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05/06/2025 | FRANCE | N°24DA00757

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 05 juin 2025, 24DA00757


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lille :



- d'annuler les décisions du 2 mars 2024 par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé l'Erythrée comme pays de destination de la mesure d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;



- d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de

procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lille :

- d'annuler les décisions du 2 mars 2024 par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé l'Erythrée comme pays de destination de la mesure d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

- d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2402345 du 13 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé les décisions du 2 mars 2024, a enjoint au préfet du Pas-de-Calais de procéder à un nouvel examen de la situation de M. C... et de lui délivrer, sans délai, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2024, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. C....

Il soutient que :

- il a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, ne pas considérer que M. C... sollicitait implicitement la protection des autorités françaises au titre de l'asile ;

- les moyens invoqués par M. C... en première instance à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de la violation du droit d'être entendu, du défaut de motivation et de la violation du droit d'asile ne sont pas fondés ;

- les moyens invoqués par M. C... en première instance à l'encontre de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et tirés du défaut de motivation et de l'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L.612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas fondés ;

- les moyens invoqués par M. C... en première instance à l'encontre de la décision fixant le pays de destination et tirés du défaut de motivation et de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention relative au statut des réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n ° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant érythréen né le 1er août 1999, affirme être entré en France en novembre 2023. Il a été interpellé, le 28 février 2024 à 19h30, en compagnie des quarante-cinq rescapés du naufrage d'une embarcation en mer du Nord. Il a fait l'objet le 2 mars 2024 d'un arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français à destination de l'Erythrée assortie d'une interdiction de retour sur le sol français pour une durée de trois ans. Saisi par M. C..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, par un jugement du 13 mars 2024, annulé les décisions du 2 mars 2024, enjoint au préfet du Pas-de-Calais de procéder à un nouvel examen de la situation de M. C... et de lui délivrer, sans délai, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. C.... Par la présente requête, le préfet du Pas-de-Calais interjette appel des articles 1 et 2 de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen d'annulation accueilli par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement. ". Aux termes de l''article L. 521-7 du même code : " Lorsque l''enregistrement de sa demande d''asile a été effectué, l''étranger se voit remettre une attestation de demande d''asile (...). Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux c ou d du 2° de l''article L. 542-2. / Cette attestation n''est pas délivrée à l''étranger qui demande l''asile à la frontière ou en rétention. ". Aux termes de l'article L. 542-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : (...) /2° Lorsque le demandeur : / (...) / c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; / d) fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale. / Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. ". Aux termes de l'article R.521-4 de ce code : " Lorsque l'étranger se présente en personne auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, en vue de demander l'asile, il est orienté vers l'autorité compétente. (...) ".

3. Il ressort du procès-verbal de son audition par les services de police le 2 mars 2024 que M. C... a indiqué avoir quitté son pays pour ne pas faire son service militaire et vouloir rejoindre le Royaume-Uni par tous moyens. Interrogé sur le point de savoir s'il avait effectué une demande d'asile dans un pays européen, alors qu'il affirmait être entré en Italie en octobre 2023 et en France en novembre 2023, il a répondu par la négative et n'a pas fait état de menaces directes et personnelles sur sa vie en cas de retour en Erythrée. Il ne ressort d'aucune de ses déclarations aux services de police qu'il aurait déposé une demande d'asile ou manifesté sa volonté de le faire, alors qu'au demeurant, comme le fait valoir le préfet du Pas-de-Calais, il n'a pas déposé de demande d'asile auprès du chef du centre de rétention administrative auprès duquel il était placé après avoir reçu la notification de l'arrêté attaqué, ni d'ailleurs avant et après l'audience devant le tribunal administratif de Lille qui a examiné sa requête en annulation. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 521-1, L. 521-7, L. 541-2 et R.521-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour le préfet d'avoir remis à M. C... l'attestation de demande d'asile lui donnant le droit de se maintenir sur le territoire français doit être écarté comme non fondé.

4. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 2 mars 2024 en considérant qu'il avait méconnu le droit de M. C... de se maintenir en France en qualité de demandeur d'asile.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... devant le tribunal administratif de Lille.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. C... en première instance :

S'agissant du moyen commun aux décisions attaquées tiré de l'incompétence de leur auteur :

6. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Il ressort de l'arrêté attaqué qu'il a été signé par Mme A... D..., sous-préfète de l'arrondissement de Lens, qui bénéficiait, en vertu de l'arrêté n° 2024-10-03 du 11 janvier 2024 prévoyant les permanences des membres du corps préfectoral régulièrement publié au registre des actes administratifs n°62-2024-008 du même jour, d'une délégation de signature à l'effet de signer les décisions relatives à la procédure d'éloignement d'un ressortissant étranger, à savoir " les décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire ", " les décisions relatives aux interdictions de retour " et " les arrêtés fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L.613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

8. Si M. C... soutient que la décision est insuffisamment motivée faute de préciser la raison de son départ de l'Erythrée, à savoir sa volonté de ne pas faire son service militaire, et les risques encourus de ce fait, il ressort de l'arrêté attaqué que celui-ci mentionne avec suffisamment de précision les considérations de fait et de droit sur lesquelles il a fondé la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui tiennent à sa situation irrégulière, à sa présence récente, à son absence de liens personnels et familiaux en France et à l'absence de justification humanitaire de son droit au séjour. Dès lors que, dans son procès-verbal d'audition par les services de police, M. C... n'avait fait état d'aucune demande d'asile et d'aucun risque en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet n'avait pas à motiver davantage la décision d'éloignement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté comme manquant en fait.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...). ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de cette charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".

10. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

11. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition par les services de police le 2 mars 2024, l'hypothèse d'une mesure d'éloignement a été envisagée. M. C... a alors présenté ses observations et tout élément utile concernant sa situation personnelle et professionnelle. Il a ainsi pu relater les raisons de son départ, son parcours migratoire, sa situation familiale, ses moyens de subsistance et a indiqué sa volonté de ne pas repartir dans son pays. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait été adoptée en méconnaissance des stipulations précitées garantissant son droit à une bonne administration et en particulier son droit d'être entendu avant l'édiction d'une mesure individuelle à son encontre.

12. En troisième lieu, M. C... ne peut utilement faire état de ses craintes en cas de retour en Erythrée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui est une décision distincte de celle fixant le pays de renvoi, alors, au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait demandé l'asile en France ou dans un autre pays appliquant la convention de Genève. Il ne fait par ailleurs état d'aucun élément précis sur ses liens personnels en France. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle doit donc être écarté.

13. Par suite, M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

14. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".

15. En se référant aux mêmes raisons que celles exposées au point 8 et en ajoutant qu'il y avait un risque que M. C... se soustraie à la décision d'éloignement compte tenu de ses conditions d'interpellation, de sa situation irrégulière, de son absence de demande de titre de séjour et de son absence de déclaration d'un lieu de résidence effective et permanente, le préfet, qui avait, au préalable, cité les dispositions des articles L.612-2 et L.612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé en fait et en droit la décision de ne pas accorder un délai de départ volontaire à l'intéressé.

16. En deuxième lieu, compte tenu des motifs énoncés aux points 7 à 13 du présent arrêt, M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article L.612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : /1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; /2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; /3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ".

18. Si M. C... fait valoir qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente décision d'éloignement, qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il était en train d'organiser son départ de France, le préfet a pu légalement estimer, au vu des éléments mentionnés au point 15, qu'il ne présentait pas de garanties suffisantes, justifiant de ne pas lui accorder un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L.612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme non fondé.

19. Par suite, M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

20. En premier lieu, aux termes de l'article L.721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : /1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; /3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. (...). ".

21. Il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet, après avoir cité les articles L.711-2 et L.721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relève que M. C... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté comme manquant en fait.

22. En deuxième lieu, compte tenu des motifs énoncés aux points 7 à 13 du présent arrêt, M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi.

23. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L.721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

24. Dans ses écritures, M. C... soutient qu'il souhaitait introduire sa demande d'asile au Royaume-Uni et qu'il est en danger en cas de retour dans son pays d'origine dans la mesure où il a quitté l'Erythrée pour échapper au service militaire et risque d'être emprisonné. Ses allégations sont toutefois trop générales et insuffisamment circonstanciées pour caractériser l'existence de menaces personnelles et directes en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L.721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme non établi, de même que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.

25. Par suite, M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination.

S'agissant de la décision fixant une interdiction de retour sur le territoire français :

26. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les (...) décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. " Aux termes de l'article L.612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. /Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

27. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

28. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet du Pas-de-Calais, après avoir cité les articles L. 612-6 et L.612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pris en compte la présence non justifiée de M. C... en France depuis quatre mois, son absence de liens privés et familiaux dans ce pays, son absence de menace pour l'ordre public et la circonstance qu'il n'avait pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement précédente. Par suite, et alors que l'intéressé ne conteste pas la durée de l'interdiction de retour, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.

29. En deuxième lieu, compte tenu des motifs énoncés aux points 7 à 13 et 14 à 19 du présent arrêt, M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure portant obligation de quitter le territoire français sans délai à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision interdiction son retour en France pendant une durée de trois ans.

30. En troisième lieu, aux termes de l'article L.612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, que M. C... doit être regardé comme invoquant à la place de l'article L.612-7, inopérant : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. /Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".

31. Pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées, la décision portant interdiction de retour n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

32. Par suite, M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant une interdiction de retour sur le territoire français.

33. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille annulé les décisions du 2 mars 2024 et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de M. C... et de lui délivrer, sans délai, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

34. Il suit de là que le jugement doit être annulé et la demande présentée en première instance par M. C... rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2402345 du 13 mars 2024 du magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... en première instance est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 15 mai 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller,

- M. Damien Vérisson, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : V. ThulardLa présidente de la formation de jugement,

Signé : I. Legrand

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°24DA00757 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00757
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Legrand
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Eustache

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24da00757 ?
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