arcs et de leur apport suivi de la cession, par cette société qu'ils contrôlaient, de leurs titres de la société Veto-Centre, les demandeurs se sont livrés à la construction d'un montage qui n'a pu être inspiré par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que les intéressés, s'ils n'avaient pas passé ces actes, auraient normalement supportées eu égard à leur situation et à leurs activités réelles ; qu'ainsi, l'administration ne justifie pas que le régime du report d'imposition de la plus-value réalisée le 22 septembre 1998 pouvait être remis en cause sur le fondement de la fraude à la loi ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de substitution de base légale présentée par l'administration ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme Georges A sont fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1997 à raison de la remise en cause d'un report d'imposition d'une plus-value de droits sociaux ;

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés par M. et Mme Georges A et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, partie perdante, à verser à M. et Mme Georges A la somme de 2 000 euros qu'ils demandent en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0304257 du 29 mai 2007 est annulé.

Article 2 : M. et Mme Georges A sont déchargés des cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1997 à raison de la remise en cause d'un report d'imposition d'une plus-value de droits sociaux.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. et Mme Georges A la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Georges A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2009, où siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Monnier et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 27 octobre 2009.

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N° 07LY02295


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY02295
Date de la décision : 27/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-10-27;07ly02295 ?
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