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24/10/2006 | FRANCE | N°06LY00295

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6eme chambre - formation a 3, 24 octobre 2006, 06LY00295


Vu la requête, enregistrée le 9 février 2006, sous le n° 06LY00295, présentée pour M. Y... , domicilié chez Mme X..., ..., par Me Morel, avocat au barreau de Lyon ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600442 du 31 janvier 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 janvier 2006 du préfet du Rhône ordonnant sa reconduite à la frontière et des décisions du même jour fixant le pays de destination et prescrivant son maintien en rétention a

dministrative ;

2°) d'annuler cet arrêté et ces décisions pour excès de pouvoir ;

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Vu la requête, enregistrée le 9 février 2006, sous le n° 06LY00295, présentée pour M. Y... , domicilié chez Mme X..., ..., par Me Morel, avocat au barreau de Lyon ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600442 du 31 janvier 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 janvier 2006 du préfet du Rhône ordonnant sa reconduite à la frontière et des décisions du même jour fixant le pays de destination et prescrivant son maintien en rétention administrative ;

2°) d'annuler cet arrêté et ces décisions pour excès de pouvoir ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ;

4°) d'enjoindre au préfet du Rhône de se prononcer sur son droit au séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'une semaine à compter de l'intervention dudit arrêt ;

5°) de condamner l'Etat à verser, au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros à son avocat, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 octobre 2006 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, premier conseiller ;

- les observations de Me Morel, avocat de M. ;

- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 6° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé (...). » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. , de nationalité guinéenne, s'est vu refuser le bénéfice de l'asile par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 février 2004, confirmée par décision de la commission des recours des réfugiés du 8 septembre 2005 ; que par décision du 6 octobre 2005, notifiée le 26 octobre suivant, le préfet du Rhône lui a refusé le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour dont il bénéficiait en qualité de demandeur d'asile, ainsi que la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire national dans le délai d'un mois ; que M. qui s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai susmentionné se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article L. 511-4 dudit code : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière : (…) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7-5 du décret du 30 juin 1946, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : « Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée repris par l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé (…) Cet avis est émis (…) au vu d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé.(…). L' état de santé défini au 8° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux deux premiers alinéas du présent article. » ; que la référence ainsi faite au 8° de l'article 25 vise, depuis l'entrée en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 511-4 10° dudit code ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, lesquelles n'excluent pas de leur champ d'application les étrangers entrés en France porteurs d'une maladie et dans l'intention de s'y faire soigner, qu'avant de se prononcer sur la mesure de reconduite à la frontière concernant un étranger, résidant habituellement en France, qui a sollicité son maintien sur le territoire compte tenu de son état de santé en justifiant d'éléments suffisamment précis sur la nature et la gravité des troubles dont il souffre, l'autorité préfectorale doit recueillir l'avis du médecin inspecteur de santé publique ;

Considérant que M. , dont il ressort des pièces du dossier qu'il résidait en France depuis décembre 2002, a fait valoir son état de santé à l'appui de la demande de carte de séjour qu'il a formulée le 17 novembre 2005 au titre de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il a produit à cette occasion des documents médicaux pour les années 2003 à 2005 et notamment un certificat médical établi le 14 novembre 2005 par un médecin d'un hôpital de la Croix Rouge attestant que son état de santé nécessitait un traitement par un service spécialisé dont l'interruption aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ne pouvant être poursuivi dans son pays d'origine ; que, dans ces circonstances, le préfet du Rhône, dûment informé d'éléments suffisamment précis sur la nature et la gravité des troubles dont souffrait M. , lequel devait être regardé comme résidant habituellement en France au sens des dispositions précitées, était tenu d'obtenir l'avis du médecin inspecteur de la santé publique préalablement à l'intervention de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué ; qu'ainsi, cet arrêté a été pris à la suite d'une procédure irrégulière et méconnaît les dispositions de l'article L. 511- 4 10° et de l'article 7-5 du décret du 30 juin 1946, alors même que M. serait venu en France dans le but de se faire soigner ; que l'avis du médecin inspecteur émis le 14 février 2006, postérieurement à l'arrêté litigieux, dans le cadre de l'instruction de la demande de titre de séjour rejetée le 3 mars 2006, n'est pas susceptible de couvrir cette irrégularité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 janvier 2006 par lequel le préfet du Rhône a décidé sa reconduite à la frontière et des décisions du même jour fixant le pays de destination de la reconduite et prescrivant son maintien en rétention administrative ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

Considérant que M. demande à la Cour d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'une semaine et de se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé.» et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas. » ;

Considérant, qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Rhône, d'une part, de délivrer à M. une autorisation provisoire de séjour et, d'autre part, de se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Morel, avocat de M. , renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 31 janvier 2006 et, l'arrêté du 27 janvier 2006 du préfet du Rhône ordonnant la reconduite à la frontière de M. ainsi que les décisions du même jour fixant le pays de destination de la reconduite et prescrivant son maintien en rétention administrative, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à Me Morel, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

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N° 06LY00295


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 06LY00295
Date de la décision : 24/10/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LORANT
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : MOREL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-10-24;06ly00295 ?
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