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11/04/2006 | FRANCE | N°01LY00981

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6eme chambre - formation a 5, 11 avril 2006, 01LY00981


Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2001, présentée pour M. Ahmed X, domicilié ... par Me Borie, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 000675 du 9 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 7 mars 2000 refusant de l'assigner à résidence ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, en application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administ

rative, de l'assigner à résidence dans un délai de trente jours à compter de la notificati...

Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2001, présentée pour M. Ahmed X, domicilié ... par Me Borie, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 000675 du 9 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 7 mars 2000 refusant de l'assigner à résidence ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, en application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, de l'assigner à résidence dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 francs par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 10 000 francs (1 524,49 euros) au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient qu'en se fondant, pour refuser de l'assigner à résidence, sur le caractère exécutoire de l'interdiction du territoire dont il a fait l'objet et sur la gravité de l'infraction pénale qu'il a commise, le ministre de l'intérieur, qui n'a pas tenu compte des dispositions de l'article 28 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, a commis une erreur de droit ; qu'il lui était impossible, en l'absence de délivrance de document transfrontière par son consulat, non seulement de regagner son pays d'origine mais aussi de se rendre dans un autre pays, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, adoptant ainsi une motivation absente de la décision ministérielle ; que tant qu'il n'est pas assigné à résidence, il n'est pas recevable, en application de l'article 28 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 à présenter une demande de relèvement de la décision judiciaire d'interdiction du territoire dont il a fait l'objet ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2002, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le requérant, ressortissant pakistanais, ne justifie pas avoir sollicité son admission dans d'autres pays que celui dont il a la nationalité ; que l'assignation à résidence n'est pas de plein droit, mais constitue pour l'administration une simple faculté, quand bien même les conditions en seraient remplies ; que le refus opposé à M. X ne fait pas obstacle à ce qu'il obtienne, après avoir quitté le territoire français, le relèvement de l'interdiction définitive du territoire national à laquelle il a été condamné et qui lui interdit de résider en France ; que même s'il ne pouvait solliciter ce relèvement, cette circonstance serait sans influence sur la légalité de la décision en litige ;

Vu le mémoire en réplique et le nouveau mémoire, enregistrés les 21 mai et 6 novembre 2002, présentés pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la substitution de motif proposée par le ministre de l'intérieur n'est pas possible ;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle en date du 4 juillet 2002 accordant à M. X le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2006 :

- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 28 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, alors en vigueur : « L'étranger qui doit être reconduit à la frontière et qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine, ni se rendre dans aucun autre pays peut, par dérogation à l'article 35 bis, être astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés, dans lesquels il doit se présenter périodiquement aux services de police et de gendarmerie… » ; qu'en application de ces dispositions, il appartient à l'étranger qui, à la suite d'un arrêté d'expulsion ou d'une décision de reconduite à la frontière prise à l'initiative de l'administration ou pour l'exécution d'une décision judiciaire d'interdiction du territoire, demande à être assigné à résidence alors qu'il ne fait pas l'objet d'une mesure de rétention administrative prise en application de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, d'établir qu'il se trouve dans l'impossibilité matérielle ou juridique de quitter le territoire français ; que lorsque cette justification est apportée, l'autorité administrative ne peut, sans méconnaître les dispositions précitées, refuser d'assigner l'intéressé à résidence ;

Considérant que M. X, étranger originaire du Pakistan, a été condamné par jugement du Tribunal de grande instance d'Arras du 2 octobre 1990, devenu définitif, à une peine d'emprisonnement de 12 ans pour infraction à la législation sur les stupéfiants, qui a été assortie d'une interdiction définitive du territoire français ; que l'intéressé, après son élargissement, a demandé au ministre de l'intérieur de l'assigner à résidence, afin de solliciter le relèvement de cette interdiction tout en demeurant sur le sol français ; que par décision du 7 mars 2000, le ministre a rejeté cette demande ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les autorités consulaires du Pakistan ont refusé de reconnaître à M. X la qualité de ressortissant pakistanais et, par voie de conséquence, de lui délivrer un passeport ou un document en tenant lieu, lui permettant de regagner son pays d'origine ou d'être admis dans un autre pays ; qu'ainsi, le requérant doit être regardé comme établissant qu'à la date de la décision en litige, il se trouvait dans l'impossibilité de quitter le territoire français ; que dans ces conditions, alors même que, ainsi que l'a relevé l'administration, la décision judiciaire d'interdiction du territoire prononcée à l'encontre de l'intéressé était exécutoire et que ce dernier, qui n'a pas fait l'objet d'une mesure de rétention administrative, s'était rendu coupable de faits graves, le ministre de l'intérieur, en refusant d'assigner à résidence M. X, a méconnu les dispositions précitées de l'article 28 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;

Considérant qu'il suit de là que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de la décision susmentionnée du ministre de l'intérieur ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 dudit code : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet » ;

Considérant qu'eu égard à ses motifs, et en l'absence de circonstance nouvelle invoquée par l'administration et susceptible de permettre la reconduite effective à la frontière du requérant, le présent arrêt implique nécessairement que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire assigne à résidence M. X ; qu'il y a lieu de lui enjoindre de prendre cette mesure dans un délai de trente jours à compter de la notification dudit arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Borie, avocat de M. X renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 524,49 euros que demande M. X sur le fondement de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé, en date du 9 mars 2001, du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et la décision du ministre de l'intérieur en date du 7 mars 2000 refusant d'assigner à résidence M. X sont annulés.

Article 2 : Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire assignera à résidence M. X dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Borie, avocat de M. X, une somme de 1 524,49 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Borie renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

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N° 01LY00981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6eme chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 01LY00981
Date de la décision : 11/04/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Joël BERTHOUD
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : BORIE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-04-11;01ly00981 ?
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