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18/12/2003 | FRANCE | N°99LY02202

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4eme chambre - formation a 3, 18 décembre 2003, 99LY02202


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 4 août 1999, par lequel le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9701043, en date du 10 juin 1999, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté, en date du 13 septembre 1996, ordonnant l'expulsion de M. Saïd X et l'arrêté du PREFET DE L'ISERE, en date du 5 novembre 1996, prescrivant l'éloignement à destination du Maroc ;

2°) de rejeter la demande de M. X présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

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Vu les autre...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 4 août 1999, par lequel le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9701043, en date du 10 juin 1999, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté, en date du 13 septembre 1996, ordonnant l'expulsion de M. Saïd X et l'arrêté du PREFET DE L'ISERE, en date du 5 novembre 1996, prescrivant l'éloignement à destination du Maroc ;

2°) de rejeter la demande de M. X présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 82-389 du 10 mai 1982 ;

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Classement CNIJ : 335-02-04

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Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2003 :

- le rapport de M. MOUTTE, président ;

- et les conclusions de Mme RICHER, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 : Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ; 3° L'étranger qui justifie par tous moyens résider en France depuis plus de quinze ans ainsi que l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans (...) ; qu'aux termes de l'article 26 de ladite ordonnance : L'expulsion peut être prononcée : (...) b) Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25 (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant marocain né le 26 juin 1964, s'est rendu coupable de vol le 11 janvier 1990, de rébellion le 8 octobre 1991 et de vol avec port d'arme le 2 janvier 1992, faits pour lesquels il a été condamné à 7 ans de réclusion criminelle ; que, s'il est arrivé en France à l'âge de trois ans et y réside ainsi que ses sept frères et soeurs, dont certaines ont la nationalité française, il était à la date de la décision attaquée, célibataire et sans enfant et avait gardé des liens avec le Maroc ; que, compte tenu de la gravité des actes qu'il avait commis et de l'ensemble de son comportement et, eu égard aux nécessités de protection de l'ordre public, le ministre, en ordonnant son expulsion comme constituant une nécessité impérieuse pour la sécurité publique, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard de ses motifs en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il en résulte que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté d'expulsion en date du 13 septembre 1996 ainsi que l'arrêté du 5 novembre 1996 prescrivant l'éloignement de l'intéressé à destination du Maroc comme méconnaissant les stipulations de cet article 8 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Sur l'arrêté d'expulsion :

Considérant que, par un décret du 28 juin 1996, publié au Journal officiel du 30 juin suivant, le MINISTRE DE L'INTERIEUR a donné délégation de signature à M. de Croone, administrateur civil, pour signer les arrêtés en matière de police des étrangers ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il n'était pas compétent pour signer l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. X s'est rendu coupable de vol, rébellion et vol avec port d'arme ; qu'eu égard au caractère répété des infractions commises et à leur gravité croissante, le MINISTRE DE L'INTERIEUR n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant par l'arrêté attaqué que l'expulsion de M. X constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé son arrêté d'expulsion et le rejet des conclusions de M. X tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant que l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction alors applicable, attribue compétence au MINISTRE DE L'INTERIEUR, sauf dans les départements d'outre-mer, pour prononcer l'expulsion d'un étranger ; qu'aucune disposition, et notamment pas celles de l'article 28 de la même ordonnance relatives à l'assignation à résidence, ne désigne l'autorité compétente pour fixer le pays de renvoi, par une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même ainsi qu'il est dit à l'article 27 ter de la même ordonnance ; qu'en l'absence de disposition contraire, le préfet était compétent, en vertu des pouvoirs qu'il tient du décret susvisé du 10 mai 1982, à l'effet d'assurer l'exécution des décisions ministérielles et, à ce titre, de fixer le pays de renvoi dans le respect des conditions posées notamment par l'article 27 bis de l'ordonnance précitée ;

Considérant que M. X soutient que la décision du préfet serait intervenue selon une procédure irrégulière, faute pour lui d'avoir pu présenter sa défense dans les conditions prévues par l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 alors applicable ; que, toutefois, les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 déterminent de façon complète les règles de procédure administrative auxquelles est soumise l'intervention des arrêtés d'expulsion et des décisions fixant le pays de destination, dans des conditions qui garantissent aux intéressés le respect des droits de la défense et, par suite, excluent l'application des dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 relatives à la procédure contradictoire préalable à l'intervention des décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;

Considérant enfin que M. X n'apporte aucun élément à l'appui de son allégation selon laquelle le préfet aurait dû choisir un autre pays de destination que le Maroc, pays dont il a la nationalité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est également fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif en ce qu'il a annulé l'arrêté du PREFET DE L'ISERE du 5 novembre 1996 prescrivant l'éloignement de M. X à destination du Maroc et le rejet des conclusions de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui reprennent celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser une somme quelconque à M. X au titre des frais exposés par celui-ci en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

ARTICLE 1er : Le jugement n° 9701043 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 10 juin 1999 est annulé.

ARTICLE 2 : La demande de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du MINISTRE DE L'INTERIEUR en date du 13 septembre 1996 et de l'arrêté du PREFET DE L'ISERE en date du 5 novembre 1996 est rejetée.

ARTICLE 3 : Les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 99LY02202 - 4 -


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99LY02202
Date de la décision : 18/12/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JOUGUELET
Rapporteur ?: M. BESLE
Rapporteur public ?: Mme RICHER M
Avocat(s) : LUCIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2003-12-18;99ly02202 ?
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