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21/05/2025 | FRANCE | N°24DA01128

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 21 mai 2025, 24DA01128


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a prolongé d'un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre.



Par un jugement n° 2305017 du 31 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :


> Par une requête, enregistrée le 8 juin 2024, et un mémoire en réplique enregistré le 30 mars 2025, lequel n'a pas été ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a prolongé d'un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre.

Par un jugement n° 2305017 du 31 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2024, et un mémoire en réplique enregistré le 30 mars 2025, lequel n'a pas été communiqué, M. C..., représenté par Me Njem Eyoum, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 janvier 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime d'effacer cet arrêté dans les fichiers de signalement du système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'auteur de l'acte contesté ne justifie pas de sa compétence ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- le préfet a omis de procéder à un examen de sa situation personnelle ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet a estimé qu'il n'avait engagé aucune démarche pour régulariser sa situation ;

- la décision d'interdiction de retour méconnaît l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de circonstances humanitaires s'opposant à l'édiction d'une telle mesure d'interdiction ;

- le préfet a méconnu l'article L. 612-10 du code précité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant ivoirien né le 8 juin 2002, déclare être entré au cours de l'année 2018 sur le territoire français, où il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime. Par un arrêté du 16 décembre 2021, le préfet de la Seine-Maritime a obligé M. C... à quitter le territoire français sans délai en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Cette mesure d'interdiction a été prolongée par deux arrêtés du préfet de la Seine-Maritime des 19 septembre 2022 et 7 août 2023 pour une durée, respectivement, d'un an et de deux ans. A la suite d'une interpellation de M. C..., le préfet a de nouveau prolongé, par un arrêté du 20 décembre 2023, l'interdiction de retour pour une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement du 31 janvier 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, M. C... ne conteste plus en appel que Mme B... D..., cheffe du bureau de l'éloignement, avait reçu délégation du préfet de la Seine-Maritime, par un arrêté du 30 janvier 2023, à l'effet de signer, pour les actes relevant des attributions du bureau, les décisions relatives à l'interdiction de retour. S'il soutient que l'administration n'établit pas l'indisponibilité du délégant au moment de l'édiction de l'arrêté contesté, il ne ressort pas des pièces du dossier, en l'absence notamment de tout élément apporté par l'intéressé en sens contraire, que l'autorité normalement compétente n'était pas absente ou empêchée. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté doit être écarté.

3. En deuxième lieu, l'arrêté contesté mentionne les dispositions applicables de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est donc suffisamment motivé en droit. Cet arrêté précise les éléments de fait sur lesquels le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé pour décider de prolonger la durée de l'interdiction de retour dont M. C... fait l'objet. La circonstance que le préfet aurait tenu compte d'informations erronées dans son appréciation, qui se rapporte à la contestation des motifs de la décision de prolongation, n'est pas de nature à révéler un défaut de motivation de cette décision. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prolonger l'interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans dans les cas suivants : / 1° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il était obligé de le quitter sans délai ; / (...) / Compte tenu des prolongations éventuellement décidées, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, sauf menace grave pour l'ordre public ". Il résulte en outre de l'article L. 612-10 du même code que, pour fixer la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.

5. M. C..., arrivé mineur en France, soutient avoir été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime à compter du 30 octobre 2018, et avoir obtenu le 1er juillet 2022 le certificat d'aptitude professionnelle de monteur d'installations sanitaires. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment des comptes rendus d'audition par les services de police, que l'appelant a été interpellé le 15 décembre 2021 pour des faits de violences aggravées, le 7 août 2023 pour des faits d'exhibition sexuelle et le 19 décembre 2023 pour des faits d'outrage sur personne dépositaire de l'autorité publique, violences aggravées et rébellion. Contrairement à ce que soutient M. C... le préfet s'est borné à rappeler dans son arrêté les faits pour lesquels l'intéressé est défavorablement connu des services de police, sans pour autant retenir qu'il constituerait une menace pour l'ordre public. M. C... n'apporte à l'instance aucun élément justifiant de l'ancienneté et de la stabilité de la relation sentimentale qu'il dit entretenir avec une ressortissante française. S'il indique avoir travaillé dans le cadre de sa formation en plomberie, il ne justifie pas de la permanence de son activité professionnelle après le 31 août 2022. En outre, M. C... a fait l'objet de décisions l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, prises à son encontre les 16 décembre 2021 et 3 mars 2023, respectivement, par le préfet de la Seine-Maritime et par le préfet de la Nièvre. Il n'a pas exécuté ces mesures d'éloignement, ni même respecté les obligations de présentation lui incombant en vertu de l'assignation à résidence dont il a fait l'objet par un arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 7 août 2023. Il n'est pas démontré que le préfet aurait omis de tenir compte, dans son appréciation, de l'ensemble des critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions et alors même que M. C..., qui n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale, indique ne constituer aucune menace à l'ordre public, il n'établit pas que le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu les dispositions précitées des articles L. 612-10 et L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prolongeant d'une année la durée de l'interdiction de retour édictée à son encontre.

6. En quatrième lieu, les dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont pour objet l'édiction d'une interdiction de retour à l'encontre de l'étranger qui s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire accordé pour l'exécution de la mesure d'éloignement. L'arrêté contesté a pour objet, en application de l'article L. 612-11 du même code, de prolonger la mesure d'interdiction précédemment prise à l'encontre de M. C... au motif qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il était obligé de le quitter sans délai. Dans ces conditions, il ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 612-7 selon lesquelles des circonstances humanitaires sont susceptibles de s'opposer à l'édiction d'une interdiction de retour.

7. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de l'arrêté contesté du 20 décembre 2023, que, lors de son audition par les services de police le 7 août 2023, M. C... a déclaré être arrivé en France en 2018. La circonstance que cet arrêté précise que l'appelant n'a pas apporté la preuve de ses allégations sur ce point lors de son audition n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen de sa situation par le préfet de la Seine-Maritime, quand bien même l'intéressé produit à l'instance des éléments justifiant de sa présence sur le territoire français depuis l'année 2018. Si M. C... fait état de ses démarches auprès des services de la préfecture jusqu'en septembre 2021 afin d'obtenir la régularisation de sa situation, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait persévéré dans ce projet alors que, d'une part, d'après les termes de l'arrêté du 16 décembre 2021 l'obligeant à quitter le territoire français, il n'a pas donné suite à la demande de rendez-vous adressée par la préfecture le 23 septembre 2021, et que, d'autre part, il a fait l'objet de mesures d'éloignement les 16 décembre 2021 et 3 mars 2023 et d'une assignation à résidence le 19 septembre 2022 puis à nouveau le 7 août 2023. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet aurait omis de procéder à un examen complet de sa situation en relevant, dans son arrêté du 20 décembre 2023, que l'intéressé " ne démontre pas avoir engagé de démarches en vue de la régularisation de sa situation administrative ". Pour les mêmes raisons, les moyens tirés de ce que le préfet de la Seine-Maritime aurait entaché sa décision d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation sur ce point doivent être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées aux fins d'injonction, ainsi que ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me Njem Eyoum.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 22 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : J-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M-P. Viard

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

A.-S. Villette

2

N°24DA01128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01128
Date de la décision : 21/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Malfoy
Avocat(s) : NJEM EYOUM

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-21;24da01128 ?
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