Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Rainvillers a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner solidairement, d'une part, la société Siretec Ingénierie et la société Groupement des architectes à lui verser la somme de 24 600 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant le système de chauffage de l'école communale, et, d'autre part, ces deux sociétés et la société Eurovia à lui verser une somme de 9 786 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant la cuve à fioul de l'école communale, une somme de 14 315,09 euros toutes taxes comprises en remboursement des frais d'expertise, et une somme de 10 000 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices résultant de la perte de jouissance de l'ouvrage et de la recherche de solutions de remplacement.
Par un jugement n° 2102757 du 28 décembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de la commune de Rainvillers.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 février 2024 et le 21 novembre 2024, la commune de Rainvillers, représentée par Me Devillers, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2023 ;
2°) de condamner solidairement les sociétés Siretec Ingénierie et Groupement des architectes à lui verser la somme de 24 600 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant le système de chauffage de l'école communale ;
3°) de condamner solidairement les sociétés Siretec Ingénierie, Groupement des architectes et Eurovia à lui verser une somme de 9 786 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant la cuve à fioul de l'école communale ;
4°) de condamner solidairement les sociétés Siretec Ingénierie, Groupement des architectes et Eurovia à lui verser la somme de 14 315,09 euros toutes taxes comprises en remboursement des frais d'expertise ;
5°) de condamner solidairement les sociétés Siretec Ingénierie, Groupement des architectes et Eurovia à lui verser une somme de 10 000 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices résultant de la perte de jouissance de l'ouvrage et de la recherche de solutions de remplacement ;
6°) de mettre à la charge solidaire des sociétés Siretec Ingénierie, Groupement des architectes et Eurovia une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses conclusions présentées devant le tribunal administratif d'Amiens sont recevables dès lors qu'il est justifié d'une délibération du 29 septembre 2020 par laquelle le conseil municipal a donné délégation au maire afin d'intenter les actions en justice au nom de la commune et qu'elle justifie de ce que le conseil municipal est informé de la procédure en cours ;
- les premiers juges se sont référés par erreur à une délibération du 28 mars 2014, relevant du précédent mandat municipal ;
- il suffit de justifier de l'existence d'une délibération de délégation à la date à laquelle le maire a intenté une action au nom de la commune ;
- la responsabilité décennale des sociétés Siretec Ingénierie, Groupement des architectes et Eurovia est engagée dès lors que les désordres affectant les installations de l'école communale leur sont imputables et rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;
- les sociétés Siretec ingénierie et Groupement des architectes, qui constituent l'équipe de maîtrise d'œuvre, ont omis de vérifier la conformité des installations de chauffage aux prescriptions du cahier des clauses techniques particulières et à la notice du constructeur des pompes à chaleur ;
- aucun défaut d'entretien ne lui est imputable ;
- les désordres affectant la cuve à fioul résultent d'un manquement aux règles de l'art concernant l'autocontrôle de l'étanchéité dès lors que la société Eurovia a omis de prévoir le drainage des eaux dans l'espace vert où se trouve la cuve et que la société Le Sanitaire moderne n'a pas vérifié l'étanchéité des raccordements sur la cuve à fioul ;
- les maîtres d'œuvre n'ont pas vérifié la conformité de ces travaux aux règles de l'art ;
- la responsabilité de la société Eurovia ne saurait se limiter à l'indemnisation d'une partie des travaux nécessaires à la réparation des désordres affectant la cuve ;
- elle a subi un préjudice de jouissance résultant de l'augmentation de la consommation électrique en conséquence de l'installation de radiateurs supplémentaires, de l'absence de chauffage suffisant dans les salles de maternelle et de primaire et de la dégradation des conditions d'accueil des enfants et des conditions de travail des professeurs ;
- les frais d'expertise incombent aux constructeurs, à l'origine des désordres constatés par l'expert.
