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21/02/2006 | FRANCE | N°01LY00024

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3eme chambre - formation a 3, 21 février 2006, 01LY00024


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 janvier 2001, présentée pour Mme Dolorès X, domiciliée ..., par Me Chapuis, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 983421 du 27 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre communal d'action sociale des Avenières à lui payer la somme de 131 588,88 francs (20 060,60 euros) correspondant aux traitements, indemnités et primes qu'elle aurait dû percevoir depuis le 1er janvier 1993, ainsi qu'à reconstituer ses droits à

pension de retraite ;

2°) de condamner le centre communal d'action sociale...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 janvier 2001, présentée pour Mme Dolorès X, domiciliée ..., par Me Chapuis, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 983421 du 27 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre communal d'action sociale des Avenières à lui payer la somme de 131 588,88 francs (20 060,60 euros) correspondant aux traitements, indemnités et primes qu'elle aurait dû percevoir depuis le 1er janvier 1993, ainsi qu'à reconstituer ses droits à pension de retraite ;

2°) de condamner le centre communal d'action sociale des Avenières à lui payer la somme de 131 588,88 francs (20 060,60 euros) susmentionnée, correspondant aux traitements, primes et indemnités qui lui sont dus au titre des années 1993 à 1998 ;

3°) d'enjoindre au centre communal d'action sociale des Avenières de reconstituer ses droits à pension de retraite au titre des années 1993 à 1998 ;

4°) de condamner le centre communal d'action sociale des Avenières à lui verser 8 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 93/104/CE du Conseil de l'Union européenne du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;

Vu la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet ;

Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2006 :

- le rapport de M. Clot, président-assesseur ;

- les observations de Me Chapuis pour Mme X et de Me Balestas pour le centre communal d'action sociale des Avenières ;

