Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille :
- d'annuler l'arrêté du 15 juin 2023 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an ;
- d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sous réserve pour ce dernier de renoncer à la part contributive de l'Etat, sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2307951 du 12 février 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mai 2024 et un mémoire de production de pièces enregistré le 6 août 2024, Mme B... A... représentée par Me Emilie Dewaele, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sous réserve, pour ce dernier, de renoncer à la part contributive de l'Etat, sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ; elle méconnaît les dispositions des articles L. 421-3 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît les dispositions de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur d'appréciation ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ; elle est insuffisamment motivée ; elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2025, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et précise qu'il a pris en compte le placement de Mme A... auprès de l'aide sociale à l'enfance et l'achèvement de sa formation, de sorte qu'elle n'entre plus dans le champ d'application de l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Mme B... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante guinéenne née le 8 octobre 2002 à Conakry (Guinée), déclare être entrée en France le 18 septembre 2018. Elle a fait l'objet d'un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance (ASE) jusqu'à sa majorité par un jugement du 7 février 2020 du juge des enfants près le tribunal judiciaire de Lille. Dans l'année suivant sa majorité, elle a sollicité un titre de séjour mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de jeune majeure anciennement confiée à l'ASE entre les âges de seize et dix-huit ans. Elle a été mise en possession d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié/travailleur temporaire " valable du 2 février 2021 au 1er février 2022. Le 25 avril 2022, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un courrier du 16 août 2022, le préfet du Nord l'a informée de la clôture de sa demande en raison de l'incomplétude de son dossier et l'a invitée à formuler une nouvelle demande. Le 12 septembre 2022, Mme A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour et, à titre subsidiaire, la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 15 juin 2023, le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme A... interjette appel du jugement du 12 février 2024 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant refus d'admission au séjour, obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour en France contenues dans l'arrêté du 15 juin 2023.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
S'agissant du moyen commun à ces trois décisions :
2. Il ressort de l'arrêté contesté que celui-ci mentionne, avec une précision suffisante, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement afin de permettre à Mme A... d'en discuter utilement les motifs. Au demeurant, l'arrêté n'avait pas à mentionner les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicable à sa demande de renouvellement de titre de séjour, ainsi qu'il est dit au point 7. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
S'agissant des autres moyens invoqués contre la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de Mme A... avant de prendre la décision attaquée. En particulier, le préfet du Nord a mentionné et tenu compte, d'une part, du placement de la requérante auprès de l'ASE en France, d'autre part, des attaches familiales conservées dans son pays d'origine. La circonstance qu'il n'ait pas mentionné l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne suffit pas à caractériser un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle, alors qu'ainsi qu'il est dit au point 7 l'intéressée ne pouvait utilement se prévaloir de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de Mme A... doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A l'exception de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention "salarié détaché ICT", prévue à l'article L. 421-26, et de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", prévue à l'article L. 422-10, qui ne sont pas renouvelables, le renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) est subordonné à la preuve par le ressortissant étranger qu'il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. / (...) ". Aux termes de l'article L. 435-3 du même code : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
5. Mme A... fait d'abord grief au préfet du Nord d'avoir omis d'examiner sa demande au regard des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Contrairement à ce qu'il avait fait valoir en première instance, le préfet du Nord admet en appel que l'intéressée a sollicité le renouvellement de son titre sur le fondement de l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ne se prononçant pas expressément sur sa demande, le préfet du Nord a commis une erreur de droit.
7. Toutefois, s'il ne s'est pas expressément prononcé sur sa demande à ce titre, le préfet affirme en appel avoir tenu compte de son placement à l'ASE et de l'achèvement de sa formation et soutient que Mme A... n'entrait plus dans le champ d'application de ces dispositions. Il doit ainsi être regardé comme demandant la substitution du motif tiré de ce que Mme A... ne remplit pas les conditions prévues par l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
9. Il ressort de l'arrêté du 15 juin 2023 que le préfet a fait état du placement de Mme A... auprès de l'ASE et de son obtention du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) mention " Assistante technique en milieu familial et collectif ". Si à l'issue de l'obtention de ce diplôme en juillet 2020, Mme A... s'est inscrite en préparation de la mention complémentaire " aide à domicile ", elle ne justifie pas avoir poursuivi ses études à l'issue de l'année scolaire 2020-2021. Ainsi, à la date à laquelle l'administration s'est prononcée sur sa demande de renouvellement de titre de séjour portant la mention " salarié/travailleur temporaire ", Mme A... ne suivait plus une " formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ". Dès lors que l'intéressée n'entrait ainsi plus dans le champ d'application de l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il y a lieu de procéder à la substitution de motif demandée par le préfet du Nord.
10. Mme A... soutient ensuite que l'administration ne pouvait pas lui opposer son absence d'autorisation de travail, alors, d'une part, qu'elle n'est pas mentionnée comme étant un document à fournir, ni par l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni par la liste des pièces, prévue à l'annexe 10 du même code, en vue du renouvellement d'un tel titre de séjour et, d'autre part, qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 5221-5 du code du travail, elle " est accordée de droit aux mineurs isolés étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, sous réserve de la présentation d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation. ". Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, à la date à laquelle l'administration s'est prononcée sur sa demande de renouvellement de titre de séjour, Mme A... n'entrait plus dans le champ de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne bénéficiait plus d'une autorisation de travail de droit à ce titre.
11. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée (...) se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "travailleur temporaire" d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L.5221-2 et suivants du code du travail. / Elle est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail (...), dans la limite d'un an. / Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail (...). ". Aux termes de l'article R. 5221-2 du code du travail : " Sont dispensés de l'autorisation de travail prévue à l'article R. 5221-1 : / (...) 16° Le titulaire d'une autorisation provisoire de séjour ou d'un document provisoire de séjour portant la mention "autorise son titulaire à travailler" ; / (...) "
13. Mme A... soutient qu'ayant été munie d'un récépissé de renouvellement de titre de séjour portant la mention " autorise son titulaire à travailler " valable jusqu'au 27 octobre 2022, elle n'avait pas à justifier d'une autorisation de travail. Toutefois, d'une part, ce récépissé ne correspond pas à un document provisoire de séjour au sens et pour l'application des dispositions de l'article R.221-2 du code du travail. D'autre part, dès lors que Mme A... ne remplissait plus les conditions de l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'un renouvellement de la carte de séjour attribuée sur ce fondement, elle devait être regardée comme présentant une première demande sur le fondement de l'article L.421-3 du même code, soumise, par conséquent, à la détention préalable d'une autorisation de travail. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... était détentrice de l'autorisation de travail requise, en dépit de son contrat à durée déterminée (CDD) d'insertion de six mois à compter du 1er septembre 2022.
14. D'autre part, Mme A... se prévaut de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision du 21 octobre 2022 par laquelle le préfet du Nord a rejeté la demande d'autorisation de travail présentée par la commune de Lille le 27 septembre 2022 au titre de son CDD d'insertion conclu le 1er septembre 2022.
15. Il y a lieu, par adoption des motifs développés aux points 10 à 13 du jugement du tribunal administratif de Lille, d'écarter ce moyen à l'égard duquel Mme A... ne présente pas de nouveaux arguments en appel.
16. Il suit de là que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L.421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
17. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. /Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. /L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
18. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance./ 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
19. Il ressort des pièces du dossier que l'appelante, qui déclare être entrée en France le 18 septembre 2018, a été confiée à l'ASE par un jugement en assistance éducative du tribunal pour enfants de la cour d'appel de Douai du 7 février 2020 alors qu'elle était âgée de plus de dix-sept ans jusqu'à sa majorité acquise le 8 octobre 2020. Elle fournit des documents scolaires prouvant sa scolarisation en France entre le 24 novembre 2018 et le 2 janvier 2021 et attestant de sa réussite au CAP " assistante technique en milieux familial et collectif " et des documents professionnels démontrant qu'elle a obtenu des contrats à durée déterminée et travaillé entre août 2021 et janvier 2022 puis entre juin et décembre 2022 comme agent d'entretien et aide à la personne, aide-ménagère ou animatrice. Elle produit également une vingtaine d'attestations témoignant de ses relations amicales sur le territoire. Toutefois, sa présence continue sur le territoire français ne datait que de moins de cinq ans à la date de la décision attaquée et les pièces qu'elle produit ne sont pas suffisantes pour établir la stabilité et l'intensité des liens privés qu'elle allègue avoir noués en France, alors qu'elle est célibataire et sans charge de famille. Par ailleurs, si l'appelante soutient avoir fui son pays et rompu les liens avec sa famille après avoir été forcée à se marier et excisée alors qu'elle était mineure, ses allégations, peu circonstanciées, ne sont corroborées par aucune justification probante et n'établissent pas, au demeurant, son impossibilité de se réinsérer socialement dans un pays où elle a vécu jusqu'à ses seize ans. Dès lors, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... une atteinte disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis. Par suite les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
20. En cinquième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle doit être écarté.
21. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision portant refus de séjour.
S'agissant des autres moyens invoqués contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
22. En premier lieu, l'ensemble des moyens dirigés contre la décision portant refus d'admission au séjour ayant été écartés, Mme A... n'est pas fondée à en invoquer, par voie d'exception, l'illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
23. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 19, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
24. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
S'agissant de l'autre moyen invoqué contre la décision fixant le pays de destination :
25. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, l'appelante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
26. Il suit de là que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
27. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
28. En l'espèce, il est constant que Mme A... n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. En outre, l'intéressée était présente sur le territoire français depuis près de cinq ans à la date de la décision contestée et y était en situation régulière depuis sa majorité, à l'exception d'une période de moins de trois mois entre l'expiration de son titre de séjour le 1er février 2022 et sa demande de renouvellement de titre formée le 24 avril 2022. Dans ces conditions, elle est fondée à soutenir que le préfet du Nord a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.
29. Il suit de là que Mme A... est fondée à demander l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retourner en France pendant une durée d'un an, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués à l'encontre de la décision portant interdiction de retour.
30. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 12 février 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision lui faisant interdiction de retour en France pendant un an, contenue dans l'arrêté du 15 juin 2023 du préfet du Nord. En revanche, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions à fins d'annulation dirigées contre les décisions du même jour portant refus d'admission au séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, de même que ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions présentées en appel :
31. En premier lieu, eu égard à l'étendue de l'annulation qu'il prononce, le présent arrêt n'implique pas d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme A... au regard de son droit au séjour ni de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte doivent, dès lors, être rejetées.
32. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par Mme A... soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... à l'encontre de la décision du préfet du Nord du 15 juin 2023 lui faisant interdiction de retourner en France pendant une durée d'un an.
Article 2 : La décision du 15 juin 2023 par laquelle le préfet du Nord a interdit à Mme A... de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Emilie Dewaele et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2025.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°24DA00989 2