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18/06/2025 | FRANCE | N°24DA01754

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 18 juin 2025, 24DA01754


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2022 par lequel le maire d'Aulnoy-lez-Valenciennes a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre à la commune d'Aulnoy-lez-Valenciennes de reconstituer sa carrière dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par

jour de retard.



Par un jugement n° 2208615 du 28 juin 2024, le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2022 par lequel le maire d'Aulnoy-lez-Valenciennes a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre à la commune d'Aulnoy-lez-Valenciennes de reconstituer sa carrière dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2208615 du 28 juin 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et a enjoint au maire d'Aulnoy-lez-Valenciennes de procéder, dans le délai de trois mois suivant la notification du jugement, à la réintégration juridique de M. C..., incluant notamment la reconstitution de ses droits à pension de retraite, pour la période durant laquelle il a été exclu de ses fonctions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 août 2024, la commune d'Aulnoy-lez-Valenciennes, représentée par Me Forgeois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. C... en première instance ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que les faits reprochés à M. C... n'étaient pas matériellement établis ;

- ils sont de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

- la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pendant une durée d'un an ne présente pas un caractère disproportionné au vu de la gravité des faits.

La procédure a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de la chambre,

- les conclusions de M. Frédéric Malfoy, rapporteur public.

- et les observations de Me Forgeois, représentant la commune d'Aulnoy-lez-Valenciennes.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., titulaire du grade d'adjoint technique territorial de 1ère classe, est employé par la commune d'Aulnoy-lez-Valenciennes sur un poste de jardinier polyvalent depuis le 1er avril 2010. Il a été mis en cause, avec d'autres agents des services techniques municipaux, pour des faits de vols de biens et matériaux communaux et pour avoir eu connaissance de telles infractions sans en avoir informé sa hiérarchie mais aussi pour avoir effectué, sur son temps de travail, des tâches pour le bénéfice personnel du responsable des espaces verts. Il a fait l'objet d'une suspension de fonctions, à titre conservatoire, par un arrêté du 2 novembre 2021, et a été informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre par un courrier du 21 avril 2022. Par un avis du 19 juillet 2022, le conseil de discipline s'est prononcé en faveur de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois dont deux avec sursis. Par un arrêté du 15 septembre 2022, le maire de la commune a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an. La commune d'Aulnoy-lez-Valenciennes relève appel du jugement du 28 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et a enjoint au maire d'Aulnoy-lez-Valenciennes de procéder à la réintégration juridique de M. B... C..., dans un délai de trois mois.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code général de la fonction publique : " L'agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité ". Aux termes de l'article L. 530-1 du même code : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ".

3. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions a été infligée à M. B... C... aux motifs, d'une part, qu'il a participé à des vols de biens et matériaux communaux et a eu connaissance de telles infractions sans en avoir informé sa hiérarchie, d'autre part, qu'il a effectué durant son temps de travail des tâches pour le bénéfice personnel de responsable des espaces verts, en l'occurrence son frère, comprenant notamment le transport et l'usage de matériel communal.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces produites pour la première fois en appel par la commune, que M. B... C... a été impliqué, avec quatre autres agents des services techniques, dans des faits de vols de biens appartenant à la commune entre 2018 et 2019, motifs pour lesquels la commune a procédé, le 6 octobre 2021, à un signalement auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Valenciennes sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale. Afin d'établir la matérialité des faits en cause, la commune produit le compte rendu de l'audition d'un adjoint technique menée le 19 janvier 2021 dans le cadre de l'enquête administrative diligentée à la suite de signalements de plusieurs agents et complétée par une attestation écrite faisant état de la commission ou de la connaissance de vols de biens communaux par des agents à la demande et au profit de leur supérieur hiérarchique direct, de tâches effectuées par des agents durant le temps de travail pour le compte de ce dernier avec l'assentiment du directeur des services techniques de l'époque et de la falsification d'heures supplémentaires. Lors de cette audition, l'agent a notamment déclaré que plusieurs agents du service, dont M. B... C..., avaient récupéré, le 28 janvier 2019, à la demande de leur responsable A... C..., frère de l'intimé, du bois au domicile d'un voisin de ce dernier avec le véhicule de service sur leur temps de travail. Il mentionnait également avoir livré dans les mêmes conditions, au profit de ce même responsable et avec le concours de son frère, du bois de coupe et avoir récupéré, sans autorisation de la municipalité, l'antenne ainsi que les gouttières de la maison de l'enfance, bâtiment communal alors concerné par une opération de destruction et de désamiantage. Ces griefs sont corroborés par le témoignage d'un second collègue, établi le 19 novembre 2020, indiquant avoir en outre constaté des allées et venues réalisées avec le véhicule de la commune afin de déposer des bidons d'essence et du matériel au domicile de M. A... C..., ainsi que le procès-verbal d'un autre agent du service, auditionné le 11 mai 2021, lequel reconnait notamment avoir livré à plusieurs reprises sur une période d'un ou deux ans du matériel au responsable des espaces verts sur son temps de travail après avoir chargé le véhicule du service avec d'autres agents, dont M. B... C..., en ce qui concerne plus particulièrement le schiste et des barrières en bois. Les faits de vol de carburant et de bois ainsi que l'utilisation par l'intéressé, sur son temps de travail, des moyens matériels de la commune à des fins étrangères aux services ont en outre été tenus pour établis par le conseil de discipline dans son avis du 19 juillet 2022 et il est constant qu'il n'a pas alerté sa hiérarchie sur ces faits. Eu égard aux témoignages concordants dont disposait le maire de la commune au jour de la décision litigieuse, les faits reprochés à M. B... C..., qui n'a pas produit à hauteur d'appel, doivent ainsi être tenus pour établis.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 15 septembre 2022, les premiers juges ont retenu le moyen tiré du défaut de matérialité des faits.

7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... C... devant le tribunal administratif.

Sur les autres moyens dirigés contre l'arrêté du 15 septembre 2022 :

8. En premier lieu, les faits précités, qui sont contraires aux obligations d'exemplarité, de loyauté et de probité attendues d'un agent public et qui constituent un manquement à l'obligation de se consacrer à l'exercice de ses tâches professionnelles sur son temps de travail, présentent un caractère fautif et justifient, eu égard à leur nature et leur gravité, l'infliction d'une sanction.

9. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 533-1 du même code reprenant celles de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires (...) sont réparties en quatre groupes. (...) / Troisième groupe : / la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à un échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui détenu par le fonctionnaire ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / (...) ".

10. Eu égard à la réitération et la gravité des agissements en cause, qui ont notamment été commis par l'intéressé au profit de son supérieur hiérarchique direct, qui a d'ailleurs été lui-même révoqué à titre disciplinaire et avec lequel il possède un lien de parenté, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce et au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, pris une sanction disproportionnée en infligeant à M. B... C... la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an, et ce en dépit du fait qu'il justifie de bons états de service sans aucun antécédent disciplinaire et que la commune avait initialement envisagé l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois seulement. Par suite, le moyen tiré d'une erreur d'appréciation dans le choix de la sanction doit être écarté.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune d'Aulnoy-lez-Valenciennes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 15 septembre 2022, lui a enjoint de réintégrer M. B... C... dans ses fonctions dans le délai de trois mois et a mis à sa charge une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 28 juin 2024 et de rejeter la demande présentée par M. B... C... devant ce tribunal.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... C..., la somme de 1 200 euros que la commune sollicite sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 28 juin 2024 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... C... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune d'Aulnoy-lez-Valenciennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Aulnoy-lez-Valenciennes et à M. B... C....

Délibéré après l'audience publique du 3 juin 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Geneviève Verley-Cheynel, présidente de la cour,

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de la chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2025.

La présidente de la cour,

Signé : G. Verley-Cheynel

La présidente-rapporteure,

Signé : M.-P. ViardLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 24DA01754 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01754
Date de la décision : 18/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Verley-Cheynel
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Viard
Rapporteur public ?: M. Malfoy
Avocat(s) : SCP E.FORGEOIS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-18;24da01754 ?
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