Par un mémoire enregistré le 17 avril 2024, la société Eurovia Picardie, représentée par Me Gacquer Caron, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Rainvillers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres affectant la cuve à fioul ne lui sont pas imputables dès lors que le défaut d'étanchéité incombe au titulaire du lot " chauffage et VMC ", que le traitement des eaux de ruissellement ne lui incombait pas dans le cadre de ses travaux de terrassement, qu'il n'est pas établi que ces eaux de ruissellement seraient à l'origine du dommage et qu'il appartenait aux maîtres d'œuvre de prévoir leur drainage ;
- les frais d'expertise résultent pour l'essentiel des investigations se rapportant au système de chauffage de l'école communale, et non de l'étude des désordres affectant la cuve à fioul destinée aux locaux de la mairie ; ces frais doivent être répartis au prorata des condamnations mises à la charge des parties ;
- le préjudice de jouissance, qui concerne les installations de chauffage, ne lui est aucunement imputable ;
- chaque constructeur doit être condamné dans la limite de sa part de responsabilité.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 mai 2024, 6 août 2024 et 6 novembre 2024, la société Siretec Ingénierie, représentée par Me Abiven, conclut au rejet de la requête, à ce que les sociétés Ramery Enveloppe, Eurovia et Le Sanitaire moderne et la commune de Rainvillers la garantissent de toute condamnation prononcée à son encontre, à ce que les dépens soit mis à la charge des parties perdantes et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors que la commune requérante ne démontre pas que l'action intentée en son nom par le maire aurait fait l'objet d'une information préalable du conseil municipal et que les éléments produits se rapportant à cette information ne sont pas probants ;
- la production en appel de la délibération autorisant le maire à ester en justice n'a pas pour effet de régulariser la demande présentée en première instance ;
- les dommages litigieux ont fait l'objet de réserves, de sorte qu'ils étaient apparents lors des opérations de réception ;
- le dysfonctionnement du système de chauffage ne compromet pas l'utilisation des locaux scolaires et ne revêt donc pas un caractère décennal ;
- ce dysfonctionnement résulte d'une mise en œuvre défectueuse par le titulaire du lot " chauffage et VMC ", d'un défaut de conseil de la société chargée de l'entretien du système de chauffage et d'un défaut d'entretien par la commune requérante ;
- les désordres concernant la cuve à fioul résultent d'un défaut d'exécution et non de manquements dans la conception de l'ouvrage ;
- l'expert ne retient aucune responsabilité du maître d'œuvre ;
- il ne peut lui être reproché d'avoir omis de vérifier la conformité des installations de chauffage aux prescriptions techniques dès lors que la société de travaux a dissimulé l'absence de vérification et que ces installations ont été modifiées postérieurement à la réception des travaux ;
- elle est fondée à appeler en garantie la société Le Sanitaire moderne qui a dissimulé l'absence de vérification du système d'étanchéité de la cuve à fioul et ne l'a pas alertée quant au non-respect des prescriptions techniques ;
- elle est également fondée à rechercher la responsabilité de la société Monsegu, aux droits de laquelle vient la société Ramery Enveloppe, qui aurait dû la prévenir des difficultés de fonctionnement ;
- la responsabilité de la commune requérante est engagée, en l'absence de contrat de maintenance, ainsi que celle de la société Eurovia qui n'a pas prévu le drainage des eaux de surface ;
- la commune requérante n'est pas fondée à obtenir la condamnation solidaire des constructeurs dès lors que ceux-ci n'ont pas concouru à la réalisation de l'entier dommage.
Par un mémoire enregistré le 20 septembre 2024, la société Ramery Enveloppe, représentée par Me Le Roy, conclut au rejet des conclusions présentées contre elle par la société Siretec Ingénierie et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de celle-ci au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'appel en garantie formé à son encontre est irrecevable dès lors que seule la société Ramery Energies est venue aux droits de la société Monsegu avec laquelle elle a fusionné.