- et les conclusions de M. Kolbert, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que Mme X, agent d'entretien à temps non complet du centre communal d'action sociale (CCAS) des Avenières, demandait au Tribunal administratif de Grenoble la condamnation de cet établissement public à l'indemniser du manque à gagner qu'elle a subi depuis la date de son recrutement, le 1er janvier 1993, en faisant valoir que la rémunération qui lui a été allouée est insuffisante au regard de l'étendue de ses obligations de service ; que le tribunal administratif s'est borné à écarter comme inopérant le moyen de la demande tiré de la violation de la directive du 23 novembre 1993 susvisée, sans se prononcer sur le moyen tiré de ce que l'intéressée restait à la disposition de son employeur pendant une durée plus longue que celle retenue comme base de calcul de sa rémunération ; qu'ainsi, le jugement attaqué est irrégulier ; que, par suite, Mme X est fondée à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la responsabilité du centre communal d'action sociale des Avenières :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X est tenue d'assurer, une semaine sur deux, une astreinte consistant en une présence au foyer logement pour personnes âgées du CCAS des Avenières, du samedi à 18 heures au lundi à 8 heures, ainsi que certains jours fériés de 8 heures à 20 heures ; qu'elle doit, durant ces périodes, effectuer des tâches d'entretien des locaux et de surveillance et répondre aux appels des résidents ; qu'à cette fin, elle est tenue d'occuper le logement mis à sa disposition ; que l'arrêté du président du CCAS du 15 janvier 1993 a prévu qu'elle serait rémunérée sur la base de 12 heures par week-end et 6 heures par jour férié, les heures de travail le dimanche et les jours fériés faisant l'objet d'une majoration ; que ces bases ont été portées à 15 heures par week-end et 7 heures par jour férié par un arrêté du 6 janvier 1995 et à 17 heures par week-end par un arrêté du 3 février 1998 ; que l'intéressée soutient que les modalités selon lesquelles elle est rémunérée ne tiennent pas compte de toute l'étendue de ses obligations de service et ne sont pas conformes aux prescriptions de la directive n° 93/104/CE du 23 novembre 1993 ; qu'elle demande la condamnation du CCAS à lui verser le traitement, les primes et les indemnités dont elle a été privée de ce fait depuis le 1er janvier 1993 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 105 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, applicable aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet, dans sa rédaction en vigueur jusqu'à l'intervention de la loi n° 94-1134 du 27 décembre 1994 : « Le traitement ainsi que les indemnités ayant le caractère de complément de traitement sont calculés au prorata du nombre d'heures de service accomplies par les intéressés » ; qu'aux termes du même article, dans la rédaction que lui a donnée ladite loi : « Le traitement ainsi que les indemnités ayant le caractère de complément de traitement sont calculés au prorata du nombre d'heures hebdomadaires de service afférent à l'emploi. (…) » ; que la requérante n'établit pas que les modalités selon lesquelles est déterminée sa rémunération sont contraire à ces dispositions ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la directive n° 93/104/CE du 23 novembre 1993 susvisée, reprise depuis lors par la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 : « Aux fins de la présente directive, on entend par : 1) temps de travail : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales (…) » ; qu'aux termes de l'article 18 du même texte : « 1. a) Les Etats membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires ou administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 23 novembre 1996 (…) » ; que selon l'interprétation qu'a donnée la Cour de justice des communautés européennes par son arrêt n° C ;14/04 du 1er décembre 2005, les services de garde accomplis par un travailleur sur le lieu même de son emploi doivent être considérés dans leur totalité comme du temps de travail, alors même que l'intéressé est autorisé à se reposer sur son lieu de travail pendant les périodes où ses services ne sont pas sollicités ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, nonobstant la circonstance qu'un agent soumis à des astreintes a la disposition d'un logement lui permettant de se reposer lorsque son activité n'est pas requise, ou qu'il n'est sollicité que de manière épisodique, son temps de présence sur son lieu de travail doit être intégré, pour la totalité de sa durée, au calcul du temps de travail effectif et donner lieu à la rémunération correspondante, dès lors qu'il est tenu de demeurer sur son lieu de travail, à la disposition de son employeur, pour se conformer aux directives de celui-ci, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; que, dès lors, postérieurement au 23 novembre 1996, date fixée par les dispositions précitées de l'article 18 de la directive du 23 novembre 1993, le régime de rémunération des agents soumis à des astreintes mis en place par le CCAS des Avenières est devenu contraire à ladite directive ; qu'en ne rémunérant pas Mme X selon les modalités compatibles avec les objectifs de cette directive, le CCAS a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, par suite, Mme X est fondée à demander la condamnation du CCAS à lui verser une somme correspondant à la différence entre les traitements, primes et indemnités calculés en fonction de la durée de son temps de présence sur son lieu de travail et ceux qui lui ont été versés au titre de la période du 24 novembre 1996 au 31 décembre 1998 ; que toutefois, l'état de l'instruction ne permet pas à la Cour de déterminer ladite somme ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer la requérante devant le CCAS pour y être procédé à la liquidation de la somme à laquelle elle a droit, qui ne pourra excéder celle de 20 060,60 euros qu'elle demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt implique que le CCAS des Avenières reconstitue les droits à pension de retraite de Mme X en tenant compte de l'intégralité du temps de travail accompli par l'intéressée du 24 novembre 1996 au 31 décembre 1998 ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à cet établissement public de procéder à cette reconstitution dans un délai de six mois suivant la date de notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions du centre communal d'action sociale des Avenières tendant à la condamnation de Mme X pour procédure abusive et vexatoire :

Considérant que la requête de Mme X ne présente pas un caractère abusif ou vexatoire ; que les conclusions susanalysées du centre communal d'action sociale des Avenières doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge du CCAS des Avenières la somme de 1 000 euros ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CCAS des Avenières qui est, dans la présente instance, la partie perdante, bénéficie de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 27 octobre 2000 est annulé.

Article 2 : Le centre communal d'action sociale des Avenières versera à Mme X une indemnité correspondant, dans la limite de la somme de 20 060,60 euros, à la différence entre la rémunération correspondant à l'intégralité de son temps de présence au foyer logement du 24 novembre 1996 au 31 décembre 1998 et celle qu'elle a perçue au titre de la même période.

Mme X est renvoyée devant le centre communal d'action sociale des Avenières afin qu'il soit procédé au calcul de la somme à laquelle elle a droit.

Article 3 : Il est enjoint au centre communal d'action sociale des Avenières de reconstituer les droits à pension de retraite de Mme X du 24 novembre 1996 au 31 décembre 1998, dans un délai de six mois suivant la date de notification du présent arrêt.

Le centre communal d'action sociale des Avenières adressera au greffe de la Cour les pièces justifiant de l'exécution de cette injonction.

Article 4 : Le centre communal d'action sociale des Avenières versera à Mme X la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme X devant le Tribunal administratif de Grenoble est rejeté.

Article 6 : Les conclusions du centre communal d'action sociale des Avenières sont rejetées.

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N° 01LY00024


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01LY00024
Date de la décision : 21/02/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. KOLBERT
Avocat(s) : CHAPUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-02-21;01ly00024 ?
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