Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 20 février 2024 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2401741 du 30 septembre 2024, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 octobre 2024 et 15 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Mancipoz, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 20 février 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué a retenu à tort la tardiveté de sa demande dès lors que le pli contenant l'arrêté attaqué ne lui a pas été notifié le 28 février 2024 en raison d'une erreur d'acheminement du courrier et qu'il a introduit sa demande auprès du tribunal administratif d'Amiens le 3 mai 2024, dans le délai de recours de trente jours, après en avoir eu connaissance le 30 avril 2024 ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation dont le préfet dispose et des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, du refus de titre de séjour contesté ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, du refus de titre de séjour contesté ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2025, le préfet de l'Aisne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la demande présentée devant le tribunal administratif d'Amiens par l'intéressé était irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- les autres moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien entré en France le 23 septembre 2016, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son activité salariée. Par un arrêté du 20 février 2024, le préfet de l'Aisne a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 30 septembre 2024 par laquelle le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision en raison de sa tardiveté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. (...) ". Aux termes du I de l'article R. 776-2 du code de justice administrative, dans sa version applicable au litige : " Conformément aux dispositions de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application (...) des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément ".
3. Lorsque l'administration oppose au destinataire de sa décision une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action introduite devant le juge administratif, il lui incombe d'établir que ce destinataire en a reçu notification régulière. En cas de retour à l'administration du pli, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé dès lors qu'il résulte des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, d'un avis d'instance prévenant le destinataire de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet "avis de réception" sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté préfectoral du 20 février 2024, acheminé par voie postale, a été présenté le 28 février 2024. Si l'avis de réception produit au dossier comporte une date de distribution et qu'il est revêtu d'un tampon du service du courrier de la préfecture ainsi que d'une signature, il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment d'un courriel du 28 octobre 2024 émanant des services postaux que cet envoi n'a pas été distribué à M. A... en raison, d'une part, d'une erreur lors des opérations initiales de tri automatique puis d'acheminement et, d'autre part, de l'impossibilité de le notifier après sa remise en distribution faute d'identification de son destinataire à l'adresse indiquée, l'appelant produisant sur ce point un contrat de réexpédition temporaire de son courrier dans un autre département, valable pour la période du 22 septembre 2023 au 15 mars 2024 au cours de laquelle l'arrêté du 20 février 2024 a été expédié et dont il n'apparaît pas que les services postaux en aient fait application. Le pli a été, en dernier lieu, restitué à son expéditeur. Dans ces circonstances particulières, l'arrêté en litige ne peut être regardé comme ayant été notifié à l'appelant et le délai de recours de trente jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 776-2 du code de justice administrative n'a ainsi pas commencé à courir. Dès lors, la demande présentée par M. A... le 3 mai 2024 au tribunal administratif d'Amiens tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 février 2024 n'était pas tardive. L'intéressé est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif d'Amiens pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. A....
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par l'appelant.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2401741 du 30 septembre 2024 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif d'Amiens.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Aisne.
Délibéré après l'audience publique du 8 avril 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA02200