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29/12/2005 | FRANCE | N°01LY01899

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6eme chambre - formation a 3, 29 décembre 2005, 01LY01899


Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2001, présentée pour Mme Léone X, domiciliée ..., par Me Clapot, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

- à titre principal :

1°) d'annuler le jugement n° 0002639 du 5 juillet 2001 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à réparer le préjudice que son fils, Emmanuel X, a subi suite à l'accident opératoire dont il a été victime le 7 avril 1995 à l'hôpital cardio-vasculaire de Bron ;

2°) de condamner les Hospices civils

de Lyon à lui payer une somme globale de 5 065 492,38 francs tous chefs de préjudice confondus...

Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2001, présentée pour Mme Léone X, domiciliée ..., par Me Clapot, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

- à titre principal :

1°) d'annuler le jugement n° 0002639 du 5 juillet 2001 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à réparer le préjudice que son fils, Emmanuel X, a subi suite à l'accident opératoire dont il a été victime le 7 avril 1995 à l'hôpital cardio-vasculaire de Bron ;

2°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui payer une somme globale de 5 065 492,38 francs tous chefs de préjudice confondus, avec intérêts à taux légal à compter du 28 mars 1996 et capitalisation des intérêts, ainsi que 50 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens de l'instance ;

- à titre subsidiaire :

d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer le préjudice propre à Mme X en raison de son état dépressif consécutif à l'état de son fils ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2005 :

- le rapport de M. Martin-Genier, premier conseiller ;

- les observations de Me Veluire, avocat de Mme X, et de Me Demailly, avocat des Hospices civils de Lyon ;

- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la caisse de mutualité sociale agricole de l'Ain et Mme X demandent à la Cour l'annulation du jugement du 5 juillet 2001 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient déclarés responsables des conséquences dommageables de l'accident opératoire dont a été victime M. Emmanuel X, le 7 avril 1995, lors d'une opération subie à l'hôpital Louis Pradel pour une endocardite infectieuse associée à une insuffisance cardiaque ;

Sur la responsabilité des Hospices civils de Lyon :

Considérant que le jeune Emmanuel X a été opéré le 7 avril 1995 à l'hôpital Louis Pradel, afin de traiter une grave insuffisance cardiaque compliquée d'une endocardite infectieuse ; que cette opération, qui imposait que le coeur soit mis au repos et réfrigéré pour procéder à la chirurgie réparatrice, a nécessité la mise en place d'une circulation extra-sanguine permettant d'extraire le sang, puis de le réintroduire dans le corps à l'aide d'une pompe située à proximité ; que cette technique a été précédée de la mise en place de deux canules, l'une en amont du coeur au niveau de la veine pulmonaire, l'autre en aval du coeur au niveau de l'aorte, afin de fixer le tuyau par lequel transite le sang ; que si l'opération du coeur s'est déroulée sans incident, la canule située au niveau de l'aorte s'est décrochée au moment où il a été procédé à la remise en fonctionnement du coeur par la technique dite de la luxation de la pointe du coeur, consistant à replier le muscle sur lui-même afin d'en vider l'air qui s'y était introduit tout en permettant son réchauffement ; qu'elle s'est ensuite engagée dans l'épaisseur de la paroi aortique, provocant son décollement, une chute du débit sanguin et l'interruption de la circulation sanguine extra-corporelle pendant environ trois minutes, temps nécessaire à la remise en place de la canule ; que cet incident a entraîné une embolie gazeuse et un coma irréversible pour le jeune Emmanuel X ;

Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant que le risque inhérent à la mise en place d'une circulation extra-sanguine et les conséquences de cet acte pratiqué sur Emmanuel X répondent à ces conditions ; que dès lors, Mme X est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne la caisse de mutualité sociale agricole de l'Ain :

Considérant que les frais d'hospitalisation, de transports et de séjour dans des institutions spécialisées déboursés par la caisse de mutualité sociale agricole de l'Ain en liaison avec l'état de M. Emmanuel X, s'élèvent à la somme de 157 069,67 euros ; que les Hospices civils de Lyon doivent être condamnés à rembourser cette somme à la ladite caisse, avec intérêts à taux légal à compter du 26 septembre 1997, date de la demande au fond devant le Tribunal administratif de Lyon ;

En ce qui concerne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain :

Considérant que les frais médicaux, pharmaceutiques, de transport, d'hospitalisation et de soins spécialisés, engagés par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain et nécessités par l'état de M. Emmanuel X pour la période allant du 1er novembre 1996 au 30 juin 2002, s'élèvent à la somme de 747 604,37 euros ; que les Hospices civils de Lyon doivent être condamnés à rembourser cette somme à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain aura à exposer des frais pendant toute la durée de l'hospitalisation de M. Emmanuel X en service de long séjour ; que les Hospices civils de Lyon devront rembourser ces frais, qui s'élèvent à 154 508,15 euros par an en 2002, au fur et à mesure de leur versement ;

Considérant que la somme de 747 604,37 euros devra porter intérêts à compter du 2 février 1998 pour la part de cette somme exposée avant cette date et, pour le surplus, à compter de leur versement ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain a demandé par un mémoire du 4 novembre 1999 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

