Requête, enregistrée au greffe de la cour le 23 août 1995, présentée pour M. et Mme Michel Y... demeurant ... par Me Marc X..., avocat au barreau de Marseille;
M. et Mme Y... demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 11 mai 1995 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1986 à 1988 ;
2 ) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3 ) de condamner l'Etat au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n 97-563 du 29 mai 1997 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 1997 :
- le rapport de M. RICHER, président ;
- et les conclusions de M. BONNAUD, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que si, dans le mémoire susvisé enregistré le 1er décembre 1997, le ministre indique qu'après la production de certains justificatifs par le contribuable un dégrèvement en droits de 9 151 francs doit être prononcé au titre de l'année 1986, l'administration n'a pas produit la décision de dégrèvement avant la clôture de l'instruction qui, en application de l'article R.155 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel dans sa rédaction résultant du décret susvisé du 29 mai 1997 intervient, en l'absence d'ordonnance de clôture, trois jours francs avant la date de l'audience ; que, par suite, les conclusions de M. Y... portant sur les impositions correspondantes n'ont pas perdu leur objet ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ne ressort pas du dossier de première instance transmis à la cour que la copie d'une "réponse modèle n 3926" datée du 16 octobre 1990, dont l'administration a adressé la copie au tribunal quelques jours avant l'audience et sur laquelle se fonde le jugement, ait été régulièrement communiquée à M. Y..., alors que celui-ci contestait en avoir eu communication dans le cadre de la procédure de redressement ; qu'ainsi les requérants sont fondés à soutenir que le jugement a été rendu selon une procédure irrégulière ; que dès lors le jugement du tribunal administratif de Marseille doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme Y... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'avis de vérification en date du 14 septembre 1989 notifié à M. Y... en sa qualité de gérant de la S.C.I. du Caire lui indiquait que le vérificateur se présenterait au siège de la société le jeudi 28 septembre 1989 ; que, par courrier du 28 septembre 1989, M. Y... a confirmé un entretien téléphonique du même jour, par lequel il avait demandé le report de cette intervention au 5 octobre 1989 ; qu'aucune dispositions législative ou réglementaire ne faisait obligation à l'administration d'adresser à la société un avis de vérification rectificatif confirmant son acceptation du report demandé ; que l'absence de confirmation écrite n'a pas privé la société de la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix dès le début des opérations de vérification ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment d'un avis de réception postal du 19 octobre 1990 signé par le destinataire et d'un courrier en date du 13 novembre 1990 dans lequel il y fait référence, que la réponse aux observations du contribuable " n 3926 " en date du 16 octobre 1990 a été régulièrement notifiée à M. Y... à l'adresse qu'il avait indiquée au service ; que le moyen tiré de ce que ce qu'il n'aurait pas reçu ce document manque ainsi en fait ;
Considérant, en troisième lieu, que la notification de redressements partielle en date du 15 décembre 1989 portant sur les revenus fonciers de la S.C.I. du Caire, effectuée sur le fondement de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L.73 du livre des procédures fiscales, comporte l'indication des bases ou éléments devant servir au calcul des impositions litigieuses, conformément aux dispositions de l'article L.76 du même livre ; que par ailleurs les notifications de redressements des 7 mai et 15 mai 1990, respectivement adressées au gérant de la S.C.I. du Caire et à M. ou Mme Y..., étaient suffisamment motivées au regard des dispositions, seules applicables, de l'article L.57 du livre des procédures fiscales, pour permettre aux intéressés de formuler leurs observations ou de faire connaître leur acceptation ; que la notification faite à un associé n'avait pas à reproduire le texte de celle adressée à la société civile, qui constituait un élément de la même procédure ; que les requérants ne sauraient utilement se prévaloir des termes de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ou d'une circulaire ministérielle commentant cette loi, alors que les dispositions spéciales du livre des procédures fiscales en excluent l'application aux redressements portant sur les impositions en principal ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a répondu aux observations du contribuable par une lettre recommandée en date du 16 octobre 1990, dont