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28/12/2006 | FRANCE | N°02LY01849

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 décembre 2006, 02LY01849


Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2002, présentée pour Mme Pascale X, domiciliée ..., par Me Chiche ;

Mme X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 9700227 du 10 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier intercommunal d'Annemasse-Bonneville, en sa qualité de gestionnaire du centre de transfusion sanguine, à lui verser une indemnité de 15 000 euros qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C à la suite de trans

fusions sanguines subies en janvier 1990 ;

2°) de condamner le centre hospi...

Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2002, présentée pour Mme Pascale X, domiciliée ..., par Me Chiche ;

Mme X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 9700227 du 10 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier intercommunal d'Annemasse-Bonneville, en sa qualité de gestionnaire du centre de transfusion sanguine, à lui verser une indemnité de 15 000 euros qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C à la suite de transfusions sanguines subies en janvier 1990 ;

2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Annemasse-Bonneville à lui verser la somme de 231 722,50 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal d'Annemasse-Bonneville une somme de 3 048,98 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2006 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, premier conseiller ;

- les observations de Me Combemorel, avocat du centre hospitalier Camille Blanc d'Evian Les Bains et de Me Dechezleprêtre, avocat de l'Etablissement français du sang ;

- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, qu'à l'occasion de son accouchement à l'hôpital d'Evian, Mme X a reçu le 8 janvier 1990 plusieurs transfusions avec des produits sanguins élaborés et fournis par le centre de transfusion sanguine géré par le centre hospitalier intercommunal d'Annemasse-Bonneville ; qu'en 1992 a été posé le diagnostic de contamination de Mme X par le virus de l'hépatite C, qu'elle a imputée aux transfusions litigieuses ; que par le jugement du 10 juillet 2002, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier intercommunal d'Annemasse-Bonneville, en sa qualité de gestionnaire du centre de transfusion sanguine, à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction, que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'enquête transfusionnelle effectuée dans le cadre de l'expertise ordonnée en première instance, que trois des quatre donneurs des produits sanguins en cause n'ont présenté jusqu'à cette date aucun signe d'atteinte infectieuse par le VHC, tandis que le quatrième donneur a révélé une sérologie positive lors d'un contrôle effectué le 18 juin 1991 ; que si l'Etablissement français du sang, qui vient aux droits et obligations du centre hospitalier intercommunal d'Annemasse-Bonneville, fait valoir que le donneur concerné ne pouvait être infecté à la date du don du produit sanguin litigieux, dans la mesure où la sérologie à l'hépatite C contrôlée chez celui-ci pour la première fois le 9 avril 1991 avait été négative, il ressort des conclusions de l'expert que, compte tenu du manque de fiabilité des tests alors utilisés, une sérologie positive dissociée succédant à une sérologie négative ne permet pas d'affirmer que la contamination par le VHC est survenue dans l'intervalle ; qu'en outre l'expert relève, d'une part, qu'en l'absence de conservation des échantillons des sérums de 1991, il lui a été impossible de faire procéder à un contrôle de vérification et de validation des sérologies, et d'autre part, que le centre de transfusion sanguine n'a communiqué aucune information susceptible de rattacher l'infection du donneur concerné à une époque postérieure au don litigieux ; qu'ainsi, l'hypothèse selon laquelle la contamination de Mme X, qui ne présente pas de facteur de risque propre susceptible d'expliquer son affection hépatique, a pour origine les transfusions dont s'agit, présente un degré élevé de vraisemblance ; que faute d'apporter la preuve de l'innocuité de l'ensemble des produits sanguins transfusés, l'Etablissement français du sang ne démontre pas que les produits litigieux ne sont pas à l'origine de la contamination de la requérante ; que, dès lors, et nonobstant le fait que Mme X a pu être exposée à une contamination nosocomiale, le lien de causalité entre les transfusions et la contamination dont elle a été victime doit être regardée comme établi ; que, par suite, l'Etablissement français du sang n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le centre hospitalier intercommunal d'Annemasse-Bonneville a été déclaré responsable des dommages subis par Mme X du fait de la contamination post ;transfusionnelle de celle-ci par le virus de l'hépatite C ;

Sur les droits à réparation de Mme X :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, que la requérante, dont l'état n'est pas consolidé, reste atteinte, au jour de l'expertise, d'une hépatite C chronique évolutive ; qu'elle souffre d'asthénie et de troubles dépressifs qui l'ont mise jusque-là dans l'incapacité de reprendre une activité professionnelle et ont perturbé sa vie personnelle ; qu'elle a été contrainte de subir plusieurs biopsies hépatiques ; qu'elle doit s'astreindre à une surveillance médicale régulière et demeure dans l'incertitude quant à l'évolution de son état de santé ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par Mme X dans ses conditions d'existence et des souffrances physiques et morales endurées, qualifiées de modérées par l'expert, en condamnant l'Etablissement français du sang à lui verser une somme de 30 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a limité à 15 000 euros la somme mise à la charge de l'Etablissement français du sang en réparation de son préjudice ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative, de faire droit aux conclusions de Mme X tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etablissement français du sang le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 15 000 euros que l'Etablissement français du sang, venant aux droits du centre hospitalier intercommunal d'Annemasse-Bonneville, a été condamné à verser à Mme X par le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 10 juillet 2002 est portée à 30 000 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 10 juillet 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etablissement français du sang versera à Mme X, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X et l'appel incident de l'Etablissement français du sang sont rejetés.

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N° 02LY01849


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 02LY01849
Date de la décision : 28/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme LORANT
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : CHICHE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-12-28;02ly01849 ?
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