En ce qui concerne Emmanuel X :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que lors de sa période d'incapacité totale temporaire, qui s'est poursuivie du 7 avril 1995 au 30 octobre 1996, M. X ait perçu des indemnités destinées à pallier ses pertes de salaires ; que le préjudice subi, évalué à 15 669,00 francs (2 388,72 euros), est justifié ; que par suite, les Hospices civils de Lyon doivent être condamnés à verser cette somme à Mme X ;

Considérant que le taux d'incapacité partielle permanente de M. Emmanuel X a été fixée à 95 % pour un sujet âgé de 24 ans lors de la consolidation de son état, soit le 30 octobre 1996 ; que les souffrances physiques qu'il a endurées ont été évaluées par l'expert à 5/7 et le préjudice esthétique à 6/7 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice personnel subi par M. Emmanuel X, résultant des souffrances physiques, des préjudices esthétique et d'agrément, en condamnant les Hospices civils de Lyon à verser à Mme X, es ;qualité d'administrateur légal de son fils, une somme 150 000 euros ;

Considérant que si Mme X demande la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui verser une indemnité destinée à réparer le préjudice professionnel subi par son fils, ce dernier est aujourd'hui entièrement pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain dans un centre de long séjour de la Croix-Rouge en raison de son état ; qu'aucune somme d'argent n'a été laissée à la charge de Mme X en relation avec l'état de son fils ; qu'Emmanuel X lui-même, au moment de l'accident, était célibataire et ne supportait aucune charge de famille ; que Mme X, qui ne soutient ni même n'allègue que son fils subvenait à ses propres besoins, ne justifie d'aucun préjudice à ce titre ; que par suite, ses conclusions tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à lui verser une indemnité destinée à réparer le préjudice résultant de la perte de salaires de son fils doivent être rejetées ;

En ce qui concerne Mme Léone X :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme X en relation avec l'état de son fils, résultant de l'opération du 7 avril 1995, en condamnant les Hospices civils de Lyon à lui payer la somme demandée, soit 30 489,80 euros (200 000 francs) ;

Considérant que la demande en réparation du préjudice corporel dont Mme X dit avoir été victime par ricochet en raison de l'état de son fils n'est pas assortie de précisions suffisantes pour donner lieu à indemnisation ; qu'il y a lieu de la rejeter sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les Hospices civils de Lyon doivent être condamnés à payer à Mme X une somme totale de 182 877,72 euros ; que cette somme devra porter intérêts à la date du 1er avril 1996, date de réception par les Hospices civils de Lyon du recours préalable de Mme X ; que ces intérêts devront être capitalisés au 4 septembre 2001 puis à chacune des échéances annuelles à compter de cette date ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais d'expertise doivent être mis à la charge des Hospices civils de Lyon ;

Sur les conclusions tendant à ce que soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

Considérant que la caisse de mutualité sociale agricole de l'Ain et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain sont fondées à demander à ce que soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 762 euros chacune, au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 alinéa 5 du code de la sécurité sociale ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : « L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues de l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant de la part contributive de l'Etat et poursuive le recouvrement de son profit de la somme allouée par le juge » ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de condamnation des Hospices civils de Lyon au paiement des frais exposés par Mme X en appel et non compris dans les dépens n'a pas été fondée sur les dispositions précitées alors que Mme X bénéficie de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, lesdites conclusions sont irrecevables ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de la caisse de mutualité sociale agricole de l'Ain et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon à leur payer une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 5 juillet 2001 est annulé.

Article 2 : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à payer à la caisse de mutualité sociale agricole de l'Ain une somme de 157 069,67 euros, avec intérêts de droit à compter du 26 septembre 1997.

Article 3 : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain une somme de 747 604,37 euros, avec intérêts de droit à compter du 2 février 1998 pour la part des frais exposés avant cette date et à compter de leurs versements à partir de cette date. Les intérêts échus à la date du 4 novembre 1999 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain les frais d'hébergement d'Emmanuel X en centre de long séjour, à mesure de leur versement.

Article 5 : Les Hospices civils de Lyon verseront à Mme X, en sa qualité d'administrateur légal de son fils et pour elle-même, une somme globale de 182 877,72 euros. Cette somme portera intérêt à compter du 1er avril 1996. Les intérêts échus le 4 septembre 2001 seront capitalisés à cette date et à chaque année échue à compter de cette date.

Article 6 : Les frais d'expertise sont mis à la charge des Hospices civils de Lyon.

Article 7 : Les Hospices civils de Lyon verseront à la caisse de mutualité sociale de l'Ain, d'une part, et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain, d'autre part, une somme de 762 euros au titre de l'indemnité forfaitaire.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête ainsi que des conclusions de la caisse de mutualité sociale agricole de l'Ain et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain est rejeté.

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N° 01LY01899


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01LY01899
Date de la décision : 29/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Patrick MARTIN-GENIER
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : CLAPOT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2005-12-29;01ly01899 ?
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