M. Y... a accusé réception le 19 octobre 1990, explicitant pour chaque point en litige, les raisons du maintien des redressements ; qu'ainsi le moyen tiré du défaut de motivation de cette réponse manque en fait ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L.48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue ...d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés; dans la notification prévue à l'article L.57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements. " ; que si les requérants soutiennent que la notification de redressement en date du 7 mai 1990 adressée à la S.C.I. du Caire ne comporterait pas l'indication des conséquences qui résulteraient d'une acceptation des redressements, il ressort des pièces du dossier que le montant des droits résultant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 1987 est mentionné dans ladite notification et que les impositions supplémentaires sur le revenu en résultant pour les années 1987 et 1988, imposables au nom des associés, ont fait l'objet d'un chiffrage tant en droits qu'en pénalités dans la notification complémentaire adressée le 15 mai 1990 à M. et Mme Y... ; que, par suite, ceux-ci ne sont pas fondés à soutenir que la notification n'aurait pas mentionné les conséquences d'une éventuelle acceptation des redressements litigieux ;
Considérant, en sixième lieu, que les droits rappelés n'ont été assortis que de simples intérêts de retard, qui sont de droit et n'ont pas à faire l'objet d'une motivation particulière ; qu'ainsi M. Y... n'est en tout état de cause pas fondé à invoquer le défaut de motivation de tels intérêts ;
Considérant, en septième lieu, que si les requérants font valoir que la Charte du contribuable vérifié, opposable à l'administration par application des dispositions de l'article L.10 du livre des procédures fiscales, leur ouvrait le droit d'être entendus par le supérieur hiérarchique du vérificateur, il ne ressort pas des termes de la réponse en date du 11 juin 1990 du contribuable à la notification de redressement du 15 mai 1990, que l'intéressé ait ainsi formulé une quelconque demande d'entretien en se bornant à indiquer qu'il demeurait à la disposition du vérificateur et éventuellement de son supérieur hiérarchique pour tout entretien ;
Sur le bien-fondé des redressements :
Considérant, en premier lieu, que la notification de redressements partielle en date du 15 décembre 1989 portant sur les revenus fonciers de la S.C.I. du Caire au titre de l'année 1986, a été remise le 21 décembre 1989 à son destinataire ; que, comme il a été dit ci-dessus, elle était suffisamment motivée ; que, par suite, et dès lors que la notification faite à cette société avant le terme du délai prévu par les dispositions de l'article L.169 du livre des procédures fiscales, était interruptive de la prescription de la quote-part des impositions mises à la charge des associés, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que cette notification ne pouvait interrompre le cours de la prescription ; que, par ailleurs, et dès lors que les notifications de redressements des 7 mai et 15 mai 1990 relatives, d'une part aux mêmes revenus fonciers et à la taxe sur la valeur ajoutée due par la société et, d'autre part, aux redressements d'impôt sur le revenu assignés à M. et Mme Y... au titre des années 1986 à 1988 étaient suffisamment motivées et comportaient bien la mention des conséquences d'une éventuelle acceptation, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que lesdites notifications de redressement ne pouvaient interrompre le cours de la prescription ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes de la réponse aux observations du contribuable en date du 16 octobre 1990 que les revenus fonciers réalisés par la S.C.I. du Caire au cours des années 1986, 1987 et 1988, initialement fixés à 65829, 306000 et 306000 F, ont été ramenés à 65829, 230715 et 89677 F, et la part assignée au foyer fiscal de M. et Mme Y... aux sommes de 63948, 224123 et 87114 F respectivement ; que les conclusions des intéressés tendant à ce que ne soient pas assimilés à des loyers encaissés ceux ayant donné lieu à des abandons de créance sont ainsi dépourvues d'objet et, par suite, irrecevables ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, le revenu net annuel de chaque foyer fiscal est déterminé " ...sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus " ; qu'aux termes de l'article 83 du même code : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : ... 