Vu la requête, enregistrée le 14 février 2006, présentée pour M. Alain X, domicilié ..., par Me Radix ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 2 février 2006 du juge des référés du Tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 910 000 euros, à valoir sur la réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la fermeture de son officine de pharmacie prononcée par arrêté préfectoral du 11 mai 2004, à la suite de l'annulation par jugement du Tribunal administratif de Dijon, confirmé par arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 30 mars 2004, de l'arrêté du préfet de l'Yonne du 9 février 2001 autorisant le transfert de son officine à l'intérieur de la commune d'Avallon ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser cette indemnité provisionnelle ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais d'expertise ainsi que le paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2007 :
- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie » ;
Considérant qu'après avoir obtenu, par un arrêté en date du 9 février 2001 du préfet de l'Yonne l'autorisation de transférer son officine de pharmacie du centre-ville d'Avallon au quartier nord de la commune, près d'un centre commercial, M. X a fait usage de cette autorisation et exploité sa pharmacie à compter du mois de décembre 2001 ; que toutefois le Tribunal administratif de Dijon, par deux jugements des 27 août et 3 septembre 2002, a annulé ladite autorisation ; que ces jugements ont été confirmés en appel par la Cour administrative d'appel de Lyon le 30 mars 2004, au motif que la condition de desserte optimale de la population du quartier d'accueil exigée par l'article L. 5125-3 du code de la santé publique n'était pas remplie ; qu'à la suite d'un arrêté préfectoral du 11 mai 2004, tirant les conséquences de la chose jugée, M. X a cessé son exploitation ; que par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Dijon a entièrement rejeté sa demande à fin de condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité provisionnelle de 910 000 euros ;
Considérant que si l'annulation de l'autorisation illégale de transfert accordée à M. X peut conduire, dès lors que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, à l'indemnisation des frais engagés en pure perte à la suite de cette autorisation, ainsi que des troubles qui ont pu en résulter dans les conditions d'existence du titulaire, le motif sur lequel se fonde ladite annulation fait obstacle à ce que le requérant puisse sérieusement prétendre à l'indemnisation de la perte de valeur du fonds de commerce transféré sur le fondement de cette autorisation illégale et de la perte des bénéfices qui auraient été réalisés si l'exploitation irrégulière de l'officine transférée avait continué ;
Considérant, par ailleurs, que ni le remboursement des deux emprunts bancaires dont M. X fait état, ni les frais financiers y afférents, n'apparaissent, en l'état de l'instruction, directement imputables à l'illégalité fautive commise par l'administration ; que la perte de revenus fonciers perçus de la SCI de l'Ouche Doline, constituée par les époux X, n'a pas le caractère d'un préjudice direct ; que si le requérant entend obtenir le remboursement de dépenses, d'un montant de 177 919 euros, effectuées pour des agencements de locaux et des achats de matériels divers, dont notamment des matériels informatiques et des matériels de bureaux, il ne résulte pas de l'instruction que ces frais auraient été réellement exposés, s'agissant des agencements, ou auraient été relatifs à l'achat de matériels non susceptibles de réutilisation ou de revente pour leur valeur résiduelle après avoir été utilisés durant trois ans ; qu'il n'est pas davantage établi que la passation de contrats de crédit-bail, qui pouvaient faire l'objet d'une résiliation avant terme et ont contribué à l'exploitation de l'officine, ait été à l'origine de frais exposés en pure perte ; qu'ainsi, alors même que M. X a supporté des frais de licenciement, pour un montant de 96 329 euros, et des frais relatifs à l'achat de médicaments finalement périmés ou perdus, dont le coût, évalué par l'expert, ne saurait excéder 90 475 euros, il ne résulte pas de l'instruction, en l'état du dossier, que les frais susceptibles d'être pris en compte pour l'évaluation du préjudice économique subi par M. X seraient supérieurs aux bénéfices qu'il a tirés durant trois ans de l'exploitation illégale de cette officine, lesquels s'établissent à un montant, non contesté, de 277 270 euros ; que par suite, l'obligation invoquée par M. X à raison des frais qu'il aurait engagés en pure perte à la suite de l'autorisation illégale dont il a bénéficié présente, dans les circonstances de l'espèce, un caractère sérieusement contestable ;
Considérant, en revanche, que M. X, qui peut prétendre à l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence subis du fait de l'illégalité fautive de l'autorisation de transfert qui lui a été délivrée, lesquels constituent un préjudice distinct du préjudice économique qu'il invoque, justifie à cet égard, eu égard notamment aux difficultés liées à sa réinstallation, d'une obligation non sérieusement contestable à hauteur d'un montant de 15 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander, outre l'annulation de l'ordonnance attaquée, la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité provisionnelle de 15 000 euros ; que ne peuvent être mis définitivement à la charge de l'une des parties les frais de l'expertise ordonnée en référé le 28 novembre 2004 ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, le paiement à M. X de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance susvisée, en date du 2 février 2006, du juge des référés du Tribunal administratif de Dijon est annulée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X une indemnité provisionnelle de 15 000 euros.
Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
1
3
N° 06LY00333