Par des mémoires enregistrés le 24 septembre 2024 et le 3 décembre 2024, la société Groupement d'architectes, représentée par Me Morice, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions présentées par la commune requérante devant le tribunal administratif d'Amiens sont irrecevables ;
- les désordres litigieux ne présentent pas un caractère décennal ;
- ces désordres ne sont pas imputables à l'équipe de maîtrise d'œuvre ;
- le comportement du maître d'ouvrage est de nature à l'exonérer de toute responsabilité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- les conclusions de M. Malfoy, rapporteur public,
- et les observations de Me Boillot, représentant la société Groupement d'architectes.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Rainvillers (Oise) a engagé une opération de construction d'un nouveau groupe scolaire, dont elle a confié la maîtrise d'œuvre en 2007 à la société Siretec Ingénierie et à la société Gallois Dudzik, aux droits de laquelle est venu depuis la société Groupement d'architectes. Les travaux du lot n° 10, relatif au chauffage, et ceux du lot n° 11, relatif à la plomberie, ont été confiés à la société Le Sanitaire moderne. Les travaux du lot n° 17, relatif à la voirie et aux réseaux divers, ont été confiés à la société Eurovia Picardie. Postérieurement aux opérations de réception, réalisées entre 2012 et 2014, la commune de Rainvillers a constaté des dysfonctionnements affectant le système de chauffage et la cuve à fioul. Par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens du 22 février 2018, une expertise a été ordonnée afin de déterminer l'origine et la nature de ces désordres. L'expert judiciaire a rendu son rapport le 23 juillet 2019. Au vu des conclusions du rapport d'expertise, la commune de Rainvillers a saisi le tribunal administratif d'Amiens afin d'engager la responsabilité décennale des sociétés Siretec Ingénierie, Groupement d'architectes et Eurovia Picardie et obtenir leur condamnation à réparer les désordres précités et à l'indemniser d'un préjudice de jouissance. Par un jugement du 28 décembre 2023, dont la commune relève appel, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande comme irrecevable, faute pour le maire de justifier d'une délibération du conseil municipal l'autorisant à ester en justice.
2. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) ".
3. Dans son mémoire enregistré le 25 mars 2022 et communiqué à la commune de Rainvillers le 19 mai suivant, la société Siretec Ingénierie a opposé une fin de non-recevoir à l'action engagée par la commune devant le tribunal administratif d'Amiens, tirée de l'absence de délibération du conseil municipal autorisant le maire à intenter une action en justice au nom de la commune. La commune de Rainvillers a produit en réplique, le 23 septembre 2022, une délibération du 28 mars 2014 par laquelle le conseil municipal donnait compétence au maire, pour la durée de son mandat, afin d'intenter les actions en justice au nom de la commune. Une telle délibération, qui avait cessé de produire ses effets à la fin du mandat du maire survenu au cours de l'année 2020, n'était pas de nature à justifier de la qualité de l'intéressé pour représenter la commune lorsqu'il a saisi le tribunal administratif en son nom le 9 août 2021. Alors que le tribunal administratif avait prononcé la clôture de l'instruction à la date du 26 juin 2023, il a pris une mesure d'instruction à l'égard de la commune de Rainvillers le 31 août 2023, dans les conditions prévues par l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, afin d'obtenir communication des éléments justifiant de l'habilitation du maire à agir en justice à la date de présentation du recours. La commune de Rainvillers s'est bornée à produire, à nouveau, la délibération du 28 mars 2014. Si elle a produit une délibération du 29 septembre 2020 afin de justifier de la délégation accordée au maire, cette pièce a été communiquée au tribunal administratif le 18 septembre 2023, alors que la clôture de l'instruction était intervenue de façon automatique, en ce qui concerne les éléments se rapportant à l'habilitation du maire, trois jours francs avant l'audience qui s'est tenue le 20 septembre 2023. Rien ne faisait obstacle à ce que la commune de Rainvillers régularise sa demande avant la clôture de l'instruction, que les premiers juges n'étaient pas tenus de rouvrir. En l'absence d'une justification de la compétence du maire de la commune à agir en justice, la demande présentée en première instance était donc irrecevable, ainsi que l'a estimé le tribunal administratif. La production de la délibération du 29 septembre 2020 devant la cour administrative d'appel, alors même qu'elle a été prise antérieurement au jugement attaqué, n'est pas de nature à régulariser la demande présentée devant le tribunal administratif.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête d'appel, que la commune de Rainvillers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande comme irrecevable. Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par les autres parties sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Rainvillers est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des sociétés Siretec Ingénierie, Groupement d'architectes, Eurovia Picardie, Le Sanitaire moderne et Ramery Enveloppe présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rainvillers, à la société Siretec Ingénierie, à la société Groupement d'architectes, à la société Eurovia Picardie, à Me Hermont, liquidateur de la société Le Sanitaire moderne, et à la société Ramery Enveloppe.
Délibéré après l'audience publique du 22 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : J-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M-P. ViardLa greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au préfet de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
A.-S. Villette
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N°24DA00348