3 Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. " ; qu'en vertu de ces dispositions, les sommes qu'un salarié qui, s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est le dirigeant, a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle ce paiement a été effectué, dès lors que son engagement comme caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, qu'il ait été pris en vue de servir les intérêts de l'entreprise et qu'il n'ait pas été hors de proportion avec les rémunérations servies à l'intéressé au moment où il l'a contracté ; que si M. Y... soutient être en droit dé déduire de ses salaires une somme de 336942 F qu'il aurait versée en 1988 en sa qualité de caution personnelle de la société SCAC dont il était président - directeur général, à la suite de la mise en règlement judiciaire de cette société, il ne ressort d'aucun des pièces produites par M. Y... qu'il ait effectivement payé cette somme aux créanciers de cette société au cours de l'année 1988 ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces produites par les requérants que le montant des charges déductibles de leur revenu foncier doivent inclure une somme de 16 633,48 F débitée le 10 juillet 1986 d'un compte bancaire ouvert à la banque Bonasse au nom de la S.C.I. du Caire, dont tant un avis de débit mentionnant l'objet de ce débit, qu'un courrier adressé par la banque à Me Z..., notaire, établissent que cette écriture correspond effectivement à une indemnité sanctionnant, comme ils le soutiennent, le remboursement anticipé d'un prêt de 850 000 F souscrit en 1985 par cette société ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, de faire droit aux conclusions des requérants tendant à la réduction de leurs bases d'imposition au titre de l'année 1986, dans la proportion des droits détenus par M. Michel Y..., soit 34/35 èmes ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 150 A bis du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " Les gains nets retirés de cessions à titre onéreux de valeurs mobilières ou de droits sociaux de sociétés non cotées dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits portant sur ces biens relèvent exclusivement du régime d'imposition prévu pour les biens immeubles ... " ; qu'aux termes de l'article 150 H du même code : " La plus-value imposables en vertu de l'article 150 A est constituée par la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant " ; et qu'aux termes de l'article 74 C de l'annexe II au dit code, dans sa rédaction également applicable : " Lorsqu'une même cession porte sur des biens pour lesquels sont prévues des règles différentes , l'acte de cession doit mentionner le prix de chacun de ces biens " ; que si M. Y... soutient que, pour le calcul de la plus-value dégagée par la cession à son épouse, le 25 mars 1987, des droits sociaux qu'il détenait dans la S.C.I. du Caire, il y aurait lieu d'ajouter au prix d'acquisition le montant du solde créditeur de son compte courant d'associé alimenté par des apports en capital à la société, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait été effectivement titulaire d'un compte courant d'associé créditeur et que ce compte aurait fait l'objet d'une cession expressément stipulée dans l'acte de cession à son épouse, devant venir en déduction de la plus-value réalisée ; que si les intéressés se prévalent d'une note administrative 8-M-8-79 du 3 août 1979, relative au régime d'imposition des cessions de droits sociaux, permettant de déduire du prix de revient à retenir pour le calcul de la plus-value le montant du solde créditeur du compte courant éventuellement compris dans la cession, cette instruction subordonne une telle possibilité à la condition que l'acte de cession fasse apparaître les ventilations nécessaires et, si des comptes courants n'ont pas été ouverts dans les écritures sociales, à la condition que les écritures comptables soient régularisées avant la cession des parts ; que les requérants ne justifient pas qu'il ait été satisfait à de telles conditions et ne sauraient dès lors se prévaloir de ces dispositions ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. Y... est fondé à demander la réduction de l'imposition mise à sa charge au titre de l'année 1986 ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. Y... tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui payer une somme par application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Le jugement en date du 11 mai 1995 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : Le montant des charges déductibles des bénéfices de la S.C.I. du Caire au titre de l'année 1986 est majoré de 16 633,48 F et la fraction du bénéfice de cette société imposable au nom de M. et Mme Y... au titre de l'année 1986, soit 34/35 èmes, est réduite en conséquence.
Article 3 : M. et Mme Y... sont déchargés de la fraction de l'imposition sur le revenu résultant de la réduction mentionnée à l'article précédent.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de M. et Mme Y... et les conclusions du ministre tendant à ce que la Cour déclare que la requête a en partie perdu son objet sont rejetées.