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09/07/2025 | FRANCE | N°24DA02171

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 09 juillet 2025, 24DA02171


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 12 mars 2024 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2401459 du 26 septembre 2024, le tribunal administratif d'Amiens a ann

ulé la décision d'interdiction de retour pour une durée d'un an et a rejeté le surplus des conclusi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 12 mars 2024 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2401459 du 26 septembre 2024, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision d'interdiction de retour pour une durée d'un an et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 octobre 2024 et 31 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Welsch, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aisne du 12 mars 2024 en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 ou L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté du 12 mars 2024 est insuffisamment motivé et procède d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il remplit les conditions posées par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de l'Aisne a donné au critère des liens avec la famille dans le pays d'origine, un caractère déterminant par rapport aux autres critères et a ainsi commis une erreur de droit ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2025, le préfet de l'Aisne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- et les observations de Me Welsh, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 4 avril 2005, est entré en France le 23 avril 2021. Après avoir été a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Aisne, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 mars 2024, le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement n°2401459 du 26 septembre 2024, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français dont l'intéressé a fait l'objet et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 mars 2024 en tant que celui-ci lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination. M. A... relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

2. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 12 mars 2024 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour à M. A..., l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination doit être écarté par adoption des motifs énoncés au point 2 du jugement attaqué du 26 septembre 2024.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".

4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est inscrit dans un centre de formation des apprentis du bâtiment dans le cadre d'un cursus " CAP Menuisier installateur " et qu'il bénéficie d'un contrat d'apprentissage depuis le 2 janvier 2023 dans une société de rénovation immobilière dans laquelle il exerce la fonction de poseur, l'intéressé suivant sa formation avec assiduité en dépit de certaines lacunes. Il ressort par ailleurs des avis de la structure ayant assuré le suivi de M. A... des 31 janvier 2023, 23 janvier 2024 et 24 avril 2024 que celui-ci est une personne autonome et volontaire. Toutefois, ces deux derniers avis indiquent aussi que le requérant a conservé des relations avec les membres de sa famille demeurant en Guinée, notamment par le biais des réseaux sociaux. Dans le cadre de ses écritures présentées devant la cour, le préfet de l'Aisne fait en outre valoir que M. A... n'est pas dépourvu de liens avec son père qui vit dans son pays d'origine et qui l'a aidé, postérieurement à l'arrivée de l'appelant sur le territoire français, à accomplir les démarches administratives lui permettant de se procurer des documents de voyage et d'état civil. Eu égard à la nature et la persistance de ces liens et nonobstant les efforts d'intégration du requérant, le préfet de l'Aisne n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir M. A... et pour l'application des principes rappelés au point 4, l'autorité administrative a examiné sa demande de délivrance d'un titre de séjour en procédant à une appréciation globale de sa situation, sans faire du critère de l'isolement familial un critère prépondérant pour l'octroi du titre de séjour sollicité. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'autorité administrative n'aurait pas sérieusement examiné sa situation personnelle et aurait entaché son arrêté d'une erreur de droit.

6. En troisième lieu, M. A... n'a sollicité la délivrance d'un titre de séjour que sur le seul fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet du Nord a examiné d'office sa situation sur un autre fondement. Par suite, le requérant ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté attaqué n'ayant ni pour objet ni pour effet de lui refuser un titre de séjour sur ce fondement. Le moyen afférent doit donc être écarté.

7. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été énoncé précédemment, M. A... vit en France depuis moins de trois années à la date l'arrêté attaqué et, s'il se prévaut d'une insertion par le travail, il est célibataire sans enfant, ne dispose d'aucune attache familiale en France et n'en est pas dépourvu en Guinée où réside l'essentiel de sa famille. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 12 mars 2024 porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En dernier lieu, la seule circonstance selon laquelle M. A..., qui n'a au demeurant pas sollicité le bénéfice de l'asile, a quitté la Guinée depuis l'âge de 14 ans ne saurait établir qu'il risque d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants proscrits par les articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi que l'a jugé le tribunal, si la décision attaquée a fixé le Bangladesh au lieu de la République de Guinée comme pays de destination de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, cette mention constitue une erreur de plume et n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen de sa situation par le préfet de l'Aisne.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 12 mars 2024 en tant que celui-ci lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aisne.

Délibéré après l'audience publique du 24 juin 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de chambre

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°24DA02171


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA02171
Date de la décision : 09/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : WELSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-09;24da02171 ?
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